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Catherine Gris : «Explorons la voie d’un libéralisme éclairé ou d’un protectionnisme ouvert»

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Catherine Gris : «Explorons la voie d’un libéralisme éclairé ou d’un protectionnisme ouvert» | business-magazine.mu

L’abaissement des tarifs douaniers qui s’accentuera si le gouvernement décide d’aller de l’avant avec le concept de Duty-free Island ne sera pas sans conséquence sur l’industrie manufacturière locale, prévient la directrice de l’Association of Mauritian Manufacturers.

BUSINESSMAG. L’Association of Mauritian Manufacturers avait plaidé dans le passé pour un gel de l’abaissement des droits de douane sur les produits importés. Maintenez-vous cette position ?

Notre économie souffre de la concurrence des grandes économies qui reprennent leurs pratiques protectionnistes sans que nous puissions réagir. L’ouverture est nécessaire et notre pays peut se vanter d’être le champion de la World Trade Organisation et de l’ouverture. Mais à quel prix? Notre indice de Trade Freedom est parmi les meilleurs au monde. En dix ans, nous avons progressé dans l’accélération à l’ouverture. Or, cela a déséquilibré notre balance commerciale. Celle-ci est passée de 10 % de notre PIB à 25 %. À chaque fois que nous achetons un produit que nous savons fabriquer, notre pays est donc perdant. Il est plus que temps que prenions le temps de réévaluer certains dogmes !

BUSINESSMAG. Vous aviez également lancé un appel pour contrôler les importations. Expliquez-vous ?

Il y a nécessité d’explorer une nouvelle voie, celle d’un libéralisme éclairé ou d’un protectionnisme ouvert. Les préférences tarifaires disparaissent et nos produits sont en concurrence avec ceux des grandes économies. Nous sommes aussi en concurrence directe avec ces dernières pour accéder à des financements de projets de développement. Notre démarche est donc une démarche d’équité pour notre pays. C’est la raison pour laquelle nous demandons la réintroduction d’une Equity duty de 15 % sur les positions douanières où existent une production locale au titre d’un traitement spécial de petit État insulaire en développement, qui aura à être négocié auprès de l’OMC. Ainsi, nous pourrons rétablir un level playing field avec les produits importés pendant une période de transition nécessaire à la transformation du tissu local. Cette Equity duty ne pourra s’appliquer sur les produits issus de la SADC et du COMESA car nos engagements ne nous le permettent pas.

L’Equity duty n’aura qu’un faible impact sur les prix parce que nous sommes dans une phase d’inflation très faible et que notre marché est hyper concurrentiel. Il n’est pas dit qu’une hausse de duty se traduise par une augmentation équivalente du prix de vente car l’importateur peut jouer sur sa marge dans un marché hyper concurrentiel. L’Equity duty aura surtout un effet dissuasif pour ceux qui s’improvisent avec des importations sauvages, font des coups, font du tort et s’en vont. C’est une façon de reconnaître la prise de risque de l’industriel.

BUSINESSMAG. Les marques locales sont-elles aujourd’hui mieux perçues par le public mauricien ? Quel est leur taux de pénétration et pensez-vous qu’elles sont encore fragiles face à l’abaissement des tarifs douaniers ?

Globalement, le secteur reste résilient et c’est un atout et une force pour notre pays. Or, 65 % de nos industriels subissent une dégradation de leur position concurrentielle face aux produits importés. Notons que la situation des industriels est la même que les 12 000 PME de production. C’est la tendance à la désindustrialisation amorcée depuis 2006 qui se poursuit. En dix ans, l’industrie locale a perdu plus d’une centaine d’unités et 5 000 emplois directs. On a vu dans l’indifférence générale des unités de production devenir des distributeurs de marques mauriciennes produites à l’étranger.

 BUSINESSMAG. La campagne ‘Made in Moris’ a-t-elle suffi à redynamiser l’industrie locale ?

Le label Made in Moris est une ombrelle pour rendre plus visibles, mais aussi promouvoir les produits locaux. Nous voulons résister à l’uniformisation, à une globalisation sans âme. En tant que citoyens mauriciens, nous avons le droit de consommer des produits qui nous ressemblent. Cela dit, après seulement trois années d’existence, une étude de DCDM vient tout juste de nous confirmer la notoriété grandissante du ‘Made in Moris’ : 87,5% des Mauriciens connaissent le label ‘Made in Moris’. De plus, 90 % de ceux qui connaissent le Made in Moris font confiance au label, et par ricochet, aux produits mauriciens. C’est un progrès énorme. Le ‘Made in Moris’ est devenu en très peu de temps une référence en termes de qualité et de fiabilité.