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Commerce international – Offensive sur les marchés émergents

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Commerce international - Offensive sur les marchés émergents | business-magazine.mu

Le paysage du commerce international se redessine. Alors que l’Europe et les États-Unis changent les règles du jeu, Maurice se retrouve dans l’obligation de se tourner vers les marchés émergents qui seront les nouveaux moteurs de croissance de l’économie mondiale. 

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L’avènement du Brexit, la politique isolationniste de Donald Trump et l’érosion des accords préférentiels sont autant de signes d’une remise en question du système de libre-échange et, in fine, de la mondialisation. S’il est vrai que la Banque mondiale table sur une croissance mondiale de 3,9 % du Pib – l’anticipation la plus élevée depuis 2011 –, n’empêche, la situation sur les places financières, la montée du protectionnisme commercial et les tensions géopolitiques sont des facteurs qui pèseront de plus en plus dans la balance. Et qui poussent Maurice à bouger ses pions sur l’échiquier.

Dans son dernier rapport, MCB Focus le fait d’ailleurs ressortir : «Threats that could impact the baseline growth scenario include the likelihood of : (i) further escalation of protectionist trade policies and counter-restrictions disrupting vital global value chains and undermining business confidence». 

Face à ce réalignement, l’économie mauricienne, fortement dépendante du commerce international, non seulement pour la survie des entreprises tournées vers l’exportation, mais aussi pour l’approvisionnement du marché domestique – le déficit commercial se chiffrait à Rs 99,7 milliards en 2017 –, se retrouve dans l’obligation de se réinventer.

Dans ce contexte, les autorités veulent consolider notre politique commerciale en activant le levier de la diplomatie économique et en allant à la conquête de nouveaux marchés. Ainsi, outre nos accords existants avec l’Union européenne et l’appartenance de Maurice aux blocs régionaux comme la SADC, le COMESA, l’Indian Ocean Rim Association et la Commission de l’océan Indien, des accords majeurs sont en voie de négociation avec des puissances mondiales. Parmi, le Comprehensive Economic Cooperation Partnership Agreement (CECPA) avec l’Inde, un accord de libre-échange avec la Chine, un rapprochement de la coopération bilatérale avec l’Arabie saoudite et les pays du Moyen-Orient, le renouvellement du partenariat avec les pays membres du Commonwealth et la signature d’un Continental Framework Agreement pour une zone de libreéchange en Afrique.

Le plan stratégique 2018- 2021, document annexe du Budget 2018-19, fait état d’une politique en trois volets : le renforcement de nos relations régionales et bilatérales, la consolidation de la stratégie africaine et l’expansion de notre espace économique, incluant l’accès aux marchés de niche. Selon Sunil Boodhoo, Deputy Director, Trade Policy au ministère des Affaires étrangères, il est essentiel que toutes les actions de Port-Louis s’inscrivent dans une perspective de développement économique. Concernant la stratégie africaine, elle vise à donner les moyens au pays de tirer pleinement avantage du potentiel sur le continent. C’est dans cette optique que des accords d’État à État ont été ratifiés avec le Sénégal et le Ghana en vue de la création de zones économiques spéciales (ZES). De plus, le gouvernement est en pourparlers avec l’Éthiopie, Madagascar, la Zambie et le Kenya pour opérer des ZES sur leurs territoires respectifs. 


Nouer des relations solides


Ces opportunités, estime Sunil Boodhoo, aideront à positionner Maurice en tant que tremplin pour canaliser les investissements en Afrique. À terme, la vision est également de créer des ZES à Maurice pour encourager la production à des fins d’exportation sur le continent. À noter que d’ici à 2020, le Pib de l’Afrique passera à $2,6 billions, soit une hausse de 62,5 % depuis 2008. Alors que les dépenses liées à la consommation atteindront $1,4 billion en 2020 contre $414 milliards en 2008. D’ici à 2030, 56 % de la population africaine habitera les grandes villes avec un pouvoir d’achat au-delà des besoins de base. 

Parallèlement, Maurice entend nouer des relations économiques et commerciales avec l’Inde et la Chine. Du reste, des négociations bilatérales sont en cours. Ce qui amène Sunil Boodhoo à l’observation suivante : «Prenant en considération ces deux pays avec une population d’environ 1,3 milliard d’habitants chacun, couplé avec le continent africain, c’est presque deux tiers de la population mondiale avec qui nous sommes en train de développer des accords économiques et commerciaux».

Maurice jouit déjà de bonnes relations bilatérales avec l’Inde et la Chine, comme en témoignent la récente visite du président chinois Xi Jinping et, plus loin, celle du Premier ministre indien, Narendra Modi. Le volet commercial est maintenant en voie de consolidation, notamment avec la reprise des négociations avec l’Inde pour le CECPA, dont le sixième round devrait se tenir à New Delhi en septembre, et la tenue du 13 au 15 août d’un round de négociation avec la Chine sur l’accord de libre-échange axé non seulement sur le commerce de biens, mais aussi des services et de la coopération économique. «Il y a une certaine synergie que nous sommes en train de développer avec toutes ces négociations», insiste Sunil Boodhoo. 



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L’Europe reste le principal marché

En 2017, les exportations vers l’Europe totalisaient Rs 35,78 milliards. Ce qui représente 49,5 % de la valeur de nos exportations. Nos produits étaient écoulés principalement au Royaume-Uni (11,9 % – Rs 8,58 milliards), en France (11,7 % – Rs 8,46 milliards), aux États-Unis (11,2 % – Rs 8,09 milliards) et en Afrique du Sud (8,9 % – Rs 6,45 milliards). Les exportations vers La Réunion, l’Espagne et l’Afrique du Sud ont connu une croissance de 18,4 %, 14,2 % et 1,7 % respectivement. Plus de la moitié de nos importations provenaient de quatre pays principaux : la Chine (16,4 % – Rs 29,68 milliards), l’Inde (16,4 % – Rs 29,65 milliards), l’Afrique du Sud (8,5 % – Rs 15,4 milliards) et la France (7,9 % – Rs 14,34 milliards). Statistics Mauritius anticipe un déficit commercial de Rs 109 milliards pour 2018 avec des exportations de Rs 84 milliards contre des importations de Rs 193 milliards.  



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Valeur du jour, les discussions sont bien avancées sur la conclusion du volet Goods and services du CECPA et devraient être finalisées d’ici à la fin de l’année. Sur la liste de 500 produits soumise par Port-Louis, 75 % ont déjà reçu l’aval des négociateurs indiens, ce que Sunil Boodhoo qualifie «d’avancée extraordinaire». Les prochaines discussions devraient désormais porter sur le volet d’accès au marché. L’objectif, avec l’entrée en vigueur du CECPA, est de pouvoir écouler 150 000 tonnes de sucre et 15 millions de litres de rhum en Inde chaque année. Cependant, afin de garantir un succès des produits mauriciens sur le marché indien, il est important pour l’industrie manufacturière locale de s’engager dans une production à valeur ajoutée. «L’enlèvement des barrières tarifaires par l’Inde recèle un potentiel énorme si nous savons comment nous adapter», argue Sunil Boodhoo. 


Maurice a intérêt à inclure l’Inde et la Chine dans sa stratégie africaine


L’équation chinoise n’est pas à être négligée, non plus, surtout dans le contexte de nos ambitions africaines. En sus de l’accord de libre-échange qui sera vraisemblablement conclu lors de la participation du Premier ministre, Pravind Jugnauth, au Forum on Chine-Africa Cooperation en septembre, Sunil Boodhoo insiste sur le fait que l’Empire du Milieu, actuellement deuxième puissance économique mondiale, pourrait passer au statut de première économie mondiale d’ici à 10 ans ; dépassant de ce fait les États-Unis. Alors que l’Inde talonne la Chine de très près, avec le potentiel de passer au rang de troisième, voire de deuxième puissance économique mondiale si le rythme de croissance de son Pib demeure stable ou supérieur aux 7 % actuels. Maurice a ainsi tout intérêt à prôner un rapprochement avec ces deux superpuissances et les inclure dans sa stratégie africaine en se positionnant comme tremplin pour leurs investissements.



Diversifier nos marchés dans la région

Nos exportations dans la région ne décollent pas. Et ce, en dépit de notre appartenance à des blocs régionaux. Pour autant, Sunil Boodhoo ne se dit nullement inquiet. Cette situation s’explique par le fait que Maurice est un petit pays, avec une base industrielle concentrée sur quelques produits sélectifs. D’où le besoin d’une diversification. En contrepartie, Maurice, qui ne possède pas de ressources naturelles, reste un gros importateur, notamment de produits pétroliers. Si la question d’exploration pétrolière dans nos territoires maritimes a été évoquée, des démarches concrètes n’ont pas encore été entreprises à l’heure actuelle. «Les séquelles de la crise de 2008 se font encore ressentir à travers le monde ; ce qui a fait que le commerce mondial a accusé une baisse générale, qui se reflète dans nos chiffres également. L’instabilité dans notre marché principal qui est l’Europe et l’érosion de nos accords préférentiels comme le Protocole sucre en sont aussi la cause», fait ressortir Sunil Boodhoo. La diversification vers de nouveaux marchés est une nécessité. Une politique qui se matérialise graduellement. Ainsi, Maurice a exporté l’an dernier 125 000 tonnes de sucre vers le Kenya.  


Le commerce avec les blocs régionaux

En 2017, les exportations vers les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) se chiffraient à Rs 16,06 milliards contre un volume d’importation de Rs 24,15 milliards. Le déficit commercial se chiffrait ainsi à Rs 8,08 milliards. S’agissant des pays membres du COMESA, le déficit commercial se montait à Rs 319 millions avec des exportations valant Rs 8,32 milliards et des importations de Rs 8,71 milliards. Parmi les principaux acheteurs, on retrouve Madagascar (57,5 %) alors que nos principaux fournisseurs sont : les Seychelles (31,2 %), Madagascar (29 %) et le Kenya (16,7 %). Quant au commerce avec les pays de la SADC, il affiche un déficit de Rs 9,16 milliards en 2017. Le pays a ainsi importé pour une valeur de Rs 22,09 milliards contre des exportations de Rs 12,92 milliards. Nos principaux acheteurs sont : l’Afrique du Sud (50 %) et Madagascar (37 %). Alors que l’Afrique du Sud se positionne comme le principal fournisseur (69,8 %).  


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