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Construction : les raisons du ralentissement

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Construction : les raisons du ralentissement | business-magazine.mu

Quand la construction va, tout va, dit-on. Minée par la crise, la baisse des investissements privés et l’endettement, l’industrie du bâtiment est en récession depuis deux ans. Les observateurs craignent que ce ralentissement ait des effets en cascade sur l’économie.

En l’espace de trois ans, la situation s’est considérablement dégradée dans la construction. En 2009, au début de la crise, le secteur était dynamique enregistrant une croissance soutenue de 5,9 %. En 2010, la croissance est descendue à 4,3 %. Puis, cela a été la dégringolade. 2011 et 2012 seront des années sombres pour l’industrie qui enregistrera une décroissance de 2 % et 2,9 % respectivement.

2013 ne s’annonce guère mieux. Les dernières prévisions de Statistics Mauritius font état d’une baisse de 2 % pour cette année.

Hormis cette baisse de croissance, le secteur de la construction se trouve également confronté à un sérieux problème d’endettement. En un an, le crédit alloué à ce secteur a gonflé de 23,4 %. A fin 2012, le crédit à la construction s’élevait à Rs 67,6 milliards contre Rs 54,8 milliards à fin 2011. La construction se positionne comme l’industrie la plus endettée actuellement devant l’industrie touristique. Au fait, celle-ci, qu’on dit lourdement endettée (Rs 44,8 milliards), n’a vu son endettement augmenter que de 4,1 % en un an.

Pour Vikramsing Bhujun, Managing Director de Prodesign – une firme de conseil en génie civil –, la construction opère naturellement par endettement. « C’est le mécanisme même de la construction. Par exemple, le client avance 10 %, mais l’entrepreneur doit trouver davantage au niveau de ses propres fonds pour injecter dans le projet et ce cash-flow doit être soutenu par l’emprunt bancaire », observe-t-il.

Crédit : appel aux banques

Toutefois, il reconnaît que le niveau de crédit est élevé, car les opérateurs ont dû emprunter pour soutenir l’expansion soudaine du secteur dans les années 2000. Les banques doivent continuer à jouer le jeu en débloquant du crédit en faveur des entrepreneurs, soutient-il. Gilbert Espitalier-Noël, Chief Executive Officer d’ENL Property, est du même avis. « Il serait dangereux pour l’économie que subitement les banques bloquent tous les crédits à ce secteur. Elles doivent rester prudentes, mais il ne faut pas généraliser et chaque projet doit être considéré selon son propre mérite », insiste-t-il.

Comment en est-on arrivé à cette situation aujourd’hui ? Vers le milieu des années 2000, il y a eu un boom dans le domaine de la construction, mais en 2010-2011, le marché s’est stabilisé. « Pendant le boom, les opérateurs ont recruté, investi, agrandi leurs bureaux et contracté des prêts. Ils ont agi par rapport à la demande présente, sans tenir compte du long terme. Aujourd’hui, avec le ralentissement dans l’industrie, ils sont nombreux à se retrouver en difficulté », constate Vikramsing Bhujun. Ce qui s’est passé en 2012 est inquiétant, selon lui, parce que le marché a clairement baissé. Durant le deuxième semestre de 2012, les compagnies de construction ont décroché plusieurs chantiers, mais ceux-ci ont été alloués il y a deux ou trois ans de cela. « Par contre, pour cette année, je peux vous confirmer que beaucoup de grands entrepreneurs n’ont pas de commandes. Et ce phénomène concerne non seulement les entrepreneurs, mais aussi les consultants, les ingénieurs et les architectes », poursuit-il.

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Depuis deux ans, les différents pôles de croissance de la construction sont en panne, comme le fait remarquer Gilbert Espitalier-Noël : « L’hôtellerie a considérablement ralenti son rythme de construction de nouveaux établissements et de rénovation. Et on ne voit pas quel miracle va connaître ce secteur à court terme. C’est clair qu’il donnera relativement peu de travail au secteur de la construction ».

Pour ce qui est des bureaux, là encore les perspectives sont peu reluisantes pour les prochains mois. « Il y a un excédent de bureaux d’environ 20 000 m2sur la région d’Ebène. Bien courageux sera le promoteur qui se lancera encore dans la construction de bureaux car le potentiel est limité. Nous le faisons à notre niveau, mais avec beaucoup de prudence», souligne le responsable d’ENL Property.

Pour ce qui est des centres commerciaux, il y a eu la construction de plusieurs malls ces dernières années sur l’axe Curepipe-Grand Baie. Mais depuis, on note une certaine saturation. Dans le créneau Integrated Resort Scheme - Real Estate Scheme (IRS-RES), la vente de ce type de résidences aux étrangers a ralenti avec la crise. « Nous voyons une reprise sur le marché des IRS, notamment sur le marché français, mais cela va rester modeste », opine Gilbert Espitalier-Noël. Par ailleurs, il ne pense pas qu’il y aura d’autres projets de l’envergure d’Anahita et de Tamarina. S’agissant des travaux publics (routes, ponts, infrastructures…), le CEO d’ENL Property estime que ce type de projet est très positif, mais ne bénéficie qu’aux grands entrepreneurs.

Menace de licenciements

Le secteur de la construction est à la croisée des chemins. Avec la crise économique qui perdure, il y a un manque de visibilité quant à son évolution. Si la situation ne s’améliore pas, beaucoup d’entrepreneurs seront obligés de considérer des licenciements d’ici mai / juin, appréhende Vikramsing Bhujun.

« Actuellement, le secteur puise dans ses réserves. Il n’est pas encore en crise, mais pour combien de temps encore ? » se demande-t-il.

Pour Gilbert Espitalier-Noël, la situation actuelle est inquiétante, mais pas dramatique car d’autres secteurs économiques se portent bien et parviennent à compenser la baisse dans la construction, à l’instar du textile, des services financiers et de l’agriculture, notamment. Il prévient cependant que si la construction continue de chuter, cela aura des effets en cascade sur l’économie. « Un ralentissement dans la durée aura un effet négatif non seulement sur les grandes entreprises de la construction, mais aussi sur les PME du secteur », analyse-t-il.

Pour Vikramsing Bhujun, vu que le secteur privé est en difficulté, il incombe au gouvernement de relancer la construction. « Le gouvernement a beaucoup à construire. Il faut rénover les hôpitaux, améliorer les infrastructures, les routes, développer de nouvelles villes, rénover les écoles et construire des terrains de sport », étaye-t-il. Et d’ajouter que le gouvernement doit appliquer au plus vite le concept PPP (Public-Private Partnership) pour les projets d’hôpitaux, d’écoles, etc.

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