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CSR – Où va l’argent des entreprises

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CSR - Où va l’argent des entreprises | business-magazine.mu

Le secteur privé est devenu au fil des années un maillon indispensable dans la lutte contre la pauvreté. Des résultats concrets ont été constatés sur le terrain. Or, les autorités changent trop souvent les lignes directrices régissant le CSR. Ce qui complique l’initiative des entreprises à dégager une stratégie soutenue dans ce combat contre la misère.

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Une des raisons évoquées par l’ancien ministre des Finances, Rama Sithanen, en introduisant une taxe CSR de 2 % en 2009 c’était d’avoir du secteur privé un coup de main dans le combat contre la pauvreté. Il aurait pu avoir simplement augmenté l’impôt à 17 %, par exemple, mais il avait compris la valeur ajoutée en matière de transfert de compétences du privé au social. Et c’est effectivement ce qui s’est passé sans que cela n’ait jamais vraiment été chiffré ou évalué. Par contre, il est clair que, depuis, le monde des ONG a accompli un bond gigantesque en matière de gouvernance, de gestion, de professionnalisation de leurs services, en monitoring, évaluation et reporting ainsi qu’en leur capacité de s’unir pour les causes communes.

Concernant l’engagement, les entreprises du privé n’ont pas chômé. Bien avant l’introduction de cette taxe, des structures telles que la Fondation Espoir Développement du groupe Beachcomber ou encore la Fondation Ciel Nouveau Regard (FCNR) étaient pleinement actives dans le social. À titre d’exemple, la FCNR, lancée en novembre 2004, a jusqu’à ce jour engagé près de Rs 80 millions dans différents projets ayant trait à la santé, au handicap, à l’éducation et à la lutte contre la pauvreté. De son côté, à juin 2015, l’ENL Foundation, mise sur pied en 2009, avait dépensé plus de Rs 50 millions dans ses projets et autres contrbutions aux ONG. Actuellement, au sein de cette fondation, un montant annuel de Rs 6 millions est dépensé pour des actions sociales. Au sein du groupe Rogers, c’est un montant de Rs 106 millions qui a été consacré à des projets sociaux jusqu’à ce jour.


«La responsabilité sociétale devrait s’exprimer volontairement et sans contrainte»,author:}}


Toutefois, l’exercice budgétaire de juillet 2016 est venu complètement revoir ce système avec l’instauration de la National CSR Foundation vers laquelle se dirige maintenant 50 % du fonds CSR des entreprises du privé. L’État a certes un droit de regard mais beaucoup sont d’avis que le CSR aurait dû demeurer une action volontaire. «Lorsqu’on observe le concept global et mondial du CSR, on s’aperçoit que c’est définitivement, par essence, une démarche qui se veut volontaire. À la base, la responsabilité sociétale des entreprises devrait pouvoir s’exprimer volontairement et sans contrainte. J’irai plus loin pour dire que le CSR devrait être intégré à la stratégie de l’entreprise et ne pas en être dissocié. Et pour être conforme à ce concept, l’État ne peut et ne doit pas s’ingérer», précise Mario Radegonde, Head of CSR d’ENL et General Manager d’ENL Foundation.

Delphine Bouic, directrice de la Fondation Ciel Nouveau Regard, est catégorique : la lutte contre la pauvreté et l’exclusion n’est pas la priorité du secteur privé. L’entreprise a pour responsabilité de créer des richesses et ainsi créer de l’emploi et développer le pays. «Les politiques de développement durable des entreprises cherchent pour la plupart à développer des partenariats avec l’État car à plusieurs, nous sommes plus forts. Mais aujourd’hui, avec la moitié des 2 % de la taxe dans les mains de l’État, ce dernier a les moyens financiers d’agir. Le reste est une question de volonté», observe-t-elle.


Le CSR, une panacée ?

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Ce qui amène certains à dire que le CSR tend à devenir, dans l’esprit de certains, la panacée de tous les maux de société. La pauvreté, comme le rappelle un observateur du secteur, est une conséquence de notre choix de société : individualiste, récompensant de manière disproportionnée ceux en haut de l’échelle sans aucune considération pour ceux qui occupent les plus bas échelons. 

Le CSR et les ONG ne peuvent que pallier les symptômes en marge de cette disparité flagrante de salaires. Celui-ci maintient que notre système éducatif est à la source même de cette pauvreté par son modèle élitiste et individualiste. Fait interpellant : une grande majorité de pauvres ont un niveau scolaire bas.

Pour en revenir aux lignes directrices trop souvent altérées, celles-ci ne font que pénaliser les ONG et les récipiendaires année après année. Le secteur privé se réajuste et s’adapte mais il y a également un début de détachement et de distance après s’être heurté à tant d’obstacles. Pour Audrey d’Hotman de Villiers, CSR & Sustainability Manager de Rogers, le CSR est supposé être un engagement et un rapprochement entre les personnes qui ont réussi et ceux qui ont besoin d’une main tendue. La lutte contre la pauvreté est donc un problème structurel et relationnel, et non pas de CSR. 


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Les changements au régime du CSR


2009 - Le cadre fiscal est modifié pour introduire une nouvelle forme de taxe, le CSR Levy. Les entreprises doivent consacrer 2 % de leurs bénéfices nets à leur responsabilité sociétale.

2010 - Le mécanisme d’allocation des fonds CSR est modifié : 50 % de la contribution sera désormais consacrée à trois domaines prescrits, à savoir, le logement social, le bien-être de l’enfance vulnérable et l’éradication de la pauvreté absolue.

2015 - Un vent de libéralisation balaie le secteur. Les entreprises doivent à présent consacrer 2 % de leurs revenus imposables au CSR. Elles sont libres d’utiliser le fonds selon leur propre stratégie. L’État n’impose ainsi aucune ligne directrice. Les entreprises réagissent en s’autorégulant.

2016 - énième changement de cap. L’État prend les choses en main et crée la National CSR Foundation.


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Mais la création de la National CSR Foundation se révèle être un mal pour un bien. Celle-ci a été bâtie pour des raisons non fondées, issues des critiques sur le manque de visibilité sur la performance des programmes et le manque de transparence dans l’allocation des fonds, ainsi que dans le choix des projets et des bénéficiaires (et non sur des données statistiques). Mais ce manque de transparence émanerait du défunt National CSR Secrétariat, qui n’aurait pas dialogué avec les parties prenantes ni partagé les informations statistiques obtenues chaque semestre de toutes les compagnies engagées. La lutte contre la pauvreté ne peut être gagnée sans un minimum de recherches et de statistiques. Pour l’instant, comme le font remarquer certains observateurs, il n’y a ni définition précise de ce qu’est la pauvreté, ni plan de bataille. Encore moins une surveillance des résultats.

«Je n’accepte pas que l’on puisse venir dire qu’il n’y a pas eu de résultats ou qu’il y a manque de visibilité sur la performance. L’État dispose de tous les rapports soumis au feu National CSR Secrétariat et sait exactement ce que chaque fondation a dépensé, dans quels axes ou quelle intervention et qui sont les bénéficiaires. La question qui doit être posée est pourquoi le National CSR Secrétariat n’a jamais compilé ces informations et pourquoi elle n’a jamais publié un rapport annuel», fait ressortir Mario Radegonde.

Ainsi, la National CSR Foundation est venue ouvrir le dialogue et affiche la transparence sur ses fonctions et ses orientations, ce qui change d’auparavant. Si le travail se poursuit, la crainte d’un changement d’orientation par les politiques est bel et bien présente.

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Le privé s’engage

Lancée le 30 novembre 2004, la Fondation CIEL Nouveau Regard (FCNR) est engagée principalement dans l’intégration sociale des personnes en difficulté. La FCNR établit des partenariats avec des ONG en soutenant leurs projets sur le long terme. Ainsi, Lakaz Lespwar Solitude en collaboration avec Caritas est un projet qui donne de bons résultats ; la section secondaire de l’école des sourds avec la Society for the Welfare of the Deaf est la première et la seule section secondaire pour les enfants malentendants à Maurice. La FCNR démarre bientôt un service d’évaluation et de diagnostic spécialisé pour l’autisme. Ce sera le seul à Maurice. Il permettra de poser sur l’enfant un vrai diagnostic afin de l’aider à développer son potentiel au mieux de ses capacités. Ce projet sera géré par Autisme Maurice.

«Ce sont là nos ‘focus projects’. À cela s’ajoutent des programmes que nous finançons pour apporter de la valeur ajoutée à ces gros projets mais aussi d’autres qui peuvent être liés à des initiatives de développement futures dans le groupe Ciel. De plus, nous gérons et finançons à 100 % la plateforme actogether. mu», détaille Delphine Bouic, directrice de la Fondation Ciel Nouveau Regard. «Au début de la FCNR, nous avons travaillé à remettre sur pied l’association SAFIRE, qui travaille avec les enfants des rues. La FCNR a été partenaire pendant environ six ans et je suis très fière de voir leur parcours.»

De son côté, le groupe ENLA a, il y a quelques années déjà, adopté la lutte contre la pauvreté comme option stratégique et prioritaire. ENL Foundation est pleinement engagée dans le concept de développement communautaire. Elle est présente dans différentes communautés du catchment area, à Alma, Pailles et la Cité Telfair. Elle est engagée en tant que partenaire de la Fondation Solidarité du groupe Eclosia et Rogers Foundation sur un projet de développement communautaire intégré à Cité SainteCatherine, à Saint-Pierre, d’une durée de trois ans. La fondation est aussi partenaire d’Omnicane Foundation sur un projet de développement communautaire à L’Escalier, mis en œuvre par Caritas île Maurice. Par ailleurs, la fondation planche actuellement sur un plan social dans le cadre de la Moka Smart City. Ce plan sera prochainement finalisé et mis en œuvre. Les grandes orientations seront surtout de favoriser l’inclusion sociale et l’intégration de la communauté.

Le groupe Rogers est depuis 2003 engagé dans l’environnement, dont la protection des ressources côtières, tout en soutenant le pôle pauvreté à travers le projet conjoint d’ENL-EclosiaRogers à Sainte-Catherine. Rogers soutient également les villages de la région de Bel Ombre. 

Former les jeunes en situation d’échec scolaire à un métier, leur redonner le goût des études, leur apprendre les valeurs, leur redonner confiance en eux. Ce sont là les objectifs du Projet Employabilité Jeunes (PEJ), premier programme d’intégration de la Fondation Espoir Développement de Beachcomber (FED) lancé en 2001. Seize ans plus tard, ils sont plus de 2 700 filles et garçons à avoir suivi la formation. La plupart d’entre eux ont aujourd’hui un emploi stable.

Depuis 2003, la Fondation a voulu collaborer plus étroitement avec les hôtels Beachcomber et à impliquer davantage le personnel dans l’action citoyenne. En 2006, la FED a lancé le projet Artisanat pour aider les petits artisans à mieux vendre leurs produits sur le marché hôtelier / touristique. Les hôtels Beachcomber sont des clients importants pour ces petits artisans. Le projet artisanat, qui touche surtout les femmes, permet à ces dernières d’être plus autonomes sur le plan financier, et donc d’avoir davantage leur mot à dire dans leurs familles. Certaines utilisent l’argent qu’elles gagnent pour l’éducation de leurs enfants, ce qui devrait permettre plus tard à ces derniers d’avoir plus d’opportunité sur le marché de l’emploi.



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