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De la monoculture à une économie des services

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De la monoculture à une économie des services | business-magazine.mu

Au cours de ses quarante-cinq ans d’indépendance, la République de Maurice a su diversifier sa base économique. D’une économie essentiellement agricole, le pays a successivement connu un processus d’industrialisation avant de s’adapter à la mondialisation et d’évoluer vers une économie des services.                        

Quand Maurice obtenait son indépendance en 1968, les observateurs ne donnaient pas cher de notre avenir. En 1961, dans son rapport sur les grandes orientations économiques que le pays allait devoir embrasser dans la période postindépendance, James Meade se montrait sceptique. Le futur prix Nobel voyait mal comment nous pourrions réussir le pari de restructurer notre économie. Les obstacles étaient multiples : la croissance démographique était élevée – à plus de 3 % –, alors que la croissance économique peinait à 1 %, le chômage frôlait les 15 % et près de 95 % de nos recettes à l’exportation provenaient du sucre.

Mais défiant tous les pronostics, la jeune nation mauricienne allait s’affirmer et se faire remarquer à l’échelle de l’Afrique. Rapidement, la politique d’une industrialisation de substitution aux importations fait mouche. Pour encourager les entrepreneurs à s’embarquer dans ce processus d’industrialisation, on leur accordera une série d’incitations fiscales. En 1970, c’est la création de la zone franche calquée sur le modèle taïwanais. Une nouvelle ère pour une économie mauricienne qui, pendant la colonisation, n’était qu’un relais pour alimenter la toute-puissante Grande-Bretagne en produits agricoles. Parallèlement, Maurice signait la Convention Yaoundé et rejoignait le Marché commun européen en 1973. Dans la foulée, la signature du Protocole Sucre nous permettait un accès préférentiel en Europe.

1970 : création de la zone franche

Tout semble sourire à Maurice. Aussi l’envolée du cours des matières premières au début des années ’70 constituera-t-elle une manne pour l’économie mauricienne.

De 1971 à 1977, le pays connaît son premier cycle de développement. Alors qu’engluée dans les conflits politiques et les guerres civiles, l’Afrique réalisait une croissance autour de 2 %, Maurice enregistre pendant plusieurs années des taux de croissance à deux chiffres. Sous cette période faste, l’expansion de l’économie du pays sera comme suit : 1970 (-0,2 %), 1971 (4,9 %), 1972 (10,6 %), 1973 (11,6 %), 1974 (10,8 %), 1975 (-0,1 %), 1976 (16,2 %), 1977 (7 %).

Mais Maurice sera victime de son succès. Dans le secteur privé, les salaires grimpent en flèche. Le niveau de vie du Mauricien est rehaussé, le revenu par tête d’habitant passant de Rs 1 446 en 1970 à Rs 5 910 en 1977. L’économie mauricienne est propulsée dans une nouvelle ère de spirale inflationniste. Le taux d’inflation est alarmant : 25,3 % en 1974, 14,7 % en 1975 et 13,4 % en 1976.

De même, l’instabilité dans le pays, caractérisée par les tensions politiques, les grèves, et l’instauration de l’état d’urgence impacteront sur notre production intérieure. Dans le même souffle, le cours sucrier chute. Ce qui signifie moins de recettes à l’exportation.

Maurice connaît des jours sombres et bascule dans un autre cycle : la crise. Le pays est au bord de la banqueroute avec seulement des réserves équivalant à une couverture de deux semaines d’importations. La seconde crise pétrolière, qui éclate en 1979, nous accule un peu plus.

Nous sommes contraints de nous tourner vers le Fonds monétaire international (FMI) qui brandit ses prescriptions en contrepartie de son soutien financier. L’austérité est le maître-mot. Le ministre des Finances d’alors, sir Veerasamy Ringadoo, n’a d’autre choix que d’appliquer le couperet. La roupie, qui est toujours rattachée à la livre sterling, subit une double dévaluation. En octobre 1979, la monnaie locale est dévaluée de 30 %. C’est la consternation ! Sir Gaëtan Duval y voit « un aveu d’échec». En septembre 1981, la roupie est dévaluée, cette fois de 20 %.

Sur le plan politique, la sanction est immédiate : Sir Seewoosagur Ramgoolam, l’architecte de l’indépendance, est battu à plate couture aux législatives de 1982. Après neuf mois au pouvoir, le nouveau gouvernement, incarné par le tandem Sir Anerood Jugnauth-Paul Bérenger implose. Le MSM prend naissance. À l’issue des élections générales de 1983, c’est l’équipe MSM-Parti travailliste-PMSD qui est conduite au pouvoir. Commence alors l’ère du miracle économique. Entre 1983 et 1990, le pays enregistrera une croissance moyenne entre 0,4 et 8,9 %.

Le début des années ’90 sera marqué par l’ascension du secteur touristique, qui deviendra le principal contributeur au produit intérieur brut (PIB). Le processus d’industrialisation se poursuivra. Dans le même temps, le secteur agricole perdra de sa dimension au sein de l’économie mauricienne. C’est aussi l’émergence des services financiers avec la création de l’offshore. En 1991, Maurice et l’Inde ratifient un traité de non-double imposition fiscale (DTA). Ce qui constitue une démarche majeure dans nos transactions transfrontalières. Un accord qui permet aux investisseurs de passer par notre juridiction pour faire des placements en Inde. L’on estime que près de 40 % des investissements directs étrangers (IDE) destinés à la Grande péninsule transitent par Maurice. Au total, le pays a ratifié 36 DTA.

De 1991 à 2000, le taux d’expansion de l’économie oscillera entre 4,4 et 9,7 %. Durant cette période, l’inflation sera modérée : entre 4,2 et 10,5 %.

L’émergence du secteur financier

Maurice évoluera graduellement vers une économie des services à mesure que le secteur financier et le tourisme deviendront les principaux axes de la richesse nationale. En 2001, le Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, mène à bon port le projet de libéralisation des télécommunications avec l’objectif avoué de transformer Maurice en une cyber-île. Il faudra plusieurs années avant que la nouvelle industrie ne se développe. Aujourd’hui, le secteur des Tic-BPO représente 6,5 % du PIB national.

Le nouveau millénaire sera synonyme de remise en question. Avec la fin des préférences commerciales, le pays est condamné à repenser sa stratégie économique. Coup sur coup, l’Europe annonce la fin du Protocole Sucre et de l’accord multifibres. Dans le secteur sucre, cette décision aura une double conséquence. Les recettes sucrières baisseront de 36 % pour atteindre Rs 3,4 milliards. Dans un second temps, les patrons sucriers vont diversifier leurs activités en se tournant, notamment, vers l’immobilier et l’hôtellerie. L’industrie textile subira de plein fouet les effets de la fin l’accord multifibres, qui limitait les quotas des produits textiles, notamment de la Chine et de l’Inde. Évoluant sans filet de protection, le secteur manufacturier mauricien connaîtra une période de disette. L’Africa Growth and Opportunity Act(Agoa) – adoptée en 2000 et qui offre l’accès en franchise de douane à un ensemble de produits sur le marché américain – a toutefois permis à notre industrie manufacturière de maintenir la tête hors de l’eau. En 2012, elle enregistre une croissance faible de 1,9 %.

En 2006, le ministre des Finances d’alors, Rama Sithanen, enclenche les réformes en vue de renforcer l’attrait de Maurice comme une destination des affaires, en simplifiant notamment les procédures pour faire du business et en adoptant une politique fiscale assouplie avec un taux d’imposition uniforme de 15 % pour les entreprises et les particuliers. Une politique qui a permis au pays de résister à la crise en continuant à attirer des IDE. Dans le dernier rapport du Doing Business de la Banque mondiale, Maurice a gagné cinq places, évoluant du 24e au 19e rang.

Ces quarante-cinq dernières années, l’économie mauricienne s’est toujours remise en question. Elle a su faire preuve de réactivité, se diversifiant quand le contexte l’exigeait. Nous sommes désormais reconnus comme une économie à revenu intermédiaire.

Aujourd’hui encore, Maurice se retrouve à la croisée des chemins. La crise a testé notre résilience. Avec l’affaiblissement de l’Europe, qui est son principal marché, Maurice est appelée à se tourner davantage vers d’autres partenaires commerciaux. Il se lancera le défi de devenir le pont commercial entre l’Asie et l’Afrique.

 

Evolution du taux de croissance (1970-2012)

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