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Thierry Le Breton: «La dimension écologique et les impératifs économiques sont liés»

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Thierry Le Breton: «La dimension écologique et les impératifs économiques sont liés» | business-magazine.mu

Les résultats financiers découlant de l’adoption d’une stratégique verte dans l’entreprise ne seront pas forcément visibles à brève échéance, souligne le Regional Manager d’Utopies.

BUSINESSMAG. De plus en plus d’entreprises mettent en place des mesures pour réduire leur empreinte carbone. S’agit-il d’une réelle prise de conscience ou d’une simple stratégie de marketing?

L’un n’empêche pas l’autre. Maintenant que les entreprises commencent à entrer dans des démarches vertueuses en matière de responsabilités sociales et environnementales, ce qui importe, c’est de prendre note de leurs initiatives. Il convient également de rester humble et de prendre conscience du chemin qu’il reste à parcourir.

Il existe plusieurs approches à cette question. Premièrement, cela peut prendre la forme d’une amélioration continue, c’est-à-dire faire du monitoring à la marge de l’ensemble des processus de l’entreprise tout en faisant évoluer les produits et autres services. La deuxième approche est celle de l’excellence. Il s’agit là pour les entreprises d’adopter une démarche d’innovation radicale. L’objectif étant que leurs services et produits soient fondamentalement responsables tant sur le plan social qu’économique.

La dimension marketing n’est pas absente de ces démarches puisque les comportements d’achats des consommateurs indiquent qu’il y a là un marché prometteur. Il est donc logique que les entreprises veuillent intégrer ce marché pour y faire du business. Au final, pour les entreprises, la dimension écologique et les impératifs économiques sont liés. 

BUSINESSMAG. Est-il possible pour une entreprise devenue « verte » de quantifier les avantages en termes d’image et de revenus découlant d’une telle stratégie ?

Il est possible de quantifier l’impact d’une économie verte dans une société. Il existe pour cela des indicateurs qui permettent de connaître la proportion qu’elle a été amenée à prendre au fil des années. Les pays où ces indicateurs existent démontrent clairement une croissance des produits et services verts. Le marché des produits et services connaît des taux de croissance très intéressants aujourd’hui et c’est pour cela que les entreprises s’y intéressent.

Malheureusement, de tels indicateurs n’existent pas pour l’heure à Maurice. Il y a bien eu des études qui portaient sur le nombre de « green jobs », mais cela ne suffit pas. De fait, il est assez difficile de savoir ce qui est « vert » ou pas. Il existe sur le marché un certain nombre de produits dont les contours sont assez flous. Il n’est donc guère étonnant qu’en l’absence de données, il arrive que certaines entreprises se lancent sur le marché des produits et services verts et qui ne rencontrent pas le succès escompté.

BUSINESSMAG. Si les entreprises dédaignent autant la question du développement durable, c’est  souvent parce qu’elles disent n’y voir aucun intérêt économique. L’écologie et l’économie sont-elles réellement irréconciliables ?

Beaucoup de boîtes éprouvent, en effet, des difficultés à percevoir l’intérêt économique qui accompagne l’adoption d’une stratégie vertueuse. Mais il suffirait pour qu’elles changent d’avis sur la question qu’elles procèdent à une évaluation des risques au travers d’un Risk Management Program. Ces entreprises se rendraient vite compte que le fait d’inclure une stratégie verte dans l’équation pourra se révéler avoir un coût plus important à terme.

La société, on le voit depuis une dizaine d’années, est de plus en plus sensible aux questions environnementales et sociales. Les gens n’acceptent plus tout et n’importe quoi pour la seule raison économique. Il va donc y avoir une pression sociale, mais aussi réglementaire puisque avec le plan d’action du projet MID, il y aura de plus en plus de lois contraignantes pour les entreprises. Il n’y a qu’à voir les récentes lois du bâtiment, qui réglementent depuis peu la maîtrise énergétique des nouvelles constructions. Les entreprises devront donc tôt ou tard se plier à ces nouvelles réglementations, de gré ou de force.

BUSINESSMAG. Pour les bons élèves, la première initiative consiste le plus souvent à calculer l’empreinte carbone de leurs activités. Est-ce un premier pas dans la bonne direction ?

Ça peut être une bonne façon de s’y prendre si cela aide l’entreprise à prendre conscience. Cette première étape qui doit aider à la prise de conscience. Simplement, cela peut ne pas nécessairement être ce qu’il y a de plus pertinent pour les activités de l’entreprise elle-même, parce que chaque entreprise a des activités et un business model différent.

S’il est bien évidemment essentiel pour une entreprise de connaître son impact environnemental et social, il existe de nombreux moyens d’y parvenir. Cela dit, toute entreprise dont les activités sont liées à une forme de production hautement carbonique se doit d’entreprendre une évaluation de son empreinte carbone. Mais plus qu’un simple calcul, il est plus avantageux pour elles de faire évoluer ses produits et services pour qu’ils soient en eux-même positifs pour l’environnement.

Il faut cependant souligner qu’il n’importe pas seulement de prendre en considération l’empreinte carbone générée par la production, mais bien celle engendrée de la fabrication à la consommation. Il est plus intéressant d’avoir une approche lié au produit puisque cela peut aider à faire évoluer le processus même de fabrication.

BUSINESSMAG. La récente polémique autour de la campagne « Nu pays byen malad » montre bien que parler d’écologie n’est pas toujours aisé…

Cela démontre aussi qu’il y a beaucoup de bonne volonté, que les gens veulent agir, mais qu’ils ne savent pas toujours par où commencer. L’une des choses que révèle aussi cette campagne est que l’on attend toujours un leadership national sur l’écologie et l’économie verte dans son ensemble.

Il y a aujourd’hui beaucoup d’interrogations sur la question de l’écologie. Malheureusement, le manque d’explication n’arrange pas les choses. Résultat : on met un peu tout sur le même plan. On a tendance à Maurice à réduire la question écologique aux saletés que l’on jette dans la rue. Or, ce n’est pas ça. Il s’agit plus fondamentalement des types de produits que nous consommons, mais aussi la dimension sociale et humaine de notre société dans son ensemble.

BUSINESSMAG. Le comité Maurice Ile Durable (MID) vient de publier son plan d’action. L’enthousiasme est-il toujours présent quatre ans après lelancement de ce projet ?

Il y a sans aucun doute un grand intérêt pour le projet MID. Le seul souci, c’est que l’on préfère souvent en parler sous l’angle d’un désarroi. Cela s’explique par l’attente qui existe autour de ce projet.

Le projet MID avance, puisqu’il y a un plan d’action qui a été officialisé il y a un mois environ. Il y a plein de commentaires sans doute que l’on pourrait faire sur ce plan d’action, mais il a au moins le mérite d’exister. Ce plan d’action contient des objectifs concrets qui ont à la fois un impact écologique réel, mais pas seulement. Ils sont également des leviers économiques forts parce qu’ils encouragent les entreprises à innover. En réduisant le gaspillage et en éliminant les process superflus, les entreprises pourraient produire à terme à moindre coût. Il faut seulement que les entreprises prennent connaissance des objectifs du plan d’action et se les approprient.

BUSINESSMAG. Utopies est un cabinet conseil sur les stratégies en responsabilité sociale et environnementale pour les entreprises. Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez à Maurice ?

Utopies est le leader dans le domaine du Sustainability Reporting en France. C’est Utopies qui a notamment construit les codes de rédaction de ce type de rapport axé sur le développement durable. C’est d’ailleurs le cœur de métier de l’entreprise. Mais à mesure que les rapports se sont succédé, nous nous sommes également dirigés vers l’élaboration de benchmarks pour divers secteurs d’activités, mais aussi sur le développement de différentes filières dans une approche responsable. Nous accompagnons des projets et des entreprises qui font appel à nous pour la conception du projet lui-même. L’objectif étant de le rendre fondamentalement responsable.

Sur le plan local, nous travaillons sur la conception de trois projets, tous dans des domaines d’activités différents. Le premier s’inscrit dans le secteur de la distribution, soit du Fast moving consumer goods. Le deuxième concerne le développement immobilier. Et le troisième projet sur lequel est axé sur les infrastructures de service civil.

BUSINESSMAG. Faire en sorte que ces projets soient responsables tant au niveau environnemental que social est-ce très contraignant ?

Il ne fait aucun doute que d’inscrire un projet dans cette démarche peut être contraignant. Ce qui est fantastique par contre, c’est qu’en partant de cette contrainte, l’on peut avancer vers l’excellence et forcer l’innovation. De plus, le projet gagne au final en valeur sans nécessairement être plus coûteux. Tout reste à faire à Maurice dans ce domaine étant donné que le pays est une économie linéaire où toute la chaîne commence et finit de la même façon. Ce n’est pas que c’est mauvais, mais il existe d’autres façons de faire. Les petites économies, comme les économies solidaires, apportent de nouveaux Business Models qui sont cohérents. Ce serait intéressant d’élargir la palette de Business Models disponibles à Maurice.

L’on pourrait citer, par exemple, la mutualisation des moyens qui n’existent pas à Maurice. C’est pourtant un modèle qui se développe à l’étranger et qui a fait ses preuves. En France, par exemple, ce sont les banques mutuelles qui ont le mieux résisté à la crise. Maurice gagnerait à s’inspirer de ces méthodes vertueuses

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