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Professeur Joël de Rosnay: « La transition énergétique renforcera la compétitivité de Maurice »

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Professeur Joël de Rosnay: « La transition énergétique renforcera  la compétitivité de Maurice » | business-magazine.mu

L’autonomie énergétique peut être atteinte en 2040, estime le Professeur Joël de Rosnay, conseiller spécial du Premier ministre en matière de développement durable. Il note avec satisfaction que dans certaines industries comme l’hôtellerie, la conscience verte s’installe peu à peu.

BUSINESSMAG. Maintenant qu’un plan d’action a été validé et que chaque ministère a reçu sa feuille de route, quel bilan faites-vous de l’avancée du projet Maurice île Durable à ce jour ?

Beaucoup a déjà été fait pour le développement durable, mais beaucoup reste encore à faire. La stratégie globale est en voie d’application après le rapport Mott Mc Donald. Le gouvernement a débloqué des fonds, subventionné l’achat de plus de 25 000 chauffe-eau solaires, participé au programme des ampoules économiques du Central Electricity Board (CEB), lancé le projet de ferme éolienne à Bigarra, reconnu le principe des SIPP (Small Independent Power Producers) et la nécessité de développer un système énergétique intégré.

Le concept d’île durable est loin d’être une fantaisie écologique. Il recoupe l’ensemble des défis auxquels le pays doit faire face : l’énergie, la gestion de l’espace et des déchets, la préservation de l’environnement et la généralisation d’une conscience écologique et durable dans les différents secteurs économiques. Ce sont aussi les défis du monde.

Le premier objectif du projet MID est de positionner Maurice comme une île qui exploite durablement ses richesses d’énergies renouvelables. Transformées en mix-énergétique, ces sources écologiquement accep-tables peuvent faire de l’île Maurice un exemple pour le monde en représentant 65 % de ses besoins énergétiques dès 2028.

BUSINESSMAG. Les entreprises sont-elles suffisamment conscientes des priorités environnementales ?

Le concept de développement durable et celui de la protection de l’environnement commencent à faire leur chemin dans les entreprises mauriciennes, notamment via le Corporate Social Responsibility (CSR). Cette mouvance est appelée à prendre de l’ampleur et gagner l’ensemble des acteurs de la société.

J’ai proposé la notion de « Développement adaptatif régulé » et de réinvestissement dans l’éco-capital. En effet, ce dernier représente le capital écologique de la planète terre ou d’un pays comme l’île Maurice. Réinvestir dans l’éco-capital correspond bien mieux à mon idée de développement durable.

Je pense que les industriels du tourisme, les grandes chaînes d’hôtels, commencent à se rendre compte que les investissements réalisés dans le tourisme vert pour attirer de nouvelles classes d’écotouristes, ceux effectués pour les économies d’énergie, la climatisation ou l’eau chaude, sont non seulement générateurs de revenus complémentaires, mais permettent aussi d’assurer une rentabilité pérenne.

BUSINESSMAG. Maurice est-elle prête pour la transition énergétique ?

Totalement ! C’est une question de choix, de priorités et de décisions politiques. La production pourrait être un mix de toutes les énergies renouvelables, intermittentes et permanentes, l’électricité étant distribuée par une Smart Grid.

Nous devons avoir un grand programme d’investissement d’avenir sur les dix prochaines années qui reposera sur la combinaison de douze énergies renouvelables dont bénéficie Maurice, les économies d’énergies et l’efficacité énergétique. La distribution de l’électricité sera assurée par une Smart Grid (réseau intelligent capable de s’adapter à l’offre et à la demande). Cette grille sera reliée à des Smart Meters  installés dans tous les foyers en 2020 et connectés aux smartphones.

BUSINESSMAG. Est-ce réalisable d’atteindre l’autonomie énergétique avant 2050 ?

Sans problème ! Mais pour atteindre cet objectif, il faut de la volonté politique. Des villes et des pays l’ont déjà fait. Maurice peut atteindre l’autonomie énergétique en 2040.

BUSINESSMAG. La transition énergétique nécessitera des investissements massifs. Quels seront les bénéfices à long terme sur le pays en termes de points de croissance économique, d’impact sur la balance commerciale et de baisse des coûts énergétiques pour le consommateur ?

Les bénéfices à long terme seront à plusieurs niveaux, d’abord en termes de création d’emplois, de hausse de croissance effectivement, mais aussi de renforcement de la compétitivité du pays à l’échelle internationale. Maurice deviendra un modèle pour le monde. Les bénéfices viendront également en termes de responsabilisation des Mauriciens.

BUSINESSMAG.Vous préconisez une combinaison  de douze énergies renouvelables. N’est-ce pas un trop ambitieux à mettre en place ?

Ces énergies sont déjà présentes à Maurice. Maurice est bénie des dieux et dispose déjà de douze sources énergétiques : l’énergie photovoltaïque, l’énergie solaire thermique, l’énergie éolienne, la biomasse à bruler, le biogaz, le biocarburant, l’hydroélectricité, la géothermie, l’énergie des vagues et l’hydrogène.

BUSINESSMAG.Vous avez affirmé que le Central Electri-city Board freine le développement de MID. La vision de l’organisme doit-elle évoluer et dans quelle direction ?

Il faut aller vers un Central Energy Board, un organisme qui agirait comme un conseiller et un broker pour la production et la vente d’électricité. Le CEB ne peut continuer à être juge et partie. Il doit être réformé. Il ne peut décider des orientations en matière de politique énergétique et, en même temps, mettre en application cette politique sur un plan technique. Il faut placer le programme énergétique sous la responsabilité du ministère de l’Énergie et de celui de l’Environnement et du Développement durable. La mise en œuvre technique reviendra au CEB qui agira comme broker en rachetant l’électricité aux SIPP (Small Independent Power Producers) pour le développement sur le terrain des différentes formes décentralisées de production d’énergies renouvelables (vent, hydro, solaire, biogaz, géothermie…).

BUSINESSMAG. Le projet CT Power a été approuvé par le Conseil des ministres, cela malgré le rapport défavorable de la National Energy Commission. Quel signal y voyez-vous ?

Je dirais que c’est un manque de vision à long terme. Si le projet CT Power se fait, je crois comprendre que c’est le CEB qui doit acheter le charbon et qui le revendra à CT Power. Ce n’est pas faisable ! Il faudrait plus de transparence sur l’origine de ce projet. Je conseillerais plutôt d’abandonner la filière charbon et d’étudier la filière  gaz.

Pour ce qui est de CT Power, ce projet est en contradiction avec le concept même de développement durable de  Maurice. Ce projet dégrade l’image que Maurice a acquise en peu de temps en Europe et dans le monde pour faire de l’île durable un « projet pilote pour le monde ».

BUSINESSMAG. Pourquoi décourager la filière charbon ?

Le charbon cause la pollution avec les émissions de dioxyde de carbone. Il faut oublier la filière charbon et se focaliser sur la filière gaz et la filière de combinaison des énergies renouvelables qui seront plus intéressantes en matière de création d’emplois et pour favoriser la croissance verte. Les IPP importent déjà beaucoup de charbon et polluent beaucoup.

BUSINESSMAG. Pourquoi le gouvernement continue à tergiverser sur l’éthanol ?

Les lobbies sont trop forts. Personnellement, je ne suis pas favorable à l’éthanol de première génération. Les biocombustibles de première génération, comme le maïs et la canne à sucre, utilisent les terrains agricoles qui permettraient de nourrir des gens pour ensuite nourrir les réservoirs des voitures. Je ne suis pas d’accord. Par contre, je préconise le bioéthanol venant des algues photo-synthétisées. Ici, nous avons tout ce qu’il faut : le soleil, les bassins d’eau salée et le dioxyde de carbone. Il faut transformer le Co2 par les algues photosynthétiques et qu’on fabrique du bioéthanol directement.

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