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Raoul Gufflet : «Une économie locale dynamique portera la croissance à 5 %»

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Raoul Gufflet : «Une économie locale dynamique portera la croissance à 5 %» | business-magazine.mu

Lokal is beautiful. Cette plaidoirie de la MCB en faveur de l’industrie locale requiert, vous le concéderez, un véritable changement de paradigme. Qui portera ce changement ?

Ce que nous soutenons, c’est la stratégie du colibri. Chacun doit faire ce qu’il peut là où il est. Dans ce genre de changement, il y a généralement un besoin d’avoir les pouvoirs publics qui impulsent cette stratégie de développement. Ensuite, il y a les entrepreneurs qui sont là, qui débordent d’énergie et qui ont envie de mettre en œuvre toutes ces initiatives.

En même temps, Maurice commence à prendre conscience des impacts environnementaux et sociaux, et aussi des inégalités qui s’opposent à la croissance et au développement. Nous avons voulu commencer avec ce rapport afin de façonner l’opinion et d’amener l’ensemble de la population à prendre conscience que la croissance doit être inclusive. Qu’elle doit être un moteur de développement économique et qu’elle ne devrait pas se faire au détriment d’une tranche de la population et de ceux qui n’ont pas accès à la richesse issue de l’exportation.

Nous avons également voulu lancer une réflexion sur un développement et une richesse qui sont inclusifs, et cela tout en essayant de créer un récit collectif auquel chacun peut sentir qu’il peut contribuer. L’étude n’est pas seulement pour nous, mais elle est là pour essayer d’éveiller l’ensemble de la population à la nécessité de développer cet esprit entrepreneurial que Maurice a connu depuis l’indépendance. Et malgré les prédictions pessimistes post-indépendance, l’île est aujourd’hui un des pays les plus développés du continent africain.


Vous venez de dire que l’État est un acteur majeur pour mener ce changement. Pourtant, les pouvoirs publics ont brillé par leur absence lors de la présentation de l’étude. Comment doit-on interpréter cela ?

Nous avons invité les instances publiques à être partie prenante et ne pouvons que regretter qu’elles se soient faiblement mobilisées. Nous sommes dans une démarche et une logique de collaboration en étant un des agents de changement, en synergie avec tous les acteurs qui veulent œuvrer pour redynamiser les circuits de production locale pour le bien-être des Mauriciens et pour le développement socio-économique du pays. Le patron de BlackRock, le plus grand fonds d’investissement américain, dit clairement que dans les pays développés, la faillite des gouvernements et leur manque d’implication font qu’aujourd’hui les entreprises privées sont amenées à prendre des initiatives.

Évidemment, je ne suis pas en train d’insinuer que nous prenons des initiatives parce qu’il y a faillite au niveau du gouvernement à Maurice, mais nous pensons que c’est au gouvernement de créer les conditions et les infrastructures et que le secteur privé, lui, se charge ensuite de mettre en œuvre des initiatives. Et puis, face à l’ampleur des transitions, le risque, c’est que chacun pense qu’il incombe plutôt à l’autre de changer d’abord. Les consommateurs pensent que cela doit venir des pouvoirs publics ou des entreprises. Et les entreprises, elles, pensent que c’est au gouvernement de le faire. Du coup, tout le monde est à l’écoute des signaux sans que rien ne se passe.

La MCB a voulu être le signal déclencheur. Nous avons lancé l’étude pour que tout le monde soit à l’écoute des signaux que chacun peut donner. C’est dommage car nous aurions aimé pouvoir échanger avec le gouvernement sur les résultats de cette étude.

}RaoulIl y a donc un manque de partenariat entre les pouvoirs publics et le privé…

Je ne sais pas si c’est un manque de partenariat, mais il y a certainement un déficit de communication. Il y a des incompréhensions qui sont légitimes. Les ambitions à long terme d’un État et les ambitions politiques à court terme sont parfois en opposition avec les ambitions des entreprises, à court et à long termes. La question est de comment réconcilier ces ambitions.


Mais à l’ère du populisme, ne sentez-vous pas qu’une certaine méfiance s’est développée entre les pouvoirs publics et les entreprises du privé ?

Question extrêmement difficile. Je crois qu’aujourd’hui effectivement que le développement économique dans le monde est de plus en plus inégalitaire ; des inégalités se creusent partout dans le monde. La croissance capitaliste est, elle, naturellement inégalitaire. La question est de savoir comment réduire ces inégalités. Cela peut se faire de plusieurs façons et pas avec les mêmes moyens. Les pouvoirs publics ont des outils pour régler ces inégalités et les entreprises privées ont leur fonds de CSR. Chacun a des outils différents, mais il faut créer des conditions, de la convergence, adhérer sur plusieurs batailles.

Toutefois, c’est compliqué pour un État et une entreprise de ce même État de choisir dix batailles et d’essayer de les mener toutes à terme. Il faut des plans et des objectifs. Comment est-ce qu’en étant convergents, l’État et le secteur privé peuvent essayer de résoudre les problèmes ensemble plutôt que de se lancer chacun de leur côté.

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À une certaine époque, il y avait des réunions régulières entre le gouvernement et le secteur privé. Mais depuis quelques années, ce genre d’échange s’est interrompu. Ne faut-il pas revenir à cela et avoir peut-être des assises de l’économie mauricienne ?

Le monde s’est tellement accéléré que les gens ne prennent plus le temps. Et, effectivement, c’est bien de se retrouver autour d’une table dans des symposiums pour discuter mais derrière, il faut que les actions suivent, des actions individuelles ou collectives des ONG, des entreprises, des États. C’est ce qui manque, cette volonté de prendre le temps de se dire : maintenant nous faisons quoi ? Et c’est cela l’objectif de Success Beyond Numbers. La MCB est un acteur majeur du développement économique de l’île Maurice indépendante. Success Beyond Numbers est notre vraie mission sur les vingt prochaines années. Nous avons donc défini trois piliers : l’économie locale (nous sommes persuadés que l’économie locale et l’entrepreneuriat vont permettre l’éradication de la pauvreté), le respect de l’environnement et la préservation du patrimoine culturel.

Nous nous sommes attaqués au premier pilier, qui est celui de l’industrie locale, en faisant un diagnostic. C’est ainsi que nous avons décidé d’étudier l’impact des fuites économiques pour Maurice. En parallèle de l’étude, nous discutons de ce que nous pouvons faire à la MCB afin de mobiliser la population et en même temps développer des stratégies d’offres pour nos clients.

}RaoulPour gagner cette bataille de l’économie locale, quels sont les moyens qui doivent être déployés ?

Est-ce qu’au niveau de la MCB, il y a un calendrier pour la mise à exécution de ce rapport ? Nous sommes structurés avec un vrai modèle de gouvernance pour essayer de conduire des actions sur l’ensemble de ces trois piliers. Au préalable, nous avons identifié six personnes qui seraient les responsables des initiatives pour chacun des trois piliers. À travers un appel à candidatures et des ateliers, nous avons déterminé 27 actions sur lesquelles nous réfléchissons. Nous créons notre écosystème qui, nous l’espérons, va percoler avec d’autres entreprises. Le développement économique se fait de manière compétitive, mais le développement durable et celui de l’économie locale sont menés selon le concept de coopétition. C’est d’ailleurs le message que j’ai voulu faire passer lors de la présentation du rapport. Ce changement de paradigme pour le bien-être et la prospérité de Maurice ne peut pas se faire en solo et avec de la compétition.

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