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Réseaux sociaux : en faire un ami pour les législatives 2019

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Réseaux sociaux : en faire un ami pour les législatives 2019 | business-magazine.mu

Les réseaux sociaux sont progressivement devenus une force dominante en politique, modifiant la dynamique de la communication entre les dirigeants politiques, les journalistes et le public. L’impact potentiel des réseaux sociaux sur les campagnes électorales a été évident lors de l’élection présidentielle de 2008 aux États-Unis. La campagne du président Barack Obama comprenait l’utilisation de sites comme Facebook, Myspace et YouTube, ainsi que d’autres réseaux sociaux tels que le podcasting et la messagerie mobile.

Il est indéniable que les outils tels que Facebook et YouTube influencent la manière dont les hommes politiques interagissent avec la population. Ils ne sont plus les otages des médias traditionnels, mais sont désormais en mesure de diffuser leurs messages à ceux qui souhaitent les entendre. Ceux qui seront appelés à choisir leurs représentants en allant aux urnes peuvent désormais suivre les politiciens, les candidats éventuels, commenter leurs posts et leur transmettre directement des messages. «À travers les réseaux sociaux, les hommes politiques n’ont pas besoin d’un ‘gatekeeper’. Les médias traditionnels sont, quant à eux, des ‘gatekeepers’. Mais à travers les réseaux sociaux, l’homme politique communique directement avec l’électorat, et cela fait une grande différence. Il communique autant de temps qu’il veut et dit ce qu’il veut. Et les gens ont l’impression qu’il lui parle personnellement. Il y a un ‘brainwashing’ qui se fait à travers les réseaux sociaux. Mais on ne le réalise pas et on croit que c’est la réalité», soutient le sociologue Ibrahim Koodoruth. «La nouvelle technologie est venue changer la mobilisation politique. Aujourd’hui, c’est un outil incontournable sur la scène politique qui permet au politicien de vendre son image car nous vivons dans une société de l’image.»

Sur le plan local, un exemple récent d’utilisation des réseaux sociaux dans une campagne électorale a été celui des élections générales de 2014. Les réseaux sociaux étaient devenus l’un des principaux outils utilisés par l’Alliance Lepep. On se souvient du clip Vire Mam diffusé profusément sur la Toile et relayé à travers les Smartphones. L’utilisation des réseaux sociaux et de la communication numérique par l’Alliance Lepep avait ainsi joué un rôle déterminant dans la campagne électorale de 2014.

SÉDUIRE LES 18-30 ANS

«Les réseaux sociaux vont jouer un rôle prépondérant dans l’actuelle campagne électorale. Je pense que cela va avoir des conséquences sur le comportement des citoyens. La curiosité humaine fait qu’une actualité chasse l’autre. Les gens ne reviennent pas sur ce qui s’est passé il y a un mois, un an, etc. Mais avec les réseaux sociaux, on peut venir rappeler des choses aux gens. Très succinctement, on vient mettre en lumière ce qu’il avait dit dans le passé et ce qu’il vient dire aujourd’hui. Les images, les captures de sons viennent rafraîchir la mémoire du peuple. Ce qui est difficile à faire à travers les médias traditionnels.

Et sur les réseaux sociaux, la place n’est pas limitée ; les politiciens peuvent facilement choisir ce qu’ils veulent faire entendre à l’autre et cela a un impact considérable sur les gens. Prenez l’exemple de Vire Mam en 2014 ; je pense que c’est ce qui va se passer cette année encore», ajoute Ibrahim Koodoruth. En 2014, l’Alliance Lepep a bien utilisé les réseaux sociaux, mais le PTr était resté à la traîne. Ibrahim Koodoruth est d’avis que les réseaux sociaux sont aujourd’hui en train de donner le «edge» à Navin Ramgoolam ; il observe même une démobilisation de l’adversaire. Le PTr a effectivement presque comblé le fossé des réseaux sociaux et rattrape rapidement le gouvernement en place en termes d’utilisation de cet outil. Ce qui montre que les réseaux sociaux deviennent importants pour tous les candidats politiques et ne constituent pas seulement une lubie pour les élections de 2014.

VERDE recense près de 70 % de la population mauricienne qui utilise les réseaux sociaux. Sa fondatrice, Venna Pavaday, précise que ce pourcentage concerne principalement les personnes âgées de 18 à 40 ans. Selon les études, ceux-ci sont les utilisateurs les plus actifs, notamment s’agissant de s’informer sur l’actualité générale.

Pour Roushdat Elaheebocus, Senior Lecturer Digital Technology à l’Université de Maurice (UoM), ces chiffres poussent les partis politiques à investir Facebook ou encore LinkedIn. Il prend d’ailleurs l’exemple de Navin Ramgoolam et de Pravind Jugnauth qui «ont intégré stratégiquement les réseaux sociaux. Sur Facebook, ils visent à séduire les jeunes âgés entre 18-30 ans. Pour ce qui est de LinkedIn, les deux semblent vouloir convaincre les professionnels et les hauts cadres de la société», fait-il ressortir. CIBLER DES ZONES DÉMOGRAPHIQUES Roushdat Elaheebocus note encore que le leader du Parti travailliste s’est lancé sur les réseaux sociaux avec un plan bien établi. «Navin Ramgoolam a utilisé YouTube d’une manière plus ou moins intéressante à travers la publicité. On évite difficilement ce genre de vidéo car l’utilisateur de YouTube est d’abord confronté à cinq secondes de vidéo publicitaire de Navin Ramgoolam avant de pouvoir continuer à regarder ou écouter sa musique.» Il n’y a rien de plus simple que de faire passer une vidéo que l’on poste en format publicité. «Il suffit de paramétrer la vidéo sous forme de ‘campagne’, tout en ciblant l’audience que vous souhaitez toucher. Vous déboursez alors une somme qui varie pour toute personne ayant vu votre vidéo plus de 20 ou 30 secondes», rappelle-t-il. Même constat du côté de Christina Chan Meetoo, Senior Lecturer en communication et médias à l’UoM. Elle est catégorique sur le fait que les partis politiques boudent de plus en plus les médias traditionnels comme les journaux ou les radios aux dépens des réseaux sociaux. Une campagne sur ce type de médias est moins coûteuse comparé aux médias traditionnels ou les rassemblements politiques (meetings). Christina Chan Meetoo précise qu’avec le système du micro-targe-ting, les campagnes virtuelles permettent de cibler précisément une zone démographique de leur choix. Les campagnes peuvent ainsi exploiter une mine d’informations ou des analyses sur les personnes qui les suivent sur les réseaux sociaux et personnaliser leurs messages en fonction de données démographiques sélectionnées.

Ce qui fait dire à Roushdat Elaheebocus que ces groupes politiques échafaudent toute une stratégie avant de publier un contenu sur leur compte. Plus encore, il est d’avis que ces derniers ciblent précisément les parties qu’ils souhaitent atteindre. «Dans un premier temps, ils observent l’utilisation des réseaux sociaux par la population ou du groupe qu’ils souhaitent viser, afin de cibler leur message. Ces données sont collectées et analysées afin de livrer un message précis, en faveur ou en défaveur d’un parti», indique-t-il. Plus encore, il explique que les formats vidéo dans les publicités sur YouTube sont en lien avec les moteurs de recherche tels que Google. Et de conclure : «Une publicité créée sur Google peut se retrouver sur les applications téléchargées sur Google Play. Vu qu’ils ont votre géolocalisation et profil démographique (homme ou femme et centres d’intérêt), les publicités qui apparaissent dans les applications mobiles sont alors commanditées par un exercice de ciblage.»

Équilibrer l’utilisation des réseaux sociaux et la descente sur le terrain

Jocelyn

Jocelyn Chan Low est d’avis que le rôle des réseaux sociaux dans ces élections sera de faire de la propagande. Dans certaines démocraties, dit-il, de faux profils influencent les élections. «Nous avons, par exemple, vu cela avec le président de la France, Emmanuel Macron, et avec la Russie. Ce qui est sûr, c’est que Facebook joue et va jouer un rôle important pour ces élections. Cela reste tout de même un outil de communication de prédilection. Toutefois, il ne faut pas surévaluer le pouvoir des réseaux sociaux ; ce sont des plateformes virtuelles alors que la politique est réelle.» Pour l’historien, ce qu’il faut comprendre, c’est que les élections se jouent sur le terrain. Il y a des quartiers où il faut absolument descendre sur le terrain, même si la population ne se rend plus aux meetings. De ce fait, il y a un véritable paradoxe avec les réseaux sociaux surtout pour les parties qui parlent de proximité.

«Nous devons nous poser certaines questions : quelle est la pénétration des réseaux sociaux dans les foyers mauriciens ? Que font les gens sur les réseaux sociaux ? Selon une étude, certaines personnes n’aiment pas parler de la politique sur les réseaux sociaux, ou encore afficher leurs couleurs. Il y a des gens qui risquent de perdre des amis sur les réseaux sociaux à cause de la politique. Nous retrouvons souvent des commentaires qui tombent dans la vulgarité ou des trolls», fait ressortir Jocelyn Chan Low.

D’un autre côté, le nombre de followers sur les réseaux sociaux ne se traduit pas nécessairement par un soutien aux urnes. Comme le précise Ibrahim Koodoruth, un follower, c’est quelqu’un qui apprécie ce que le politicien dit dans le vif, mais ce n’est pas pour autant qu’il lui donnera un vote. «Souvenez-vous de ce qui s’est passé au numéro 18 ; certains avait plein de followers, mais le pourcentage de vote n’a quand même pas suivi. Par contre, les followers sont intéressants car ils deviennent des vecteurs pour transmettre le message, ce qui entraîne un effet multiplicateur.»

Ces followers ont, par ailleurs, un effet psychologique sur les hommes politiques et cela crée une dynamique. Il y a aussi beaucoup d’indécis, mais qui veulent se retrouver dans l’équipe gagnante. Quand ils regardent la tendance de ce qui se passe sur la page des politiciens sur Facebook, par exemple, cela influence leur opinion. Cette ambiance qui est créée sur les réseaux sociaux aura certainement un impact sur les indécis. «Les partis qui vont se distinguer seront ceux qui auront trouvé un bon équilibre entre l’utilisation des réseaux sociaux et la descente sur le terrain. La différence se joue sur la proximité avec les électeurs. De superbes montages vidéo ne font pas gagner des élections.

Les gens ne veulent surtout pas des députés virtuels. Certains l’ont appris à leurs dépens. Les réseaux sociaux peuvent être une alternative visuelle pour les rassemblements politiques ou pour les interventions qui ne seront pas diffusées à la télévision. Cela peut aussi jouer un rôle pour annoncer les rencontres au lieu de placarder des affiches, par exemple. Certaines personnes pensaient même pouvoir faire campagne à partir de Paris sur les réseaux sociaux. Nous avons vu le résultat», résume Jocelyn Chan Low.

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