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Start-up : pourquoi elles tardent à éclore ?

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Start-up : pourquoi elles tardent à éclore ? | business-magazine.mu

La vision est claire : Maurice ambitionne de devenir une nation d’entrepreneurs. C’est une condition sine qua non si l’on veut construire une économie reposant sur une base industrielle forte et accélérer notre développement comme une économie à revenu élevé. Mais dans le concret, nous sommes loin du compte. À ce jour, nous ne comptons que 296 start-up pour un total de 600 salariés et quatre incubateurs. Quand on sait que les start-up sont fragiles et que plus de 50 % d’entre elles ne dépassent pas la première année d’opération, la nécessité pour plus de structures d’accompagnement dédiées comme des incubateurs et des micro-usines se fait cruellement sentir.

Dans le dernier Budget, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a voulu rectifier le tir. Il a ainsi annoncé la création d’un cadre légal pour la Fintech. C’est essentiel car les Fintech sont des start-up associées au secteur financier. De même, la mise sur pied d’une cadre réglementaire pour le financement participatif (crowdfunding) devrait permettre aux jeunes pousses de lever plus facilement des fonds.

Valeur du jour, force est de constater que l’écosystème de start-up à la manière des ÉtatsUnis, de l’Inde ou encore de l’Europe du Nord est encore à ses balbutiements. Au niveau de l’Economic Development Board (EDB), l’on indique que de 2017 à 2018, 30 start-up ont vu le jour. L’agence reste optimiste et s’attend à ce qu’on compte jusqu’à 1 000 start-up en 2025. Du reste, soutient-on, le développement des start-up cadre avec la volonté de renforcer la base industrielle conformément à la Vision 2030.

Concernant les incubateurs, là encore, l’EDB annonce qu’on devrait passer de quatre à dix structures d’ici à 2025. Actuellement, les quatre incubateurs agréés, en l’occurrence La Turbine Incubator, Verde Ventures, La Plage Factory et Ventures AA, offrent une formation, l’encadrement adéquat, des possibilités de cofinancement, des bureaux et d’autres ressources pertinentes pour favoriser les idées novatrices des entrepreneurs. Selon Dirish Noonaram, cofondateur de Verde Frontier, les entrepreneurs se tournent plus vers les incubateurs. «Définitivement, la demande est en hausse», constate-t-il.

Une étape indispensable

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L’incubation est une étape indispensable pour une start-up. Lors de cette phase, la startup bénéficie d’un transfert de connaissances, de facilités, de réseau et de l’investissement nécessaire pour développer son idée. L’incubation est de plus en plus répandue dans le monde de l’entrepreneuriat à Maurice. Diane Maigrot, coach à La Turbine, constate que la tendance par rapport à l’incubation est assez positive. «Il y a un nombre grandissant d’entrepreneurs qui nous approchent et participent à nos programmes. Les Mauriciens voyagent, s’informent et voient ce qui se fait à l’étranger. L’entrepreneur mauricien accepte de plus en plus le fait de se faire accompagner et aider, et l’incubation commence à être un terme compris et accepté à Maurice», fait-elle ressortir. Les incubateurs se veulent toutefois très sélectifs.

À titre d’exemple, La Plage, qui a incubé quatre start-up à ce jour, utilise une philosophie où l’un de ses trois associés s’implique personnellement à travers l’incubateur. Denis Lacour, un des cofondateurs, argue que, concernant les critères d’incubation, il est important qu’a minima, le projet se situe dans le domaine du digital et qu’il ait le potentiel de pouvoir se développer dans une seconde phase à l’international. 

«Le porteur de projet doit être un véritable entrepreneur prêt à se consacrer à 150 % à la réussite de son idée. Il doit nous convaincre de la pertinence de son idée, de son équipe, de sa motivation et de son envie de réussir quels que soient les obstacles. Du fait de l’implication personnelle des trois associés de La Plage, nous ne recherchons pas la quantité de projets à accompagner, mais avant tout la qualité du projet», fait-il ressortir. Au même titre que l’accompagnement technique, le soutien financier est tout aussi crucial pour une start-up. D’ailleurs, nombre de petits entrepreneurs font souvent face à un stress financier considérable en raison d’un problème de cash-flow. Pour la majorité des incubateurs, l’encadrement financier des projets dépend généralement de leur nature et de leur valeur sur le long terme. Chez Verde Ventures, l’on est sensible à cette question. D’ailleurs, comme le souligne Dirish Noonaram, «nous pouvons potentiellement incuber à hauteur de Rs 500 000 sur une période d’un an».

ACCOMPAGNEMENT FINANCIER

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Chez La Plage, l’on précise qu’il est possible de soutenir financièrement une startup en faisant une demande de subvention dans le cadre du National SME Incubator Scheme. À ce propos, Denis Lacour précise que «si le Mauritius Research Council (MRC) accrédite notre demande, l’incubé pourra bénéficier de ce financement qui peut également venir en accompagnement de nos investissements en bureau et mentorat. Une fois la start-up en phase d’accélération, nous pouvons, au titre de La Plage, participer aux besoins de financement mais également, selon les besoins, trouver des investisseurs extérieurs, dont des ‘business angels’ ou des fonds d’investissement».

Le remboursement se fait selon un modèle économique assez classique pour la plupart des incubateurs. Ainsi, en échange de bureau sur les espaces de co-working, de conseils, de mentorat et d’une manière générale de l’accompagnement, l’incubateur prend 10 % du capital de la start-up ou de la future start-up. Le MRC finance également 50 % des frais liés à la pré-incubation et à l’incubation.

Au sein du groupe BDO, l’on s’intéresse de près au développement des start-up. D’ailleurs, la firme comptable avait organisé la venue de Katapult World à Maurice en avril dernier. Cette société norvégienne envisage d’ouvrir cinq accélérateurs d’entreprises en Afrique d’ici à 2020, et ce à partir de Maurice.

Selon Afsar Ebrahim, Deputy Group Managing Partner de BDO, il y a un grand besoin d’adopter une approche cohérente et holistique avec des mesures pour faciliter l’émergence de cet écosystème. «Le dernier Budget contient plus d’une dizaine de mesures en ce sens. Celles-ci peuvent servir de base à la création d’un plan directeur pour le développement de cet écosystème», observet-il. Et d’ajouter : «Maurice pourrait également devenir un véritable hub pour le développement de start-up étrangères dans la région, notamment dans le domaine des nouvelles technologies».

Clairement, le génie mauricien est là. Mais il ne cherche qu’à éclore. Dans cette ère du numérique où l’on voit l’apparition sans cesse de nouveaux métiers, il faut créer les conditions pour inciter les entrepreneurs à se lancer dans les affaires. Il faut agir vite si l’on aspire à bâtir une nation d’entrepreneurs.