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Agro-industrie : Le besoin d’autosuffisance alimentaire pousse vers un retour à La terre

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3 %. C’est le taux de participation du secteur agricole dans l’économie mauricienne. Alors que dans les pays développés, celui-ci participe à hauteur d’environ 10 % – 15 % et plus de 25 % dans les pays en voie de développement, il existe un véritable délaissement de cette industrie à Maurice. Pourtant, il faut absolument redorer le blason de ce secteur, notamment compte tenu des impératifs économiques et écologiques qui l’accompagnent.

Avec un taux d’autosuffisance inférieur à 30 %, Maurice est un importateur net, notamment du point de vue alimentaire. Sa nature insulaire, sa capacité de production limitée ou encore le manque de ressources naturelles poussent le pays à importer une grande partie de ses besoins alimentaires.

Mais cette tendance pourrait changer. Car les pays comme Maurice sont souvent dépendants des importations et s’exposent à une inflation importée ainsi qu’à des dégâts environnementaux irréversibles. D’ailleurs, les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’inflation globale pour le mois d’octobre s’est hissée à 9,9 %, alors que l’inflation en glissement annuel s’est chiffrée de 11,9 % en octobre 2022 contre 5,8 % pour le mois correspondant, l’année dernière. Trading Economics décortique même la situation jusqu’à indiquer que l’inflation alimentaire a atteint 17,20 % pendant cette même période. Et, pour ne rien arranger à la situation, la COP 27, qui s’est réunie du 7 au 18 novembre 2022, n’a pas manqué de rappeler l’urgence climatique et le besoin de limiter l’empreinte carbone de chaque pays.

Tout cela oblige les dirigeants à se repenser, tant pour le bien de leurs économies que celui de la planète. À Maurice, l’agro-industrie a une grande part à jouer dans la route vers l’autosuffisance. Ayant été le fer de lance de l’économie mauricienne pendant de nombreuses années, le besoin de diversification économique a engendré un délaissement de ce secteur.

Repenser le secteur agricole

Pouvons-nous inverser la tendance ? Maurice peut-il aspirer à l’autosuffisance, du moins sur le plan alimentaire ? Des questions que se posent bon nombre d’acteurs économiques, à l’instar de Jacqueline Sauzier. La secrétaire générale de la Chambre d’Agriculture avance que le vrai débat se situe autour de la réalisation d’une Politique d’Agriculture Nationale. «Cette vision définira les paramètres autour de la production pour éviter une surproduction menant à la chute des prix ; les paramètres autour de l’importation pour éviter une concurrence déloyale aux producteurs locaux en période de récolte locale ; les paramètres favorisant les investissements pour la transformation des produits locaux et ainsi la création de valeur ajoutée et la réduction des importations», indique-t-elle.

Dans ce même ordre d’idées, Nitish Ramsahye, le Marketing Manager de La Chartreuse, soutient que Maurice doit avoir une réflexion transversale afin de pouvoir devenir autosuffisant. «Plusieurs problématiques freinent cette ambition. Dans un premier temps, il faut trouver la main-d’œuvre qui est en manque. L’on a également un problème de surface exploitable, soit un manque de terres disponibles, et Maurice ne peut plus se cantonner au travail de la terre traditionnelle. Il faut encourager certains entrepreneurs qui se sont dirigés vers des modes alternatifs comme les serres en hauteur, l’aquaponie ou encore l’hydroponie. En sus, l’on peut aussi s’inspirer de ce qui est fait ailleurs», ditil. Nitish Ramsahye fait ici référence à un voyage d’affaires qu’il a effectué en Égypte. Celui-ci explique que ce pays est connu pour avoir des terres non fertiles à cause du désert. Il n’empêche, forts d’innovation, les Égyptiens ont conçu des serres munies d’humidificateurs. «À Maurice, on pourrait se tourner vers la recherche face aux problématiques de lessivage du sol. Riches en minéraux, les terres permettent d’avoir une plantation en abondance. Toutefois, avec le changement climatique et les microclimats, les pluies deviennent plus fréquentes avec un impact sur la production», indique-t-il.

Faire rimer agriculteur et entrepreneur

Pour Jean-Marc Rivet, Estate Manager à Ferney, le maître mot doit être investissement. Il affirme qu’en faisant preuve d’ingéniosité et en investissant dans les bons matériaux, on pourrait optimiser la production. «Si nous souhaitons collectivement une évolution ou une révolution agricole, il nous faut nous en donner les moyens et établir une vision claire avec des objectifs concrets sur les dix prochaines années. Cela permettra de définir les surfaces de terre requises ainsi que les investissements en termes d’équipements et d’expertise humaine nécessaire. Ce changement exigera une altération de nos schémas de consommation actuels qui sont en contradiction avec une agriculture autosuffisante», explique-t-il.

Ces solutions peuvent être appliquées sur le court-moyen terme. Il n’empêche que le secteur agricole est confronté à un manque de ressources humaines, notamment les jeunes qui n’envisagent pas leur avenir dans ce milieu. Cette problématique demeure l’une des plus grosses inquiétudes des opérateurs qui prônent l’innovation comme moyen de convaincre la nouvelle génération.

Pour le représentant de Ferney et celui de La Chartreuse, c’est également la valorisation du métier qui importe. Tous deux s’accordent à dire qu’un agriculteur est un entrepreneur qui a la possibilité de s’épanouir économiquement et socialement. « Le fait de ne pas avoir rendu la filière agricole intéressante en investissant massivement pour la développer fait qu’elle n’a aucun attrait pour les jeunes. En investissant dans cette industrie, en y intégrant davantage de technologie et en adoptant des pratiques durables, nous pouvons rendre la filière attrayante. Et cela, aussi bien pour des agronomes et ingénieurs que pour des opérateurs de machines. Être agriculteur aujourd’hui, c’est être entrepreneur, ingénieur, commercial, en d’autres termes polyvalent », dit en premier lieu Jean-Marc Rivet. Avant d’être rejoint par Nitish Ramsahye qui souligne l’existence de nombreuses success-stories dans ce domaine. De plus, celui-ci suggère de repenser également les modes de consommation : «Si l’on arrive à instaurer des circuits courts dans le schéma de consommation, cela pourrait convaincre davantage de jeunes. Je veux ici dire que si le planteur pouvait lui-même commercialiser ses produits directement aux consommateurs, sans passer par des intermédiaires, il aura davantage de profits. Il faut aussi développer des études spécialisées dans le domaine et pas seulement les former à devenir les maillons de grandes chaînes de distribution. En gros, devenir des agro-entrepreneurs».

Un point qui intéresse la Chambre d’Agriculture, car elle va mettre sur pied une École Technique Agricole qui formera les jeunes et fournira des programmes de formation ciblés. «Il y a déjà une demande et nous voulons avoir des agriculteurs professionnels», souligne Jacqueline Sauzier. Ces cours démontreront d’ailleurs l’importance de l’agriculture durable, qui est un sujet qui intéresse les jeunes. Ils utiliseront également la technologie et l’innovation, qui sont des outils importants à leurs yeux. «Il faudrait démontrer que l’agriculture durable peut être génératrice de revenus et y introduire la technologie la rendra plus attrayante. C’est à nous les institutions de venir avec des chiffres, des preuves et des études qui démontrent que le secteur évolue et qu’il y a des opportunités pour nos jeunes. Avec les pressions sur le secteur alimentaire mondiale, c’est l’agriculture avec les jeunes d’aujourd’hui et de demain qui apportera la solution. C’est le retour à la terre», affirme-t-elle.


Demande d’une étude sur l’agro-industrie

Même si des diverses données existent sur le secteur agricole, des opérateurs soulignent le manque d’informations regroupées pour ce secteur. Ils souhaitent qu’une étude soit effectuée afin de mieux cerner les vrais enjeux et d’apporter des solutions concrètes aux besoins du secteur agricole. «Le secteur est aujourd’hui relativement fragmenté avec plusieurs acteurs. Il est difficile d’avoir des données fiables sur ce qui est produit ou encore les volumes et l’historique.

Les chiffres sur l’importation et la production locale de produits agricoles sont disponibles, mais il faudrait avoir les détails de ces productions pour commencer à avoir une bonne compréhension de ce qui s’y passe», constate Jean-Marc Rivet. Même son de cloche pour Nitish Ramsahye, qui évoque la nécessité d’une étude qui nous donnera toutes les informations sur le secteur agricole. Selon lui, cela permettra aussi d’attaquer le sujet de l’autosuffisance alimentaire de manière efficace.

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