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Plastique : l’alternance se dessine

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Plastique : l’alternance se dessine | business-magazine.mu

L’interdiction d’utilisation de sacs en plastique a poussé les entreprises évoluant dans la fabrication des sacs non biodégradables, entre autres, à revoir leurs opérations et, dans certains cas, à se réinventer. Un mal pour un bien, serait-on tenté de dire, car cette industrie connaît un nouvel essor en offrant des produits à valeur ajoutée.

Un an et demi après l’interdiction d’utilisation des sacs en plastique, les Mauriciens ont su changer leurs habitudes pour s’adapter aux nouvelles exigences de la législation tout en créant de nouveaux réflexes. Les sacs ont été vite remplacés par ceux de type biodégradable, plus respectueux de notre environnement. Le papier y a trouvé une opportunité tandis que les sacs de fabrication artisanale, à base de vacoa ou de raphia notamment, sont beaucoup plus utilisés.

Les entreprises auparavant engagées dans la production à grande échelle de sacs qui ne sont pas dégradables ont cependant connu bien des difficultés. Avec la décision du gouvernement de bannir ces sacs dès le 1er janvier 2016, elles n’avaient le choix que de se réinventer. D’ailleurs, certaines entreprises ont vite réagi en investissant dans la production des sacs biodégradables tandis que d’autres se sont penchées sur des alternatives pour leur survie : sac en papier, en tissu et autres.

Par ailleurs, plusieurs entrepreneurs proposaient des sacs biodégradables avant l’interdiction de ceux en plastique et la décision gouvernementale n’a pas été pour elles salutaire. Elles se retrouvaient avec une nouvelle concurrence sur leur marché, ce qui a poussé certaines à se lancer dans une nouvelle activité commerciale. Rachna Rivaz, une entreprise indienne engagée dans la conception de vêtements indiens, a vu dans cette interdiction une opportunité. Elle s’est mise à commercialiser, en 2016, des sacs en papier et annonce l’introduction d’autres produits prochainement.

EcologyBags a, quant à elle, proposé aux autorités concernées des non-wovenbags, des sacs en papier dès 2008, mais sans succès. «Il n’y a eu aucune étude approfondie ou consultation effectuée par les autorités. Avant toute discussion, l’idée de ‘non-wovenbags’ a été interdite», déplore Ajay Jahree, le directeur d’EcologyBags Co Ltd. Ces sacs, souligne-t-il, sont conçus dans des matières premières 100 % recyclées, qui a une durée de vie de 60 jours, à comparer avec ceux en plastique qui prennent beaucoup plus de temps pour se décomposer. À noter que Rodrigues a devancé Maurice dans l’interdiction d’utilisation des sacs en plastique et valorise ses sacs traditionnels ou artisanaux. Cette île est engagée dans de nombreux projets écologiques comme la collecte de l’eau de pluie, les fermes éoliennes, le dessalement de l’eau de mer pour une île plus écologique. Ajay Jahree trouve dans le plastique biodégradable un moyen de déguisement pour réintroduire du plastique. «L’ironie est que l’usage actuel du plastique a doublé par rapport à ce qu’il était avant l’interdiction et je laisse aux autorités le soin de décider de ce qui est le mieux pour l’environnement», lâche-t-il.

Des habitudes écologiques

L’interdiction d’utilisation des sacs en plastique qui ne sont pas dégradables a été bénéfique non seulement à certaines entreprises, qui se sont reconverties, mais a contribué également à apporter un changement dans les mœurs. Cette mesure a incité les Mauriciens à prendre de bonnes habitudes, comme utiliser les sacs en raphia ou en tissu comme dans un passé assez lointain. Les Mauriciens sont maintenant conscients que les sacs en plastique biodégradable, ou dans une autre matière dégradable, ne sont pas gratuits, et préfèrent alors apporter leur sac pour faire leurs achats. «Nombreux sont les Mauriciens qui ont changé leurs habitudes et transportent en permanence des sacs réutilisables. L’application de cette loi a été relativement bien acceptée. Aujourd’hui, on constate une demande en régression des sacs en plastique biodégradable vendus aux caisses des magasins d’alimentation», constate Shah Nawaz Shakhun, Operation Manager de la chaîne de supermarchés Winner’s.

De plus, avant leur interdiction, les gens laissaient leurs sacs en plastique n’importe où, dans les lieux publics, après utilisation. Aujourd’hui, la mise en application de la loi contribue à pousser les gens à être plus respectueux de l’environnement. «Il est dommage de constater qu’il y ait encore sur le marché des sacs en plastique non conformes, et les autorités ont le devoir de sévir contre ces irresponsables», s’insurge un observateur qui souhaite garder l’anonymat. Dans le souci d’encourager à respecter l’environnement et de léguer une île Maurice plus propre, Winner’s a, depuis 2011 et l’arrivée des sacs en papier, lancé des campagnes de conscientisation, à travers des posters par exemple.

Pour inciter les caissières à proposer systématiquement le papier plutôt que le plastique, l’enseigne a lancé des concours et récompensé les meilleures promotrices. «Aujourd’hui, il nous semble que la grande majorité de nos clients se sentent concernés et sont partie prenante pour réduire leur consommation de sacs de plastique pour le respect de l’environnement et leur porte-monnaie. Le nombre de sacs en plastique utilisé par la clientèle de nos supermarchés a été réduite de 75 %, ce qui prouve que le Mauricien est de plus en plus conscient et actif», constate l’Operation Manager de Winner’s.

Les activités de certaines entreprises ont connu un regain avec les nouveaux règlements. EcologyBags a, par exemple, des projets de diversification et a investi dans de nouveaux équipements. «Nous avons investi plus de Rs 4 millions dans des machines pour produire des sacs biodégradables. Aujourd’hui, lesdits équipements sont utilisés à 50 % de leur capacité», annonce le directeur de la compagnie. En outre, celle-ci a recruté plus de main-d’œuvre depuis 2016. Cependant, en raison d’un manque d’expertise dans l’île, la société s’est tournée vers des expatriés pour démarrer sa nouvelle ligne d’activités.

Sanil Jeebodhun, General Manager de Boxmore Packaging, a, lui, privilégié la modification de ses machines existantes pour les rendre plus performantes, et l’achat de moules pour répondre aux exigences de ses clients et du marché. La compagnie utilise, de même, une matière première qui est recyclable et tous les déchets plastiques sont expédiés à son partenaire Plasticon pour être recyclés. Contrairement à ses concurrents, Samit Gupta, directeur de Rachna Rivaz, a choisi de produire en Inde la gamme qu’elle vend sur le marché local.

Une concurrence accrue

L’interdiction des sacs en plastique a été favorablement accueillie par Amro Chemicals Ltd. «Nous sommes très heureux que le gouvernement mauricien ait introduit en 2016 des normes sur l’utilisation de matières composables et biodégradables sur notre marché, car nous étions prêts à fournir le marché en produits conformes à ces normes depuis plusieurs années», précise son directeur, Maurice Henri.

Les entreprises fabriquant des produits en papier sont nombreuses, et plusieurs d’entre elles fabriquent aussi, à base de plastique ou à partir de produits recyclés, de multiples objets utilitaires pour l’intérieur ou l’extérieur de la maison. La concurrence est bel et bien présente dans ce marché où se côtoient des produits recyclés, en papier ou en plastique biodégradable. Certaines ont revu leurs stratégies et se sont concentrées sur des facteurs essentiels pour se démarquer de leurs compétiteurs. Sanil Jeebodhun, de Boxmore Packaging, s’est engagé à surveiller la qualité de ses produits, à la satisfaction de sa clientèle. En outre, son entreprise propose des facilités ainsi qu’un service après-vente. Pour répondre à une clientèle de plus en plus exigeante, elle suit les tendances internationales et introduit régulièrement sur le marché local des produits innovants.

Altesse Papers estime qu’une saine concurrence locale permet de s’améliorer, car ouvrir les portes à des importations massives de ces produits est hautement préjudiciable à l’ensemble des entreprises locales. «Notre stratégie reste la réduction des coûts à tous les niveaux afin de maintenir un équilibre entre qualité, rentabilité et compétitivité», confie NaujavenDabydin, COO d’Altesse Papers.

Certaines croient fermement dans la survie de leur entreprise. EcologyBags est d’avis que la concurrence n’est pas encore un vrai danger car les gens n’utilisent pas constamment les produits alternatifs disponibles pour remplacer ceux en plastique. Ajay Jahree, son directeur, croit fermement en la qualité et le zéro défaut, ce qui a été le principal avantage concurrentiel pour ses sacs écologiques. D’ailleurs, fait-il ressortir, de nombreux fournisseurs sollicitent le soutien d’Ecology pour ses produits. «J’ai toujours apporté mon aide», s’empresse-t-il d’ajouter.

S’associant à la démarche gouvernementale de protéger l’environnement pour une île Maurice plus verte, les manufacturiers y apportent à leur façon leur contribution. Ainsi, Boxmore Packaging travaille avec des organisations telles que la Mauritius Wild Life Foundation et s’associe aussi à d’autres projets de CSR. De son côté, le directeur d’EcologyBags soutient que la contribution de son entreprise au projet de faire de Maurice une île plus verte ne saurait être mesurée. «Notre mission est de changer la mentalité des gens, ce qui est très difficile, et nous le faisons sans le soutien des autorités de l’environnement», avance Ajay Jahree.

Du côté de Winner’s, des réceptacles de récupération de PET sont installés dans tous ses parkings pour une meilleure conscientisation du

La direction d’Amro Chemicals indique qu’il est important que les autorités mauriciennes se dotent de moyens matériels et humains leur permettant d’effectuer des contrôles de qualité sur les sacs en plastique, autant ceux qui sont fabriqués localement que ceux qui sont importés et commercialisés sur le marché, afin de s’assurer du respect des normes. Au cas contraire, tous les efforts et investissements faits par les différentes parties prenantes seront totalement inutiles.