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Télécommunications: La Réunion ne veut pas rater la transition technologique

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Télécommunications: La Réunion ne veut pas rater la transition technologique | business-magazine.mu

L’île de La Réunion est entrée de plain-pied dans l’évolution des technologies. Les opérateurs téléphoniques n’ont certes pas attendu pour se préparer à ce nouvel horizon de la communication qui promet une population plus connectée que jamais.

Pour mieux comprendre le paysage des télécommunications à La Réunion, un petit historique de ces trois dernières années s’impose. Remontons jusqu’en juin 2013, quand Patrick Drahi, fondateur et actionnaire de Numericable, annonce, via son fonds Altice, le rachat d’Outremer Telecom. Ce dernier est alors détenteur de la marque Only à La Réunion, opérateur de téléphonie mobile et fixe, et fournisseur d’accès Internet. En avril 2014, Altice procède au rachat, pour 13,5 milliards d’euros, de SFR (Société Française de Radiotéléphonie), l’opérateur de télécommunications français présent en France, à Mayotte et à La Réunion.

Ces deux grosses acquisitions font d’Altice un colosse sur le marché de la téléphonie mobile avec 66 % de parts de marché à La Réunion et 90 % de l’activité mobile à Mayotte, jusqu’à la fin d’octobre 2014 en tout cas. C’est à cette période, en effet, que l’Autorité de la concurrence oblige Altice à se séparer des activités de téléphonie mobile d’Outremer Telecom pour limiter la position dominante du nouvel ensemble. Sept candidats sont alors entrés dans la course pour ce rachat négocié autour de 100 millions d’euros.

L’Autorité de la concurrence s’est prononcée le 15 juin 2015 en faveur de l’opérateur malgache Telma, qui a été autorisé à conclure la vente d’Outremer Telecom (Only) par le groupe Altice-Numericable. Il y a encore dix ans Telma était la propriété de l’État malgache. L’opérateur peinait alors à subsister sur le marché des télécoms. Mais un tournant décisif va lui apporter le dynamisme économique qui lui manquait : l’arrivée d’un nouvel actionnaire en 2004, le groupe Hiridjee, avec à sa tête l’un des hommes d’affaires les plus influents de Madagascar (et de la zone océan Indien), Hassanein Hiridjee. Un revirement spectaculaire qui a propulsé Telma au rang d’opérateur majeur du marché. Pour preuve, Telma affichait en 2011 un chiffre d’affaires de plus de 103 millions d’euros et un parc clients de 1,8 million d’abonnés.

Une fois cette acquisition actée, pour bien distinguer la partie télécoms malgaches de la partie Réunion et Mayotte, Hassanein Hiridjee crée en juin 2015 la société Telecom Réunion Mayotte (TRM), dont dépend désormais Only. Plus précisément, à la suite d’une séparation des activités du groupe Hiridjee entre Axian et Viseo intervenue en décembre dernier, TRM fait partie d’Axian, qui rassemble, outre les télécommunications, les activités du groupe dans l’énergie, la banque et l’immobilier.

Free bouscule le marché

Autre date marquante : octobre 2015. C’est à ce moment que l’Autorité de la concurrence a permis au groupe malgache Hiridjee de céder au groupe de Xavier Niel, Iliad, 50 % du capital de la société TRM, marquant ainsi l’arrivée de la marque de M. Niel, Free, sur le marché de la téléphonie mobile en Outre-mer. Concernant l’installation de Free Mobile à La Réunion, l’association de Hiridjee et d’Iliad verra sa concrétisation courant 2016. «Nous sommes en train de remettre à plat l’architecture du réseau à La Réunion. L’investissement dépassera les 50 millions d’euros les trois premières années. Le lancement aura lieu au cours de l’année prochaine», confiait Hassanein Hiridjee à nos confrères de la revue Jeune Afrique, en novembre dernier. Reste à savoir si Free Mobile choisira d’appliquer la même recette qu’en France en commercialisant des offres à des tarifs agressifs (un forfait à moins de 20 euros offrant appels, SMS et MMS illimités et de l’Internet 4G à 50 Gigaoctet ; un forfait à 2 euros par mois pour les clients Free Mobile comprenant 2 heures de communication, des SMS et MMS illimités et de l’Internet 3G à 50 Mégaoctet).

Telle est bien la problématique que pose ce nouveau venu: on peut supposer qu’il impactera le marché (des opérateurs de téléphonie mobile, car, pour le moment, Free se cantonne à ce domaine), mais dans quelle mesure, précisément ? Tant que la première boutique Free Mobile réunionnaise n’aura pas ouvert ses portes et affiché ses prix, nous sommes contraints à de simples conjectures : soit Free s’aligne plus ou moins (sans écarts significatifs) sur les tarifs déjà pratiqués localement, soit il s’aligne sur les prix que Free applique en France et pourra faire valoir le titre de «révolutionnaire» qu’on lui a attribué là-bas. Il reste que les autres opérateurs ont eu le temps de se faire leur opinion. Xavier Hermesse, directeur général de Zeop, voit dans l’arrivée d’un nouvel opérateur «une bonne chose pour dynamiser le marché, animer la concurrence», tandis que du côté de SFR Réunion, l’équation est réglée : pour contrer Free, il s’agira d’être le leader dans les télécommunications et notamment sur le très haut débit, objectif poursuivi par SFR.

Il faut savoir que c’est précisément le souci d’une redynamisation du marché des télécommunications dans l’île qui avait motivé l’avis de l’Autorité de la concurrence en faveur d’un nouvel opérateur : «L’opération permettra de développer davantage la capacité des activités cédées par le groupe Altice à animer la concurrence en les adossant à l’un des opérateurs nationaux de téléphonie mobile», avait-elle avancé comme argument dans son communiqué du 20 octobre dernier. Dans un même temps, toutefois, l’Autorité a tenu à souligner (dans le même communiqué) qu’il n’y avait pas de «chevauchement d’activité» entre Free métropole et Free Mobile Réunion, puisque Iliad n’exerce ses activités qu’en France et que ce n’est qu’à travers Telecom Réunion Mayotte (présent uniquement dans l’océan Indien) qu’Iliad opérera à La Réunion.

L’enjeu des nouvelles technologies

Quoi qu’il en soit, la venue de Free ramène sur le devant de la scène la question de l’écart de tarification entre la France métropolitaine et l’Outre-mer. On se rappelle, en ce sens, que le député réunionnais Jean-Jacques Vlody avait attiré l’attention d’Axelle Lemaire, la secrétaire d’État chargée du numérique, sur la tarification des offres de téléphonie mobile et d’Internet dans les Outre-mer. Il soutenait alors dans une question écrite en juin 2015 que «les tarifs pratiqués dans les Outre-mer sont souvent bien supérieurs à ceux pratiqués dans l’Hexagone, ce qui pénalise les usagers et exclut de fait une partie de la population de l’utilisation des nouvelles technologies».

Une thématique qui avait déjà fait l’objet d’une question orale posée le 5 mai 2015 par le même député Vlody à l’hémicycle de l’Assemblée nationale: «Quelles mesures envisage le gouvernement pour rattraper le retard technologique – absence de la 4G – et réduire la fracture numérique qui touche encore trop souvent les territoires isolés et ruraux de La Réunion ?». Réponse du gouvernement : «S’agissant de la couverture de troisième génération, dite 3G, à La Réunion, la couverture des opérateurs locaux est significativement supérieure à leurs obligations: alors que celles-ci imposaient une couverture de 70 % de la population, les opérateurs mobiles couvrent plus de 95 % de la population en 2G et en 3G. Toutefois, l’expérience de nos compatriotes ne correspond pas toujours aux annonces des opérateurs mobiles, en particulier en Outre-mer, où les opérateurs ont demandé à disposer de nouvelles fréquences pour satisfaire les besoins de leurs clients».

«C’est pourquoi nous avons décidé d’attribuer de nouvelles fréquences aux opérateurs mobiles, en particulier les fréquences 800 Méga Hertz et 2 600 MHz, afin de permettre la poursuite du développement du haut débit mobile, la 3G, et le lancement du très haut débit mobile, la 4G.»

Comme en écho à ce débat, Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique ; George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer, et Axelle Lemaire ont initié le 2 février dernier, sur proposition de l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (ARCEP), les appels à candidatures pour l’attribution de nouvelles fréquences en Outre-mer qui permettront d’attribuer, pour la première fois en Outre-mer, les fréquences nécessaires au très haut débit mobile (4G), dans les bandes 800 MHz et 2 600 MHz, ainsi que les capacités encore disponibles dans des bandes de fréquences déjà attribuées (900 MHz, 1 800 MHz, 2 100 MHz). Les dossiers de candidatures doivent être remis à l’Autorité avant le 10 mai 2016. Dans l’océan Indien, à La Réunion et à Mayotte, le gouvernement a ainsi souscrit à la proposition de l’ARCEP de fixer une date d’ouverture des services à très haut débit mobile (4G) différée au 1er décembre 2016, afin d’y préserver la dynamique concurrentielle, au bénéfice des consommateurs locaux.

Mais les opérateurs réunionnais n’auront pas attendu cette date pour réagir et sont déjà en train de se préparer à ce nouvel horizon qui façonne d’ores et déjà La Réunion connectée de demain.

 

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