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Énergies vertes : La route vers l’indépendance énergétique nécessite un alignement de toutes les forces vives du pays

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APRÈS seulement cinquante-six années d’indépendance, nous pouvons constater et nous réjouir que notre pays ait fait de très grandes avancées et a notamment atteint un développement économique et social tout à fait remarquable grâce au travail des Mauriciens et des diverses politiques menées ces dernières décennies, permettant au pays de se rapprocher des pays à haut revenu et ce malgré la taille modeste de son territoire ainsi que son isolement géographique.

L’île Maurice dispose aujourd’hui d’infrastructures de très bon niveau par rapport à ses homologues africains ou d’autres petits États insulaires en développement (PEID ou SIDS) et continue à investir dans les infrastructures modernes dont elle va avoir besoin pour pérenniser ce développement sur les prochaines décennies.

L’attractivité du pays, la stabilité de ses institutions et de son cadre légal ainsi que l’alignement sur les standards internationaux, notamment financiers, ont permis de faire de Maurice une place réputée, d’attirer de nombreux investissements étrangers et en s’ouvrant ainsi au monde de créer les conditions requises à ce miracle mauricien.

Ce développement s’est assez logiquement fait au détriment d’espaces naturels désormais restreints, d’une densification des constructions et au prix d’un coût énergétique important pour le pays tant pour la construction des infrastructures que par les importants besoins en termes de transport local et pour assurer sa connectivité aérienne au reste du monde.

De ce développement a aussi logiquement découlé une hausse massive des consommations énergétiques liées à la montée du niveau de vie, au développement de nouveaux services et secteurs économiques, de nouveaux standards de confort qui sont allés de pair, et qui se traduit par une dépendance énergétique aujourd’hui exacerbée sur les énergies fossiles et générant une empreinte carbone de plus en plus lourde pour les Mauriciens.

Cela se matérialise par la hausse quasi interrompue des consommations d’électricité sur le réseau du CEB mais aussi par les importations de combustibles fossiles et de carburants ainsi que du nombre de véhicules qui vont les consommer au quotidien.

Les infrastructures et le mode de vie de l’île Maurice de 2024 qui sont désormais des atouts pour le pays pourraient, s’ils ne sont pas adressés sur le plan énergétique, devenir des faiblesses si le pays ne parvient pas à pérenniser ses approvisionnements en énergie nécessaires pour l’avenir de nos générations futures à un coût abordable et de manière responsible.

La balance des paiements du pays, et notamment la sortie de devises pour effectuer ces achats de combustibles fossiles à l’étranger, en est largement dégradée et fragilise de fait le modèle économique mauricien.

Sur les cinq dernières années, la crise de la Covid et les conséquences de la guerre en Ukraine nous ont déjà montré à quel point le pays était déjà vulnérable à ce titre. La crise climatique qui s’annonce sera certainement bien plus dévastatrice si nous n’y changeons rien, d’autant que Maurice est très exposé en tant qu’État insulaire dans une zone cyclonique.

Il est donc crucial pour accroître la résilience économique mais aussi plus largement sociétale de Maurice et maintenir sa souveraineté dans un monde devenu désormais instable que le pays s’engage dans une plus grande sobriété énergétique en travaillant à la maîtrise de la demande énergétique et, en parallèle, de tout mettre en œuvre et au plus vite pour tendre vers sa souveraineté énergétique au travers de son énorme potentiel en énergies renouvelables qu’il convient de récolter et maîtriser.

Maurice jouit d’importants atouts avec une nature généreuse en soleil, en vent et des surfaces importantes de terres arables.

Notre expérience du marché mauricien et les tendances mondiales nous permettent de penser avec confiance que les piliers de cette souveraineté énergétique mauricienne seront basés sur le solaire photovoltaïque (au sol ou en toiture), l’éolien (à terre d’abord pour des raisons de coût et de maturité) et la biomasse locale (bagasse et paille principalement mais avec un fort potentiel à développer pour des cultures alternatives locales). Ces énergies apporteront des services complémentaires dans le mixte énergétique dont Maurice a besoin pour garantir une énergie propre, fiable et surtout compétitive tous les jours de l’année aux Mauriciens. L’absence de fluctuation de leur prix à long terme de par l’absence d’achats à des prix de marché volatils est un gage de stabilité pour le pays.

La transition hors du charbon visée à 2030 sera rendue possible avec un déploiement massif de capacités de production de ces technologies et à l’apport du stockage d’énergie, qui a un rôle crucial à jouer pour stabiliser le réseau du CEB et réduire l’intermittence de certaines énergies renouvelables (solaire et éolien) et dont le coût est en forte baisse depuis plus de quinze ans.

Le recours à d’autres énergies (biomasse importée) semble nécessaire pour compléter les cultures saisonnières comme la canne, ainsi que l’utilisation du potentiel des énergies marines une fois qu’elles seront matures technologiquement et surtout compétitives.

L’accessibilité à l’électricité est très bonne à Maurice, la meilleure en Afrique, eu égard à un réseau du CEB bien conçu et aussi aidé en soi par la taille limitée du pays. Malgré les enjeux liés à la production décentralisée que le CEB a prévu d’adresser en modernisant son réseau vers le Smart Grid et qui sera crucial pour opérer la transition énergétique, il convient désormais de rendre les énergies renouvelables plus accessibles pour les particuliers en libérant les contraintes en vue de l’autoconsommation à leur domicile du solaire photovoltaïque (PV) par les foyers mauriciens.

Le contexte international y est très favorable avec des matériels de plus en plus abordables et un tissu d’entreprises locales compétentes et rompues au déploiement de ces petites installations chez les Mauriciens, leur permettant ainsi de réduire leurs factures et donc leur exposition aux fluctuations des tarifs, réglementés eux-mêmes encore trop liés aux prix de marché des énergies fossiles (charbon, huile lourde) qui pèsent encore trop lourd dans les coûts d’approvisionnement du CEB.

L’industrie mauricienne et les grands secteurs d’activité consommateurs d’électricité ont des besoins de décarbonation et de stabilisation/ réduction de leurs coûts énergétiques pour être résilients à long terme en étant autorisés à effectuer l’autoproduction et l’autoconsommation massive d’énergie renouvelable (notamment PV) sous peine d’une perte de compétitivité et d’opportunités de marché en raison du poids élevé en carbone de nos productions locales.

La Renewable Energy Roadmap 2030 actualisée en 2022 a défini une cible ambitieuse de 60  % d’énergie renouvelable à l’horizon de cette décennie et qui peut être atteinte. Ce signal fort était attendu par les opérateurs du marché et nécessaire pour faire bouger les lignes et déclencher la sortie de schemes ou d’appels d’offres par le CEB, ce qui a eu lieu depuis 2022. De très nombreux emplois pérennes et non délocalisables en sont à la clé pour les Mauriciens.

Toutefois, divers obstacles ont été identifiés et sont actuellement adressés au travers d’une collaboration entre secteurs public et privé. L’opérationnalisation nécessaire de cette Roadmap au travers de projets concrets, qui sont autorisés dans des délais réduits et obtiennent des financements et se concrétisent, ne sera possible qu’à la condition que les autorités prennent sans plus tarder les sujets à bras le corps, même si cela bouscule les pratiques historiques qui ne sont plus compatibles avec la transition énergétique. Il faut faire tomber les verrous notamment administratifs, contractuels ou économiques, notamment au CEB et qui sont des obstacles majeurs à la bancabilité des projets et ainsi permettre l’investissement massif du secteur privé qui est requis pour parvenir à réussir cette transition.

Ces investissements, de plus de cinquante milliards de roupies sur les cinq prochaines années, ne se feront qu’en créant un environnement contractuel (contrats ou schemes du CEB) et réglementaire qui soit aligné sur les standards internationaux et apporte aux investisseurs (qu’ils soient actionnaires ou banquiers) des conditions protectrices et incitatrices permettant de catalyser l’investissement et de donner des gages de pérennité financière à ces actifs sur les vingt-cinq prochaines années.

À la différence d’autres secteurs où les retours sur investissement sont courts, l’énergie renouvelable a besoin du temps long pour être vertueuse et nécessite à ce titre un environnement fiscal et juridique stable et protecteur pendant tout son cycle de vie pour ne pas déstabiliser le modèle économique et dissuader l’investisseur. Et c’est justement ce temps long qui apporte aussi aux clients un prix du kWh compétitif, et sans fluctuation de prix à long terme.

En complément à l’autoconsommation directe par tous les utilisateurs, les outils de production qui permettront l’atteinte des objectifs de cette transition énergétique rapide seront notamment des unités de grande puissance (2 à 40 MW unitaire) raccordés au réseau du CEB en 22kV ou 66kV (Utility Scale) et apportant en plus d’un prix du kWh très compétitif à long terme, d’importants services au réseau du CEB pour la stabilité du réseau électrique au travers d’importantes capacités de stockage intégrées dans les centrales IPP (centrales hybrides).

À l’aune de la fête de notre cinquante-sixième anniversaire de notre indépendance, la route vers l’indépendance énergétique nécessite donc un alignement de toutes les forces vives du pays et ainsi permettre de construire pour les décennies à venir une île Maurice toujours ouverte et attractive au monde mais qui ne compte que sur ses propres ressources pour produire son énergie verte et ainsi contribuer à un développement soutenable et inclusif pour le pays et préserver notre environnement.

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