Type to search

2023-2024

Agro-Industrie : Accroître le volume de production en réponse aux coûts de production et d’importation

Share

Le Budget 2023-24 a dévoilé une série de mesures destinées à soutenir et renforcer le secteur agricole de l’île. Cependant, certains observateurs expriment des avis mitigés, arguant que le Budget accorde davantage d’importance à des aspects sociaux qu’à des mesures environnementales, voire agricoles.

Malgré l’octroi de subventions, des prêts agricoles à taux d’intérêt avantageux et l’augmentation des fonds alloués à la canne à sucre, certaines voix estiment que ces initiatives ne suffisent pas à adresser les défis écologiques actuels. Bien que les subventions pour l’achat d’équipements, la construction et la modernisation des infrastructures puissent favoriser la croissance économique, tout comme la création d’emplois durables et la recrudescence de la souveraineté alimentaire, elles restent notamment insuffisantes pour répondre aux besoins et aux aspirations des acteurs du secteur agricole. Et donc, ils sont d’avis que le gouvernement doit s’impliquer davantage et trouver un équilibre entre les dimensions sociales, environnementales et agricoles, afin de garantir un développement agricole durable tout en répondant aux enjeux du pays.

Jacqueline Sauzier, la Secrétaire Générale de la Chambre d’Agriculture, estime que dans son ensemble, les mesures annoncées pour le secteur agricole sont dans la continuité de celles qui existent déjà, et globalement très ciblées. Elle fait valoir qu’en l’absence d’un cadre pour la production, face à la déconnexion entre les importations et les productions locales ainsi qu’en apportant des mesures toujours ciblées, les grands enjeux autour de la sécurité alimentaire n’ont pas été réellement adressés. En outre, surtout, tout ce qui touche à la capacité de stockage, au confort pour des investissements dans la transformation, à la panification des productions locales pour limiter nos importations et au découragement des producteurs locaux.

Cependant, elle avise qu’au niveau du secteur cannier, la Chambre d’Agriculture a accueilli favorablement l’augmentation du Cane Replantation Revolving Fund proposé par la DBM de Rs 200 millions à Rs 500 millions. Dans la mesure que le prix du sucre est aujourd’hui à la hausse, la continuité de cette mesure annoncée dans le dernier Budget, accompagnée de celles pour les planteurs produisant moins de 60 tonnes de sucre, notamment le prix garanti passant à Rs 27 500 la tonne de sucre, pourra accélérer la replantation, limiter l’abandon de certaines terres et booster le secteur cannier.

Au niveau du secteur des énergies renouvelables, la Chambre d’Agriculture a pris bonne note des prix annoncés pour la rémunération des déchets de canne et de la biomasse à Rs 3,50/kWh comme la bagasse. «Ceci a été dans la lignée de l’approbation du National Biomass Framework par le Conseil des ministres, le 26 mai dernier. Nous attendons maintenant les détails du Framework pour l’implémentation de ces propositions. Dans ce contexte, les détails autour de l’extension du Crop Replantation Scheme de la DBM pour la biomasse et du reboisement au taux préférentiel de 2,5 % sont vivement attendus», étaye-t-elle.

Prédominance du social sur l’écologie

Bruno Dubarry, président du Vélo Vert, met en évidence une prédominance de la dimension sociale plutôt qu’écologique. Il souligne que l’approche protectrice du gouvernement envers la population est renforcée en cette période de forte inflation et d’instabilités. En ce qui concerne le secteur agricole, il est d’avis que l’amalgame entre les différents types d’agriculture et d’élevage est maintenu : «Il y a une bonification des aides et une extension à d’autres produits. Ce budget vise à accroître le volume de production en réponse aux coûts de production et d’importation».

Cependant, il ajoute que pour l’agroécologie, qui est un élément clé de l’agriculture durable, les mesures d’aide annoncées, telles que les engrais et les semences, privilégient les méthodes de culture conventionnelles déjà établies. «Les cultures ciblées sont principalement peu adaptées au climat tropical, ce qui justifie l’utilisation de traitements chimiques tels que les engrais, les herbicides, les fongicides, les insecticides, etc.» Il applaudit cependant que des aides à l’achat d’équipements agricoles tels que des serres, des nurseries et des étables sont fournies aux PME et aux coopératives, probablement en réponse à l’inflation générale observée sur les prix des matériaux. De même pour l’élevage.

Y aurait-il pu avoir d’autres mesures pour ce secteur ? «Le soutien à des modes de production et de consommation durables aurait été le bienvenu», répond-il. «Dans la mesure où le gouvernement soutient l’agriculture, une recherche d’externalités en dehors de l’industrie cannière et de la production en agriculture conventionnelle aurait consisté, par exemple, à développer les instruments d’une transition agroécologique. Cela aurait inclus des mesures telles que l’aide au compost et au purin à partir des déchets naturels, la facilitation de l’obtention de semences paysannes reproductibles et non traitées, des subventions pour l’achat de plants pour des haies vives (agissant comme une barrière contre les ravageurs et favorisant les auxiliaires pour les cultures), des aides à l’achat de plantes fourragères pour l’élevage, ainsi que l’introduction de plants tels que le sorgho, qui est moins gourmand en ressources, adapté au climat tropical et don’t le prix est moins volatil que le blé et le maïs importés massivement par Maurice.»

Pour sa part, Nathalie Venis-Randabel, directrice de Just Natural, témoigne qu’en ce qui concerne le secteur agricole, nous sommes témoins de nouvelles mesures qui semblent intéressantes à première vue. Cependant, en l’absence d’une vision claire, ces mesures, dit-elle, ne suffiront malheureusement pas pour apporter les changements nécessaires afin de garantir une alimentation saine et abordable, produite localement, dans les années à venir.

«Les mesures annoncées représentent un pansement pour certains, alors que le secteur a besoin d’un plan cohérent s’étendant sur bien plus d’années que la seule à venir. Il y a des gens bien informés dans ce pays qui ont passé beaucoup de temps à travailler sur une feuille de route vers une agriculture durable. Ce ne sont pas les idées et les solutions qui manquent, seulement un manque de volonté», constate-t-elle.

Elle poursuit que la perte de biodiversité et l’effondrement des écosystèmes sont des menaces majeures et réelles auxquelles l’humanité est confrontée. «Je n’ai rien vu dans le Budget qui réduirait cette menace, bien au contraire. Le ministre aurait pu choisir une aide aux grands propriétaires terriens pour passer d’une monoculture et d’une agriculture conventionnelle à une polyculture et une agriculture régénérative viables, l’innovation en développant des aliments de base alternatifs comme le manioc, le fruit à pain, qui est bon marché à cultiver et bon pour notre santé, trouver des moyens de connecter ceux qui ont de la terre mais ne l’utilisent pas avec ceux qui veulent se lancer dans l’agriculture durable mais qui n’ont pas de terre», argue-t-elle avant de terminer : «Il est clair que le gouvernement ne peut à lui seul relever tous les défis. Il nous faut alors continuer entre nous à rechercher la collaboration et à partager nos connaissances et nos idées.»

Bruno Dubarry le rejoint d’ailleurs dans cet appel, et termine avec un conseil aux opérateurs du secteur: «Produisons avec l’objectif de croissance mais produisons mieux avec comme impératif de préserver l’environnement et la santé humaine et animale».

Tags:

You Might also Like