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Marché de l’emploi : Les entreprises recherchent des talents adaptés à leurs besoins

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La reliance de l’économie mauricienne s’est concrétisée par une croissance de 7,8 % en 2022, et le repli du chômage à 7,6 % au troisième trimester 2022 contre 9,5 % pour la période en 2021. Pour 2023, les prévisions de croissance tournent autour de 5 %, mais cela sera-t-il suffisant pour dynamiser le marché de l’emploi ? Les nouvelles charges qui pèsent sur la trésorerie des entreprises, à l’instar du key rate à 4,5 % affecteront-elles la dynamique insufflée en 2022 ?

La loi d’Okun le stipule : la croissance fait reculer le chômage. Cette théorie économique semble pouvoir s’appliquer dans le cas de Maurice. Preuve en est, après deux années de pandémie, la relance de l’économie nationale s’est confirmée en 2022. Le pays a enregistré une croissance de 7,8 % et un taux de chômage de 7,6 %. Ce dynamisme retrouvé se confirme par les chiffres de Statistics Mauritius. Au troisième trimestre 2022, le pays comptabilisait 524 800 personnes en emploi pour 42 800 chômeurs. Des chiffres en nette amélioration comparé au troisième trimestre 2021 quand le nombre de personnes employées était de 476 100 et de sans-emplois de 49 800.

Ravish Pothegadoo, directeur du cabinet de recrutement Talent On Tap, analyse cette tendance sur le marché de l’emploi. Selon lui, plusieurs facteurs ont contribué à la croissance du pays et, par extension, à une amélioration sur le marché de l’emploi. L’effet domino de la réouverture des frontières dans le secteur touristique et ses activités connexes ainsi que les  mesures  budgétaires  incitatives pour  le  secteur de la construction ont dynamisé le marché du recrutement, constate-t-il. Il ajoute que de nombreuses entreprises étrangères évoluant dans les Tic ont récemment délocalisé leurs activités pour s’installer sur le territoire mauricien. Elles ont, pour la plupart, déjà effectué de grandes campagnes de recrutement.

Un constat que partage pleinement Astrid Vuddamallay-Sylvie, Talent Management Lead à myjob.mu. À travers la plateforme numérique de sa compagnie et les données recueillies, elle confirme le désir que manifestent les entreprises à recruter depuis l’année dernière. «En 2021, myjob.mu a comptabilisé un total de 12 000 postes publiés, contre plus de 20 000 postes publiés en 2022.»

Mais cette tendance s’explique également par un autre facteur indépendant de la communauté des affaires. D’un point de vue sociologique, l’inflation galopante estimée à 12,2 % en décembre 2022 semble avoir un effet sur le comportement des demandeurs d’emplois locaux. C’est en ce sens qu’abonde Jennifer Webb de Comarmond. La directrice de Proactive Talent Solutions analyse ce comportement social. «Nous sommes dans une période de reprise économique qui n’est pas simple. L’inflation génère auprès des candidats une réduction de prise de risque et un plus grand besoin de sécurité. Ils ont tendance à s’inquiéter de leurs finances et de leurs prêts. De facto, ils s’intéressent à des postes permanents dans des entreprises solides», explique-t-elle.

2023 : ANNÉE DE CONFIRMATION ?

Bien que l’année 2023 s’annonce prometteuse pour le marché de l’emploi, il n’empêche que les recruteurs passeront à la loupe l’évolution du secteur. D’un œil attentif, ils analyseront tous les facteurs pouvant influencer cette année charnière. Récession mondiale, inflation, fuite des cerveaux ou encore productivité, tout sera pris en compte. À ce sujet, Jennifer Webb de Comarmond appelle à la proactivité afin d’innover et de rendre résiliente l’employabilité sur le plan national.

«Il est essentiel d’avoir un plan de rétention et d’engagement pour les employés déjà en entreprise. De même qu’un bon ‘Manpower plan’ bien établi et une stratégie de recrutement solide avec plusieurs ‘channels’ tels que l’alternance et la formation, l’insertion professionnelle, le ‘reskilling’ et l’‘up-skilling’ ainsi que des campagnes de recrutement, entre autres», avance-t-elle. Pour la directrice de Proactive Talent Solutions, cela permettra à Maurice d’être mieux préparé à de futurs risques. Elle fait ici référence à une étude de Kornferry intitulée «The $8.5 Trillion Talent Shortage». «D’ici à 2030, la demande de talents qualifiés continuera d’être supérieure à l’offre. Cela aura alors pour conséquence une possible pénurie mondiale de talents, générant 8,5 billions de dollars de manque à gagner en revenu pour les entreprises et 85 millions de postes qui resteront à pourvoir par manque de candidats.»

Cependant, dans le court terme, les agences de recrutement demeurent confiantes. Astrid Vuddamallay-Sylvie a même effectué un calcul mathématique en prenant en compte les risques afin d’établir ses prévisions pour 2023. «Un vent d’optimisme souffle cette année avec une croissance supérieure à celle d’avant-crise de la Covid-19. Au quatrième trimestre de 2021, on a comptabilisé 3 700 postes à pourvoir tandis qu’au quatrième trimestre de 2022, il y en avait 5 000.

D’après nos calculs, nous prévoyons une hause de 8 % pour les trois premiers mois de 2023 et ainsi atteindre un total de 5 500 postes à pourvoir en cette période», estime-t-elle.

TRÉSORERIE : LES ENTREPRISES PLUS EXIGEANTES LORS DES RECRUTEMENTS

Mais cette volonté de recrutement est-elle soutenable pour la trésorerie des entreprises ? Ces trois dernières années, la plupart d’entre elles ont subi un stress financier qui a pesé lourd sur leurs opérations. S’ajoutent désormais un Key Rate à 4,5 %, une augmentation annoncée des tarifs d’électricité et le maintien des prix des carburants à la hausse. Tant de facteurs qui fragilisent les entreprises, les PME notamment, et les exposent à des problèmes d’endettement et de cash-flow.

Analysant cette conjoncture délicate, Ravish Pothegadoo évoque un cercle vicieux au niveau de la finance des entreprises. «La contraction de dettes pour investir dans l’entrepreneuriat et pour le fonds de roulement des PME réduit leur pouvoir d’achat. Cela affecte les chiffres d’affaires des autres petites activités (retail, fast food, loisirs, etc.). Maintenant si l’on ajoute à tout ceci l’augmentation du coût de production comme la compensation salariale Rs 1 000 qui sera payée à partir de ce mois de janvier (pour une compagnie avec 1 000 employés, par exemple, cela se traduit par un coût supplémentaire de Rs 1 million par mois), l’augmentation annoncée du tarif d’électricité en février, l’augmentation du coût de la logistique (maintien du prix de l’essence) ou du fret (importation des matières premières), la voie vers la production locale reste sombre pour ces structures», observe-t-il.

Pour sa part, la représentante de myjob. mu assure que les entreprises mettent, dans ce contexte, davantage l’accent sur un processus de recrutement ciblé et précis. Pour cause, elles cherchent à trouver les talents adaptés à leurs besoins. «Les entreprises sont plus exigeantes quant au personnel qu’elles souhaitent recruter. L’adéquation (matching) entre les candidats et les entreprises se fait de manière plus rigoureuse. Les entreprises sont prêtes à attendre jusqu’à six mois afin de trouver leurs ‘perles rares’. De ce fait, les compétences académiques, les techniques de communication, le parcours professionnel ainsi que le savoir-être sont scrutés par les recruteurs afin de trouver le candidat idéal. Les entreprises s’attentent à ce que les candidats ont de l’expérience sur le terrain et possèdent des ‘soft skills’ telles que l’adaptation, la proactivité, la capacité à être efficients dans un environnement en constante évolution. De ce fait, la capacité à porter plusieurs casquettes à un seul et même emploi est devenue incontournable. Qui plus est, les formations avec des doubles spécialisations telles que comptabilité et finance, marketing et management, Front-end development – UI/UX designer sont de plus en plus recherchées par les entreprises», conclut Astrid Vuddamallay-Sylvie.

RECRUTEMENT À DISTANCE LE MARCHÉ MAURICIEN SÉDUIT, MAIS UNE BONNE FORMATION EST NÉCESSAIRE

Avec la digitalisation des opérations et l’essor du travail à distance, les entreprises étrangères sont de moins en moins réticentes à employer des Mauriciens travaillant depuis le territoire. Nicolas Goldstein a d’ailleurs cofondé la start-up Talenteum qui ouvre la voie à ce dynamique marché. Il évoque la résilience de ses opérations face à la crise économique. «Dans notre secteur du service et du travail à distance, la demande dans le monde reste forte malgré la crise en Europe et la crise financière qui touche un peu partout le reste du globe», partage-t-il

Cela dit, le marché mauricien reste de niche pour le grand nombre de demandes d’emploi qu’il reçoit. Dans cette optique, l’entrepreneur s’est ouvert au marché africain tout en effectuant ses opérations de Maurice. Il propose ainsi plusieurs profils de différentes nationalités africaines aux entreprises qui en ont besoin dans le monde. Mais Nicolas Goldstein compte encore sur la main-d’œuvre mauricienne, qui est connue pour sa qualité, notamment dans le secteur des Tic/BPO et du Global Business. Il propose que l’accent soit mis sur la formation afin de consolider cette nouvelle filière vecteur d’emplois. «Nous devons mettre l’accent sur la formation afin d’avoir les ressources humaines suffisantes pour répondre à la demande internationale. Par exemple, dans le secteur IT, nous sommes actuellement contraints d’aller chercher des talents sur le continent africain. Il faut investir dans ce créneau et former les jeunes. La clé réside d’ailleurs, selon moi, dans la formation et la montée en gamme ainsi qu’en expertise de talents. En résumé, il faut investir dans le capital humain»

RELATION INFLATION – CHÔMAGE LE NOUVEAU DÉFI 2023?

L’année 2023 cache-t-elle un défi encore insouponné? Selon les partisans de l’école keynésienne, il existe un cruel dilemme entre le chômage et l’inflation. En clair, les économistes comme Paul Samuelson et Nicholas .aldor affirment qu’œuvrer à réduire le taux de chômage amènera une in¿ation plus conséquente. De la même manière, si l’on veut casser l’inflation, cela devra pâtir d’un taux de chômage plus fort. Ce postulat de départ a donné suite aux recherches de l’économiste néozélandais William Phillips. « travers la courbe de Phillips, il met en lumière qu’une hausse du taux de chômage est liée au salaire nominal d’un pays. Ces recherches sont approfondies par les économistes keynésiens, dont Lipsey, Samuelson et Solow, qui ont trouvé un lien direct entre l’in¿ation et le chômage. Et cela, en ajoutant le principe du taux de productivité. De cette manière, ils concluent: «Si l’on veut lutter contre l’in¿ation, il faudrait bien accepter le chômage puisque pour lutter contre l’inflation, il ne faut pas faire de politiques de relance. Or, ce sont ces politiques de relance qui créent de l’emploi par un déplacement de l’équilibre ISLM (cf. illustration) vers la droite en pratiquant une politique de relance budgétaire et une politique monétaire expansive».

Sur le plan local, suivant l’éclatement de la pandémie et de la guerre en Ukraine, Maurice a enregistré une croissance de rebond de 7,8 % en 2022 et un taux de chômage en baisse. A contrario, la hausse des prix sur le marché de la consommation est corrélée à une inflation galopante importée établie à 12,2 %. Le défi en 2023 sera pour le pays de pouvoir juguler l’in¿ation sans contrer la croissance et, par extension, la baisse du taux de chômage. La politique monétaire du pays jouera également un rôle important comme l’affirment les adeptes de la philosophie keynésienne.

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