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Réforme dans le Global Business les fiscalistes accompagnent les investisseurs dans la transition

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RÉFORME DANS LE GLOBAL BUSINESS

La mécanique est en branle : l’impôt minimum mondial sera une réalité en 2023. Quelles seront les multinationales concernées par cette réforme de la fiscalité internationale ? Qui sont celles qui seront exclues ? Pour le moment, on n’a pas toutes les réponses. Mais il est clair qu’au vu de la transformation qui s’opère dans le secteur du global business, les investisseurs ont besoin de clarté. Au sein des firmes comptables, les fiscalistes s’organisent pour mieux les accompagner.

DEPUIS 2016, le global business passe par une série de réformes en vue de se défaire de cette perception de juridiction boîte aux lettres utilisée surtout par les multinationales à des fins d’optimisation fiscale. Ou pire encore pour blanchir de l’argent sale. C’est ainsi qu’il y a cinq ans, Maurice a accepté de revoir sa convention fiscale avec l’Inde, avec pour conséquence une perte de compétitivité sur le marché indien suivant l’application de la taxe sur les plus-values (capital gains tax) pour la cession d’actifs sur les transactions boursières.

Il s’est ensuivi un vaste plan de réforme imposé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui a abouti notamment au remplacement du système de crédit d’impôt (Deemed tax credit) par celui d’exonération partielle et l’abolition du régime de GBL 2, qui concerne les sociétés non résidentes, et son remplacement par celui d’Authorised Company, lequel est beaucoup plus transparent et permet de retracer plus facilement les bénéficiaires ultimes. Là encore, cette transition s’est faite au détriment de notre compétitivité avec des investisseurs préférant se tourner vers des juridictions concurrentes plus conciliantes comme le Ras al Khaïmah. D’ailleurs, les chiffres le démontrent : à fin juin, la Financial Services Commission répertoriait 3 291 Authorised Companies, alors qu’il y a encore deux ans, on en comptait en moyenne 10 000 de ces structures.

Les épisodes les plus récents, on les connaît : c’est notre inclusion sur la liste noire de l’Union européenne en octobre 2020 et, l’autre onde de choc, qui traversera les places financières dès 2023, c’est l’instauration de l’impôt minimum mondial de 15 %. Les États-Unis font le forcing pour cette réforme de la fiscalité internationale qui vise notamment les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). La machinerie s’est rapidement mise en marche avec l’OCDE enclenchant les grandes manœuvres pour l’accélération du second pilier de son plan de réforme. Au total, 131 des 139 pays faisant partie du Cadre inclusif, dont Maurice, ont donné leur assentiment pour l’impôt minimum mondial. Parmi les irréductibles, on retrouve l’Irlande, dont les intérêts sont en jeu ayant pu attirer Google, Facebook et Apple.

IMPACT MITIGÉ

Si dans le cas de notre présence sur la liste noire de l’Union européenne, l’on a observé un ralentissement sur les flux de capitaux et au niveau des nouveaux investissements directs étrangers (IDE) avec un effet domino sur le Forex, par contre, il est dans l’immédiat difficile de dire quel sera l’impact de l’entrée en vigueur de l’impôt minimum mondial.

Ce que l’on sait, c’est que cette réforme fiscale devrait s’appliquer surtout aux multinationales dont le chiffre d’affaires est d’au moins 750 millions d’euros ou 890 millions de dollars, comme le précise Dheerend Puholoo, Partner et Tax Leader de PwC. «Depuis la publication des grandes lignes des changements aux US Corporate Tax Policies, notamment le plan fiscal Made in America de 2021 et la publication du Report on the Pillar Two Blueprint par l’OCDE, il y a eu beaucoup de spéculations autour des modalités et du succès du Global minimum tax. Mais cet accord historique conclu lors de la réunion du G7 en juin dernier, et son adoption par la suite par le G20 en juillet 2021, ouvre la voie à sa concrétisation. Cependant, des discussions sont toujours en cours. L’introduction du Global minimum tax perturbera certainement l’environnement fiscal international, entraînant des changements majeurs dans les codes fiscaux des pays à travers le monde, y compris Maurice. Les investisseurs sont en mode d’attente car les règles ne sont pas encore définies», fait remarquer Dheerend Puholoo.

Quant à Heman Jeetun, Senior Tax Associate chez Mazars, il est d’opinion que l’impact de l’impôt minimum mondial sur les services financiers sera mitigé dans la mesure où l’on compte peu de multinationales brassant un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros qui opèrent à Maurice. «L’on peut conclure que le secteur du global business ne sera pas affecté actuellement. Néanmoins, suite à l’annonce faite dans le Budget 2021-2022 concernant la création d’un Data Technology Park à Côte d’Or, Maurice planche déjà sur la mise en place d’un Master Plan ainsi qu’une demande de propositions à l’intention d’investisseurs et de promoteurs, surtout sur le plan international. Compte tenu de l’ambition de Maurice de se positionner comme un centre de technologie pour les multinationales de la tech, l’impôt minimum mondial peut être un élément qui pourrait agir comme un obstacle pour attirer les investissements», prévient le fiscaliste.

Commentant l’état d’esprit des investisseurs depuis l’annonce de l’introduction d’un impôt minimum mondial, le Senior Partner de Nexia Baker & Arenson, Swaraj Ochit, fait ressortir que la majorité d’entre eux sont dans l’attente d’informations complémentaires. Si les pays développés poussent pour faire de l’impôt minimum mondial une réalité, il y a néanmoins de la résistance, notamment au niveau du G20.

«Le G20 voudrait l’appliquer plus tôt. Cela dit, il faut qu’il ait l’adhésion de tous ses membres, ce qui est loin d’être gagné. Déjà, des pays comme l’Irlande ont fait comprendre qu’ils ne sont pas d’accord avec le minimal proposé. Il faudrait donc attendre pour voir comment cette situation se décante», soutient Swaraj Ochit, qui indique qu’il faudra d’abord cerner les contours de cette proposition et les détails de l’implémentation. Ce n’est qu’une fois l’enjeu compris que les firmes comptables pourront concrètement évaluer les possibilités de conseils aux multinationales.

Par ailleurs, précise Dheerend Puholoo, il est important de savoir que certains pays comme le Royaume-Uni font pression pour que les services financiers, tels que les banques, soient exclus du nouveau régime fiscal. Il existe aussi des demandes d’exclusion d’entreprise qui satisfont le critère de substance comme requis sous le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting). De même, les fonds de pension et les fonds d’investissement restent en dehors du champ d’application de l’impôt minimum mondial.

LA RÉINVENTION DU SECTEUR

Au vu de tous ces changements réglementaires à la fiscalité internationale, le secteur du global business à Maurice se doit de se réinventer. De par son réseau substantiel de traités et des conventions fiscales, le centre financier offshore mauricien représente une passerelle pour acheminer des fonds vers l’Afrique et l’Inde. Avec une présence en Inde et dans 32 pays d’Afrique, Heman Jeetun explique que l’équipe de Mazars est compétente pour formuler des stratégies efficaces aux investisseurs tout en les conseillant sur les implications fiscales. Reconnaissant que la structuration des investissements soit désormais un processus complexe, il insiste sur la nécessité de mettre l’accent sur la conformité et les aspects réglementaires.

De son côté, Swaraj Ochit souligne que «le nouvel environnement fiscal conçu par le gouvernement prévoit des incitations fiscales appropriées pour les sociétés holding, comme c’était le cas pour l’ancien régime fiscal». Cependant, la différence majeure sous les termes du régime actuel est au niveau de la substance ; les sociétés doivent, en effet, démontrer de la substance pour être éligibles à ces incitations fiscales. C’est dans cette optique que Nexia Baker & Arenson conseille aux clients d’investir dans «la substance au niveau local, avec des employés locaux et un rehaussement du niveau ainsi que de l’éventail des fonctions délivrées à partir de Maurice».

Dheerend Puholoo rejoint le point soulevé par Swaraj Ochit. Face au projet de l’OCDE, plusieurs pays, dont Maurice, ont été contraints de revoir leurs régimes fiscaux préférentiels avec des règles plus strictes. Ces régimes préférentiels fournissent des avantages fiscaux uniquement lorsque certains critères, tels que la substance comme définie par l’OCDE, sont remplis. En s’appuyant sur l’expertise de leurs confrères du monde entier à travers le réseau international de PwC, l’entreprise offre des conseils appropriés afin d’éviter toute mauvaise surprise à leurs clients de la part des régulateurs et autres autorités fiscales.

UN REPOSITIONNEMENT PLUS PORTÉ VERS L’AFRIQUE

Depuis la révision de la convention fiscale avec l’Inde, le secteur du global business se repositionne sur l’Afrique. Actuellement, près de 40 % des nouvelles structures offshore font du business sur le continent africain et certains sont d’avis qu’il faut accélérer ce repositionnement. C’est notamment le cas pour Zaaki Permessur qui estime que la plupart des nouvelles structures sont déjà tournées vers l’Afrique. Pour cause, le Partner Audit & Business Advisory de BDO indique que «de nouvelles licences telles que l’investment dealers licence prennent déjà de l’essor alors que les investisseurs montrent un intérêt grandissant pour le headquartering et la mise sur pied de Family Offices à Maurice». Il dit aussi avoir noté un certain intérêt de la part de plusieurs entreprises locales pour le centre financier rwandais afin de mieux desservir d’autres pays du continent, notamment au niveau de l’Afrique de l’Ouest et du Nord. Encore peu exploités par Maurice, ces marchés offrent de vastes opportunités et ce n’est qu’une question de temps avant que d’autres opérateurs locaux ne commencent vraiment à s’y intéresser.

Soulignant cette concurrence qui se développe au sein de l’Afrique, Dheerend Puholoo est toutefois d’avis que le continent offre des opportunités d’investissement lucratives. Se basant sur les récents rapports, il confie que Maurice est plutôt bon élève comparé à nos homologues africains. Grâce à la facilité d’y faire des affaires, le contrôle des changes, les infrastructures ainsi que notre solide réseau de conventions fiscales et notre adhésion aux accords de l’African Continental Free Trade Area, l’on peut se positionner comme une porte d’entrée idéale vers l’Afrique. Même si les changements autour du projet BEPS et les discussions autour du Pillar 2 – Tax Challenges Arising from Digitalisation posent de véritables défis, il confie que «nous n’avons d’autre choix que de nous réinventer continuellement et maintenir notre statut de juridiction de substance est une des solutions au problème». Quant à Heman Jeetun, il tient à rappeler que Maurice a été le principal véhicule d’investissement direct étranger en Inde pendant plusieurs années. Suite aux modifications récentes au traité Maurice-Inde, certains pays comme les PaysBas ou Singapour possèdent des structures plus efficaces, ce qui a causé un ralentissement de l’investissement sur la scène locale. Avec la réinvention du Special Purpose Fund et l’introduction de la législation des Sociétés aux Capitaux Variables, le gouvernement a pris des mesures pour consolider notre repositionnement en tant que juridiction privilégiée pour l’investissement en Afrique. De plus, le fiscaliste de Mazars confie qu’avec l’Accord de Libre-échange Maurice-Chine (le tout premier pacte de libre-échange que la Chine a ratifié avec un pays africain), l’on pourrait très prochainement devenir le passage d’investissement préféré entre la Chine et l’Afrique.

Commentant cette diversification des activités du global business sur le continent africain, Swaraj Ochit est, lui aussi, en faveur d’une accélération de ce repositionnement. Reconnaissant que la relance du régime Special Purpose Fund est un pas dans la bonne direction, il confie qu’il est également temps de «commencer à réfléchir à une meilleure diversification sur l’Asie et l’Amérique latine». Par la même occasion, il en profite pour déclarer qu’il ne faut pas, non plus, négliger le marché indien, qu’il estime «toujours fertile malgré les changements au niveau de la convention». Le spécialiste de Nexia Baker & Arenson est rejoint sur ce point par Dheerend Puholoo. Pour cause, ce dernier s’appuie sur l’article 11 du traité, à savoir, les intérêts et la retenue d’impôts à la source à hauteur de 7,5 %, pour souligner que Maurice a toujours une position plus compétitive par rapport à d’autres pays.


Dheerend Puholoo (Tax Leader, PwC) «Ce ne serait pas surprenant que notre Global Business sector pâtisse du Global Minimum Tax»

Dheerend Puholoo (Tax Leader, PwC)

Dheerend Puholoo (Tax Leader, PwC)

Abordant les changements à venir dans le secteur du global business, dheerend puholoo, tax leader à pwc mauritius, décortique l’impact de ces nouvelles mesures qui affecteront maurice.

Dans quelle mesure l’inclusion de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne impacte-t-elle le secteur du global business ?

L’inclusion de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne a certainement eu un impact énorme sur le secteur mondial du global business. Elle a grandement terni la réputation de notre pays en tant que juridiction d’investissement fiable et solide, incitant à une vigilance accrue sur les fonds qui transitent par Maurice. Ainsi, le transfert de fonds devient plus fastidieux, ce qui a un impact négatif sur les flux d’investissements et de nouveaux IDE, avec un effet domino sur le Forex.

Les investisseurs recherchent de plus en plus des juridictions solides et stables, et rester sur la liste noire n’aide certainement pas Maurice à figurer parmi les pays de premier choix pour investir à l’étranger. Il est vrai qu’au milieu de la pandémie, il n’est peut-être pas possible d’évaluer l’effet réel de la liste noire, mais les indicateurs pointent déjà vers une réduction du nombre de nouvelles entreprises à Maurice.

Plus tôt nous sortirons de la liste noire, mieux ce sera. Le GAFI a déjà reconnu les efforts déployés par Maurice pour mener à bien son plan d’action visant à renforcer ses réglementations d’AML/CFT. Nous espérons que le pays sera radié de cette liste du GAFI en octobre 2021 à la suite des visites sur place. Pour aller de l’avant, rester en dehors des listes grises ou noires devrait être la norme pour Maurice !

L’impôt minimum mondial touchera surtout les multinationales de la tech. Quel devrait être l’impact sur le secteur du global business ?

Le concept du Global Minimum Tax a été lancé en partant du principe que les multinationales exploitent des lacunes dans le système fiscal international pour payer moins ou pas d’impôt dans les pays où elles ont des opérations stratégiques orientées clients, à savoir les multinationales de la tech. Alors que nous avons encore besoin de clarté sur sa mise en œuvre, le Global Minimum Tax s’appliquera aux entreprises numériques, mais aussi à celles en contact direct avec leurs clients (ayant un chiffre d’affaires d’au moins 750 millions d’euros). Il existe cependant d’autres propositions sous le Pillar 2, mais l’on se demande si un taux conventionnel inférieur pourrait être contesté. Ce ne serait alors pas surprenant que notre Global Business sector en pâtisse.

Certains pays comme le Royaume-Uni font pression pour que les services financiers, tels que les banques, soient exclus du nouveau régime fiscal. Il existe aussi des demandes d’exclusion d’entreprise qui remplissent le critère de ‘substance’ comme requis sous le projet BEPS. Ces initiatives aideront certainement le commerce mondial à s’y retrouver. Toutefois, il faudra attendre l’issue des discussions. Par ailleurs, il faut savoir que les fonds de pension et les fonds d’investissement restent en dehors du champ d’application du Global Minimum Tax.

Comment accompagnerez-vous les multinationales qui seront concernées par l’impôt minimum mondial ?

Les règles fiscales changeront à la suite de cette introduction. En tant que fiscalistes, nous devrons accompagner nos clients dans leur démarche pour se conformer aux nouvelles règles. De plus, il faudra comprendre et respecter les conditions d’exclusion. C’est là où nos compétences seront utiles à nos clients.


Madhavi Ramdin-Clark (Market Head, ACCA Mauritius) “Les experts-comptables ont un rôle important à jouer dans le nouvel environnement fiscale”

Madhavi Ramdin-Clark (Market Head, ACCA Mauritius)Face aux changements réglementaires à la fiscalité internationale, les experts-comptables doivent souvent actualiser leurs connaissances. Acca maurice, en tant qu’institution formatrice de niveau international, revient sur les compétences nécessaires pour se conformer aux normes internationales.

Le global business doit se réinventer au vu des changements réglementaires et à la fiscalité internationale. Aujourd’hui, le maître mot est la conformité. Au niveau de l’ACCA, comment est-ce que vous aidez vos membres à acquérir les outils pour mieux accompagner les sociétés internationales implantées à Maurice ?

La qualification et le programme Continuous Professional Development (CPD) de l’ACCA apportent aux membres ACCA la formation et les compétences nécessaires à l’accompagnement des firmes internationales à Maurice. Les membres ACCA doivent respecter le programme CPD chaque année pour conserver leur statut d’expert-comptable ACCA. Cela permet de mettre à jour leurs connaissances et leur compétence.

Les critères autres que techniques font aussi partie des éléments incontournables de la formation et du programme CPD de l’ACCA. Par exemple, le respect de l’éthique est une condition sine qua non pour obtenir et conserver le statut de membre ACCA. Ceci est d’autant plus important dans certaines spécialités, telle la fiscalité. L’association de connaissances techniques et de pratiques éthiques est nécessaire. Fournir des conseils en fiscalité implique, par exemple, de connaître les paramètres du système fiscal concerné, les responsabilités du contribuable et les conséquences en cas de non-conformité, mais cela demande aussi de pouvoir conseiller le client d’un point de vue éthique, notamment pour les plans stratégiques et les responsabilités et sanctions qui sont associés aux choix qu’il réalise. L’accompagnement en fiscalité comprend aussi toutes les formes de taxes, nationales et internationales, qu’il s’agisse de TVA, de la taxe sur les produits et services (TPS), et les taxes indirectes sur les entreprises ayant diverses structures.

Maurice fait partie des 131 pays de l’Inclusive Framework à avoir ratifié la déclaration de l’OCDE pour instaurer un impôt minimum mondial de 15 %. Concrètement, cette réforme fiscale internationale devrait entrer en vigueur en 2023. Quelles seront ses implications sur le secteur du global business et comment s’y préparer ?

Ce secteur doit se préparer au changement. Il devra s’assurer de se mettre en conformité avec les nouvelles réglementations qui seront cohérentes avec cette évolution et être prêt à opérer dans le nouvel environnement fiscal prévu à partir de 2023. Les experts-comptables ont d’ailleurs un rôle important à jouer à ce sujet, surtout au égard à la confiance qu’inspireront les systèmes fiscaux. L’ACCA a publié en 2019 un rapport conjoint avec l’IFAC et CA ANZ intitulé G20 public trust in tax Surveying public trust in G20 tax systems. Ce rapport était basé sur une étude réalisée dans les pays du G20. Il indiquait qu’une majorité des sondés estimait que le rôle des experts-comptables contribue à l’amélioration des systèmes fiscaux en les rendant plus efficaces et performants (pour environ 57% des participants) et plus justes (pour 51 % des sondés).

Au niveau de l’ACCA, avez-vous revu votre curriculum compte tenu de l’importance accordée à la conformité et aux changements à venir concernant la fiscalité internationale ?

La pertinence et l’utilité de notre formation dans le monde d’aujourd’hui et de demain sont au coeur du développement et de la mise en œuvre du curriculum de l’ACCA. Nous faisons donc régulièrement une analyse et une révision de ce curriculum afin de nous assurer que les changements qui interviennent ou qui sont prévus dans diverses spécialités, dont la fiscalité, soient intégrés à notre formation.


Galvin Ramsamy (Commercial Director, JurisTax) “Le centre financier mauricien possède des avantages non fiscaux conséquent”

DEPUIS la révision du traité fiscal avec l’Inde, l’on a assisté à un repositionnement du secteur du global business sur l’Afrique. Même s’il confirme ce positionnement pour le continent africain, Galvin Ramsamy tient à faire ressortir que notre convention fiscale avec l’Inde reste attractive pour les investisseurs. Avec plus de 15 DTAA et IPPA signés avec les pays africains, les réglementations du COMESA et de la SADC amplifient notre position d’investissement en Afrique.

Pour le Commercial Director de JurisTax, un nombre important d’entreprises locales et internationales ont mis en place une stratégie africaine au cours de ces cinq dernières années. En parallèle, des investisseurs africains, y compris la diaspora, veulent développer le continent en considérant des opportunités hors-Afrique, dont le mouvement est démontré par le nombre de fonds impactés. Cependant, sans une réelle compréhension des enjeux au niveau de l’Afrique continentale et une détermination pour promouvoir la juridiction mauricienne, Galvin Ramsamy estime que l’on risque «malheureusement de rater le coche et de nous faire dépasser par d’autres centres financiers tels que le Kigali International Financial Centre ou même les Émirats arabes unis».

Face à l’introduction prochaine de l’impôt minimum mondial, le spécialiste de JurisTax relativise en expliquant que cette mesure n’a pas vraiment impacté le mood des investisseurs intéressés ou opérant dans notre juridiction. En effet, de par les critères dégagés par les deux piliers de cette réforme, le gros de notre clientèle internationale (des fonds d’investissements, des gestionnaires de portefeuilles, des start-up) n’a pas vraiment le profil des investisseurs qui seront impactés d’emblée, à savoir les géants de la tech et d’Internet.

Maurice ayant déjà harmonisé son système fiscal avec un taux d’imposition nominal à 15 % (et un taux effectif de moins de 15 % dans certains secteurs), Galvin Ramsamy est d’avis que «toutes les entreprises opérant à Maurice ne ressentiront pas le fardeau si l’on s’y prend correctement». Pour cela, il faudra faire pression pour exclure les entreprises ayant une substance économique appropriée pour éviter que ces dernières ne payent des impôts dans deux juridictions si leur taux d’imposition effectif à Maurice est à moins de 15 %. L’impact de cette réforme se fera plutôt ressentir dans des pays tels que l’Irlande, où de grandes multinationales comme Google, Microsoft et Amazon sont présentes.

Cependant, le Commercial Director tire la sonnette d’alarme en indiquant un ralentissement considérable dans les transactions bancaires et l’incorporation de sociétés à Maurice causé par la crise liée à la Covid-19. Avec les prochains changements à venir, il déclare qu’il est impératif de faire comprendre aux investisseurs que la juridiction possède des avantages non fiscaux non négligeables. C’est dans cette optique que JurisTax met en avant notre bilingualité, notre système bancaire et légal robuste, un fuseau horaire idéal ainsi qu’une main-d’œuvre hautement qualifiée. Bien que la mise en application d’accords bilatéraux avec l’Inde et l’Afrique ait donné un nouvel élan à la juridiction mauricienne, Galvin Ramsamy insiste pour que le global business se réinvente en prenant en considération les nouvelles activités qui se libéralisent. À titre d’info, depuis le 7 juillet, Jersey permet aux sociétés et fonds d’investissement de s’engager dans des cannabis-related businesses opérant sous certains paramètres bien précis.


Wasoudeo Balloo (Partner et Head of Tax, KPMG) «L’impôt minimum mondial est une perturbation pour la fiscalité internationale”

Wasoudeo Balloo (Partner et Head of Tax, KPMG)Le global minimum tax risque fort de changer la fiscalité internationale à jamais. Wasoudeo Balloo, Partner et Head of tax chez KPMG, livre son analyse de la situation.

Quelles sont les inquiétudes pour les entreprises par rapport à l’introduction de l’impôt minimum mondial ?

Il faut avant tout savoir que cette taxe à hauteur de 15 % concernera uniquement les entreprises qui ont un global turnover dépassant les 750 millions d’euros. De ce fait, les entreprises qui se retrouvent au-dessous de ce critère seront moins inquiétées. Cependant, il faut aussi faire ressortir que l’OCDE a donné l’autorisation aux pays de décider de leurs propres seuils minimaux, et cela peut nous impacter d’une plus grande manière.

Dans un deuxième temps, il faut s’interroger sur le sort des mesures d’incitation fiscale. Si une entreprise est impactée par le Global Minimum Tax, dans ce cas, les incitatifs fiscaux perdront leur valeur et l’on se retrouvera avec moins de marge de manœuvre. C’est un processus complexe qui ne va pas aider à l’environnement des affaires, avec un coût additionnel pour les entreprises qui devront se conformer aux nouvelles exigences.

Maurice étant une plateforme financière pour investir en Afrique, il serait bon aussi de s’intéresser aux pays africains en voie de développement. Bien souvent, ces derniers utilisent un régime fiscal à faible taux d’imposition pour attirer les investisseurs. Comment préserver cela alors que les pays riches vont taxer ? Il va falloir revoir cela et attendre plus de détails pour connaître quelles mesures d’incitation fiscale vont être permises ou pas.

L’impôt minimum mondial touchera surtout les multinationales de la tech. Quel devrait être l’impact pour le secteur ?

Il y a eu une grande confusion dans la mesure où l’OCDE parlait de taxation en ce qui concerne l’économie digitale. Même si les multinationales de la tech étaient au départ visées par la réforme, la situation a vite évolué et ce sont désormais toutes les multinationales qui vont être impactées. L’introduction de l’impôt minimum mondial est une véritable perturbation au niveau de la fiscalité internationale. Il s’agit ici de bien comprendre les détails et pour cela, il faut un impact analysis pour savoir quels sont les types d’entreprises qui seront affectées, quels seront les critères d’imposition de chaque pays afin de mesurer l’impact sur notre secteur. Il faudra par la suite revoir notre régime fiscal pour se conformer et peutêtre proposer des avantages non fiscaux.

Quel genre d’avantages non fiscaux ?

À mon avis, pour être plus compétitif et attirer les investisseurs, il faut améliorer le coût des affaires, la facilité de faire des affaires ou encore aider les entreprises à venir s’implanter à Maurice. Mis à part un régime fiscal personnel incitatif pour attirer les étrangers-expatriés, il faudrait aussi améliorer le regulatory framework et augmenter le nombre de véhicules et de produits.

Comment comptez-vous accompagner les entreprises touchées par l’impôt minimum mondial ?

Il faut commencer à avoir un dialogue avec le gouvernement et les multinationales pour trouver un moyen de les attirer vers la juridiction mauricienne et transformer ce challenge en une opportunité. Il ne faut pas oublier que l’on possède déjà un régime fiscal harmonisé à 15 % ; certaines juridictions telles que Dubaï n’imposent même pas de taxe et se retrouvent dans une pire situation que nous. Le fait d’être Covid-safe et d’avoir des vols réguliers vers des juridictions clés seront aussi des atouts considérables. Par ailleurs, il faut sortir de la liste noire de l’Union européenne le plus vite possible.

Quel a été l’impact sur le secteur depuis l’inclusion de Maurice sur la liste noire ?

Beaucoup de nos clients ont demandé des clarifications. Si l’on a pu retenir la majorité d’entre eux, certaines entreprises ont préféré partir pour se restructurer ailleurs. Cette inclusion a aussi causé des soucis opérationnels avec les banques qui prennent plus de temps à effectuer une diligence lors des transferts d’argent. Le plus tôt qu’on sorte de la liste, le mieux le secteur se portera.


Martine Ip (Partner, Kemp Chatteris) «Maurice devra offrir des services plus efficients et sophistiqués

KEMP Chatteris offre des services d’audit et de fiscalité aux investisseurs souhaitant investir en Inde ou en Afrique. Avec une emphase particulière sur l’efficience des services ainsi qu’une adaptabilité aux demandes des clients, Martine Ip indique que les investisseurs privilégient notre juridiction pour sa stabilité et les compétences disponibles à Maurice. Cependant, depuis l’inclusion de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne, la Partner de Kemp Chatteris confie avoir noté une certaine baisse dans la création de nouvelles structures. De plus, lorsque les entreprises mauriciennes effectuent des transferts vers les banques européennes, ces dernières effectuent un enhanced due diligence, ce qui retarde les transferts et augmente les coûts opérationnels. Face à la prochaine introduction d’un impôt minimum mondial, Martine Ip joue la carte de la prudence en expliquant qu’il y a «encore beaucoup d’étapes à franchir avant que cette mesure ne devienne une réalité». Du côté des investisseurs, le mood est plutôt au wait and see. Dans l’éventualité où l’impôt minimum mondial sera introduit, elle estime que «plusieurs sociétés de global business existant purement pour les avantages fiscaux n’auront plus leur raison d’être». Au niveau de Maurice, elle fait savoir que l’on devra offrir des services plus efficients et sophistiqués si l’on veut survivre. Par ailleurs, face à la nécessité de se réinventer depuis la révision du traité fiscal avec l’Inde, beaucoup d’entreprises du secteur du global business se sont repositionnées sur le continent africain. Commentant cela, Martine Ip confirme travailler en étroite collaboration avec des firmes d’audit africaines grâce à leur réseau international Leading Edge Alliance, et ce, même si c’est plus difficile d’obtenir des informations financières des sociétés africaines.


Heman Jeetun (Senior Tax Associate, Mazars) : Certains centres financiers perdront leur compétitivité

REVENANT sur l’introduction prochaine de l’impôt minimum mondial, Heman Jeetun explique que ce dernier a d’abord été proposé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Suite à la proclamation de la Biden Tax, une mesure qui vise à taxer les bénéfices dérivés à l’étranger par des entreprises américaines à un taux minimum de 21 %, le Global Minimum Tax a pris de l’ampleur pour être ratifié en juillet 2021.

En effet, 131 pays et juridictions, dont Maurice, ont adopté cette réforme internationale, malgré le fait que certains membres de l’Inclusive Framework ne l’ont pas encore fait. Quant au plan de mise en œuvre, le Senior Tax Associate de Mazars Mauritius estime qu’une «législation type avec des orientations et un traité multilatéral sera présentée et finalisée d’ici octobre 2021». Ainsi, le taux d’imposition minimum mondial de 15 % devrait normalement entrer en vigueur à partir de 2023.

Abordant le sentiment des investisseurs depuis l’annonce de l’introduction de cet impôt minimum mondial, Heman Jeetun indique que cela est un inconvénient majeur pour «de nombreuses juridictions en développement utilisant un faible taux d’imposition comme moyen pour attirer les investisseurs». Après la réforme de Joe Biden, l’impôt minimum mondial est désormais une réalité qui affectera les investisseurs du monde entier. Pour cause : un taux d’imposition compétitif était l’un des principaux attraits pour les investisseurs ; la suppression de ce facteur de l’équation aura définitivement un effet sur le résultat.

Depuis son inclusion sur la liste des juridictions sous surveillance accrue par le Groupe d’Action Financière (GAFI), l’attractivité de Maurice en tant que centre financier avec un faible taux d’imposition avait déjà pris un coup. Avec cette nouvelle taxe, Heman Jeetun confie qu’envisager «des juridictions en développement pour l’investissement peut devenir moins attirant».


Zaaki Permessur (Partner Audit & Business Advisory, BDO) «Les juridictions seront sur un pied d’égalité au niveau fiscale

L’INTRODUCTION de l’impôt minimum mondial pourrait apporter plus d’opportunités pour Maurice. Reconnaissant que cette nouvelle mesure va redessiner les contours du secteur pour toutes les juridictions concernées à travers le monde, Zaaki Permessur tient toutefois à souligner que «toutes les juridictions seront désormais sur un pied d’égalité sur le plan fiscal». Dans le cas de Maurice, l’offre de notre juridiction va bien au-delà des avantages fiscaux.

Pour le Partner Audit & Business Advisory de BDO, cela équivaut à plus de d’opportunités à saisir dans le sens où Maurice se positionne comme un «centre financier international doté d’un système économique et politique stable, avec un fuseau horaire avantageux, un bon niveau de facilitation des affaires ainsi qu’un capital humain bilingue». Vu que l’avantage fiscal n’est plus la seule préoccupation des investisseurs qui sont de plus en plus nombreux à adhérer à l’Environmental, Social and Governance Reporting, Maurice peut se positionner comme une juridiction de choix de par ses nombreux atouts.

Commentant l’impact de cette nouvelle taxe mondiale, Gilbert Seeyave, Tax Partner de BDO, tient à faire ressortir que «cette mesure ne touchera pas uniquement les multinationales de la technologie, mais toutes les multinationales peu importe le secteur, sauf celles opérant dans le domaine extractif et les Regulated Financial Services». Même si l’impôt minimum mondial pourrait ne pas directement impacter le secteur du global business à Maurice, le Tax Partner de BDO se montre prudent, car l’OCDE pourrait demander à Maurice d’éliminer toutes les exemptions partielles, «ce qui représente 80 % des revenus exemptés d’impôt introduits ces dernières années».


Swaraj Ochit (Senior Partner, Nexia Baker & Arenson) «Un impact moindre sur la juridiction mauricienne»

L’INCLUSION de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne a impacté la réputation de notre centre financier au niveau international. Pour Swaraj Ochit, qui soutient que l’image est un facteur primordial dans la décision d’une multinationale de venir s’implanter à Maurice, les fonds d’investissement ayant des institutions gouvernementales européennes comme investisseurs, ont ainsi eu des difficultés pour continuer à attirer.

Outre le fait que certains investisseurs ont déjà commencé à élire domicile dans des juridictions européennes, notamment au Luxembourg et aux Pays-Bas, le Senior Partner de Nexia Baker & Arenson note que l’autre difficulté se situe au niveau bancaire. En effet, il indique que les transferts de fonds entre l’Europe et Maurice sont «plus douloureux à effectuer, avec des vérifications supplémentaires au niveau des banques européennes et, dans certains cas, des refus catégoriques».

En ce qui concerne l’introduction prochaine de l’impôt minimum mondial, Swaraj Ochit estime que cette mesure devrait avoir un impact moindre sur la juridiction mauricienne étant donné que le communiqué du G20 évoque un chiffre d’affaires global minimum de 750 millions d’euros par an. Interrogé sur l’accompagnement qui sera nécessaire pour les multinationales concernées, le Senior Partner déclare qu’il est trop tôt pour se prononcer : «Il faudra d’abord comprendre les contours de cette proposition et les détails de l’implémentation. Une fois les enjeux compris, l’on pourra alors évaluer les possibilités de conseils aux multinationales».

Au niveau du mood des investisseurs, le spécialiste de Nexia Baker & Arenson relativise en expliquant que les investisseurs sont majoritairement dans l’attente d’informations complémentaires. Pour Swaraj Ochit, la réunion plénière du G20 vers le mois d’octobre fournira plus de réponses à toutes ces interrogations.

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