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COVID-19 : Journal d’une Mauricienne confinée, J-15

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COVID-19 : Journal d’une Mauricienne confinée

10 heures. Bah quoi, y’en a qui vont se coucher très tôt le matin ! Je vérifie si mon petit minois est toujours le même depuis hier. Le miroir, qui bouge au gré du ventilateur, me donne un reflet un peu flou. J’arrive quand même à discerner une frange en pétard à laver et à mettre en forme au plus vite pour ne pas déprimer toute la journée et ne pas exiger qu’on recouvre tous les miroirs d’un drap pour ma santé mentale.

 

11 h 16. Mon baril de thé et quelques pages de bandes dessinées gore terminés, je traîne mon corps jusqu’à la salle de bains. Franchement, ce confinement va finir par me transformer en une vraie version de moi-même : un être faisant complètement fi des horaires socialement acceptables.

 

Midi. Mini-shampooing matinal de la frange (le front, ça produit beaucoup plus de sébum que le cuir chevelu), suivi du séchage-lissage. Après des semaines sans passage chez ma coiffeuse, elle dépasse légèrement mes sourcils… Et ça ne s’arrêtera pas de pousser. Vu que le confinement est allongé, une décision vitale s’impose…

 

12 h 37. Je préfère manger et prendre des forces avant d’affronter le lourd choix que j’ai à faire. Au menu : pâtes et rougail de sardines. Miam ! On n’est pas toutes fans de viande ou de poulet, hein !

 

13 h 15. Je me vautre dans mon lit avec une infusion à la menthe pour terrasser la sardine. Je lance un épisode de Freud. En attendant, l’écran noir reflète ma mine dépitée et ma frange, longue comme un jour sans fin…

 

15 heures. To cut or not to cut, that is ze question.

 

15 h 33. L’heure ultime a sonné. La main un peu tremblotante, j’attrape les ciseaux. Il me faut un peigne. Peigne, peigne, es-tu là ? Où est ce maudit peigne à queue ?! Le voilà entre les foulards à cheveux que je ne porterai pas avant deux semaines encore ou plus. Je coiffe ma petite touffe frontale et pendant que le peigne sépare les brins, j’approche les ciseaux et fait sauter les pointes…

 

15 h 40. Aller encore un petit peu, si on coupe autant le faire bien pour éviter de revenir à cette besogne stressante trois jours après…

 

16 heures. Tout semble correcte, la frange est à peu près à 5 centimètres des sourcils.

 

16 h 17. Je décide de relaver ma nouvelle frange pour ôter les minuscules bouts de cheveux qui traînent.

 

16 h 30. Je procède au séchage. Mon reflet dans le miroir me rappelle… Ah oui, Jeanne d’Arc prête à livrer bataille et à 100 % sûre que ses cheveux ne gêneront pas sa vision pendant qu’elle décapite ses ennemis. Je suis dégoûtée.

 

18 heures. L’heure de nourrir les chiens. Je m’y attelle. Puis je m’installe dehors pour lire. L’humidité est à son apogée après la pluie. Ma frange, elle, se rebelle : la voilà couronne dentelée.

 

19 heures. Séance de yoga. Il fait chaud. Je maudis les ciseaux. Allez, respire !

 

20 h 31. Je prends une douche, mais j’abandonne l’idée de lisser une nouvelle fois ma désespérante ‘varangue’.

 

21 heures. Sur mon lit avec mon baril de thé et des cookies à l’avoine et au beurre de cacahuète. C’est l’heure de netflixer. Je remarque quelques brins de cheveux au sol. Je balaierai demain. Finalement, cette coupe maison n’aura servi qu’à foutre du bordel et à me donner un look de caniche.

 

23 heures. J’ai adoré mon film, I don’t feel at home in this world anymore. Humour noir et Elijah Wood en amoureux à l’esprit un peu absurde. Joli cocktail ! Je continue Freud.

 

1 heure. Mes yeux se ferment doucement. À partir de demain, je commence l’opération repousse : huile de coco à fond et massages circulaires. En espérant qu’à la reprise, ma frange aura atteint une longueur plus esthétique. 


Illustration : Pinterest