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Essentielle

Covid-19 : Journal d’une Mauricienne confinée, J-2

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Covid-19 : Journal d’une Mauricienne confinée

5 h 42. J’ai du mal à me réveiller. Faut dire qu’hier, j’ai passé la journée à zoner sur le canapé. Zoner. Ce n’est peut-être pas le bon mot. J’ai pris du temps pour moi. J’ai lu et je me suis avachie devant une super série. Mon corps a zoné ; pas mon cerveau !

Donc, ce matin, yoga, séance de stretching et une demi-heure de vélo elliptique. Sinon je vais traîner mon corps comme un boulet. Allez hop ! On se bouge ! Je traîne des pieds. Les règles n’aident pas. Je m’obstine. Le mental est plus fort que le physique, me répète sans cesse Nath, ma prof de yoga. Je m’accroche. J’arrive à boucler ma demi-heure de vélo. 10 kilomètres et la sueur qui dégouline. J’enchaîne avec une demi-heure de yoga. Je m’apaise. Je respire. Ça n’a pas de prix.  

8 heures. Dehors un beau soleil dans un ciel bleu limpide.  Les oiseaux chantent. L’herbe du jardin est encore plus verte qu’hier. Pas moyen de sortir faire du kayak : nous sommes confinés. Le pays est confiné. Le monde est à l’arrêt. C’est la fête ! J’écoute les nouvelles. Toujours le même sentiment d’étouffement. Je suis agitée de l’intérieur. Vite, une douche, histoire de me remettre les idées en place.

9 heures. Comment donner du sens à ce confinement ? Je sais que c’est pour la bonne cause, mais tout de même : 13 jours encore à tenir. 13 jours ! Mon esprit vagabonde. Je tourne sans cesse devant les placards et le frigo. L’heure du petit-déjeuner sonne. Les oranges me rafraîchissent. Il m’en reste suffisamment pour tenir encore deux jours. Puis, il faudra sortir pour faire quelques courses. Je me pose. Pas de journal à lire. J’écoute Souchon. Sa vraie fausse désinvolture, ses mélodies, sa voix sont autant d’antidotes à mon agitation.

11 heures. Retour au sport. Ou au ménage. Et si je faisais des cookies ou des crêpes ! Bon sang, je n’y arriverai jamais ! Bref, le ménage, la lecture, puis la télé. Ça devrait calmer mes nerfs. Je soupire : pas moyen de penser à être raisonnable ou disciplinée. Pourtant il va bien falloir. Sois responsable, me dis-je. Pense aux autres. «En participant aux efforts de lutte contre la maladie vous réduisez le risque de contracter ou de propager le COVID-19», peut-on lire sur le site de l’Organisation mondiale de la santé Puisque c’est un acte d’amour, je me résigne.

13 heures. Mon chat réclame ses croquettes. Je m’exécute. Lui ne court aucun risque et peut sortir autant que cela lui chante. La chance ! Je le regarde manger. Il dévore. Penser à autre chose. Bon, je vais lire, après je ferai le ménage et je rangerai. Je dois m’occuper. M’occuper pour ne pas m’ennuyer. Ne pas m’ennuyer pour ne pas sombrer. Que le temps est long quand on n’a presque rien à faire. Ah, ce maudit virus !

15 heures. Allez, j’appelle les copines ! Je prends des nouvelles. J’ai besoin de rire un bon coup. Virginie est mon remède contre l’ennui. Elle multiplie les activités pour occuper Élie, sa fille de deux ans. Les entendre me fait grand bien. Elles ont fait un atelier pâtisserie. De chez moi, j’hume le parfum du gâteau au chocolat, qui gonfle dans le four. «Yien !» (Viens). Élie me réclame. Mon cœur s’émeut. J’ai très envie de la voir, mais je me retiens. S’il lui arrive quoi que ce soit, je ne me le pardonnerai jamais.

17 heures. Je referme mon livre. Après les péripéties de Sylvain Tesson apprivoisant le silence et la solitude dans la forêt de Sibérie, j’ai enchaîné avec un polar. J’ai besoin d’explorer un autre univers. Je sors faire un tour dans le jardin, puis je me poserai devant un bon film. Pourquoi pas Contagion de Steven Soderberg ? (MDR) !

19 heures. To dine or not to dine ? Telle est la question. Je n’ai pas faim. J’attends. Regarder Soderberg n’était pas une bonne idée. Cela confirme que la réalité a largement dépassé la fiction. Je vais revoir Thelma & Louise : définitivement meilleur pour ma santé mentale ! Mais avant, je bricole une salade avec le reste de carottes et de laitue. Du fromage, des fruits et mon plateau repas est prêt.

21 heures. Après la douche, je passe quelques minutes devant les chaînes d’information en continu. La galère est mondiale. Quand se terminera ce cauchemar ? Pas moyen de savoir. Autant retrouver les détectives Carol Jordan et Tony Hill. Fuir la réalité c’est mieux que psychoter. J’espère vite m’endormir. Demain est un autre jour. Un autre jour à l’arrêt.


Crédits : LuppiChan