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Covid-19 : Journal d’une Mauricienne confinée, J-3

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Covid-19 : Journal d’une Mauricienne confinée

08 h 34. Comme prédit, le verre de vin rouge de la veille ne m’a pas réussi. J’ai mal dormi et j’ai chaud. Tout ça parce que c’était le seul alcool qui traînait dans le placard et que je me suis dit qu’en temps de confinement, on ne va quand même pas faire de chichi. Sauf qu’on va en faire finalement ! Pas de FB ni d’Insta pour ne pas rajouter une couche «covidienne» à ma mini-gueule de bois. Le thé qui coule dans ma gorge est un nectar des Dieux. J’attrape ce livre que je n’ai pas eu le temps de retourner à la bibliothèque avant d’être confinée. Ça tombe bien, je ne suis qu’au début. Deux ou trois chapitres d’un truc policier bien sombre. Miam, y’a pas de petit-déj’ plus délicieux !

 

10 heures. Ça y est, je craque. Je fais défiler le fil d’actu. Poutine menace d’emprisonner pendant cinq ans ceux qui ne restent pas chez eux. Un pouce. Poutine relâche des lions et des tigres pour… Bon ça fait sûrement partie de la horde de «fakes news»… Mais bonne idée quand même, donc pouce.

 

10 h 15. Je décide d’aller laver ma petite caisse. La mettre en marche ne serait pas du luxe. J’en ai entendu des histoires de batteries qui rendent l’âme après des jours d’inactivité. Je ne laisserai pas l’apocalypse pénétrer ton système ma Mireille. J’arrive ! Il fait trop chaud. Je me ravise. Non sans avoir fait tourner le moteur et sorti les tapis que je lave à l’ombre. À défaut de laver l’auto, je décide de donner le bain à mes deux bébêtes poilues.

 

11 heures. Le premier à passer sous mes mains expertes est mon bichon aux dreads naissants. Après être passée sous les ciseaux (à défaut d’un toiletteur pro), la petite teigne est shampouinée, puis rincée. Je sèche Toffee et fais entrer la grosse Dora, mon labrador, dans le carré de douche. Elle s’affale et se laisse faire. Quand elle fait ça, j’ai du mal avec le ventre. Allez, on va y arriver. Hiiiieeeeennnnggg !

 

12 h 30. Les deux courent dans le salon comme des enragés. Question à mille roupies : pourquoi les chiens sont pris de folie furieuse après chaque bain ?

 

13 h 36. À table avec ma mère, mon beau-père et mon frère. Au menu, curry de poulet servi avec des «rotis» extra-feuilletés. Oui, elle maîtrise enfin la recette ma mère ! Il y a de cela un an, on pouvait assommer les gens avec ses soucoupes farineuses. En dessert, un petit pot bébé pomme-banane pour moi. Bah quoi, c’est de la compote de fruits après tout. Et il n’y a pas écrit «Réservé aux édentés de 40 cm» ! Ah si, juste sur le côté tout en bas. Mais bon, on va faire celle qui n’a rien vu.

 

14 h 27. Petite partie de scrabble assez tumultueuse : ma mère qui râle car le scrabble version française ce n’est pas du scrabble ; mon beau-père et moi qui infligeons une raclée monumentale aux deux autres joueurs. Je termine avec 150 points et remporte la partie. Gryffondor gaaaagne !

 

15 h 29. Dehors c’est le calme plat. Comme un dimanche de congé public. Non, en fait, c’est bien plus silencieux que ça. Une paix irréelle. J’entends même le bruissement des feuilles de «brèdes mouroum». Je grimpe dans mon lit, attrape mon roman et prend sommeil après quelques lignes.

 

17 heures. Faudrait que je me lave les cheveux. Ils me collent un peu au crâne et commence à sentir le soutif de sport après une séance d’une heure de yoga «vinyāsa». Un peu d’huile de coco sur les pointes, je laisse poser, hop, musique douce et je fais mousser. Même principe que pour les chiens, rinçage, séchage, etc.

 

18 h 30. «Yoga time» comme c’est le cas depuis le début du confinement. Sauf qu’aujourd’hui j’invite mon loulou, ma moitié, à se joindre à moi via «video messenger». Moment tordant, je ris plus que je ne m’exerce. Bon je rattraperai ma séance plus sérieusement demain.

 

20 h 16. Une sensation de brûlure au bas ventre. Non, c’est… Vu que j’ai égaré ma coupe menstruelle (ne me demandez pas comment) et qu’il ne me reste que trois serviettes hygiéniques, va falloir se rendre au supermarché. Zut ! Risquer sa vie et celle des autres pour ça ? Impossible ! «Cup», où te caches-tu ?!

 

21 heures. Moment préféré de ma sainte journée ! Je me transforme en légume, allume la télé et fais défiler ma liste de films. Une énorme tasse de thé et des toasts à la confiture, un peu de beurre de cacahuète et une larme gluante de marmite. «No judging please !» Je choisis «The Platform», une nouvelle pépite, un thriller angoissant et une satire sociale sur l’humanité.

 

23 h 47. Kaput



Illustration : Sarah-Jane Vingta