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COVID-19 : Journal d’une Mauricienne confinée, J-8

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COVID-19 : Journal d’une Mauricienne confinée

Je ne vous fais pas le film du réveil. Il est le même que celui d’hier et sera sans doute le même demain et le jour d’après. J’ai l’impression d’être Bill Murray dans Un jour sans fin d’Harold Ramis. Dans ce film, Phil est contraint de trouver du sens à sa vie afin que ce jour, qu’il revit sans fin, se termine. Comme Phil, j’ignore par où commencer.

Avec le recul, cette production hollywoodienne est bien plus sombre qu’il n’y paraît. J’aimerais faire de ce quotidien confiné une aventure, j’ignore comment ! Je n’aurais jamais imaginé que ne pas conduire me manquerait à ce point ! Même ces files interminables de voitures à 8 heures du mat sur l’autoroute M2 me manquent.  

Assise sur le banc du jardin, je vois danser un papillon. Il est de quelle couleur celui-là ? Ah, la liberté ! Retrouver le goût de l’émerveillement et cette agitation qui ponctuait mes journées avant ce maudit virus. M’habiller pour sortir, frémissante à l’idée de rencontrer quelqu’un qui a une sacrée histoire à me raconter. D’un revers de main, je chasse ces pensées négatives. À quoi bon ruminer ? Ô temps, si seulement tu pouvais accélérer ta cadence pour UNE fois !

Allez, rembobinons pour ne pas faire une fixette sur la situation actuelle. Je vous épargne le déroulé de l’actualité du jour puisque vous le connaissez. Difficile d’y échapper par ailleurs. J’ai beau posé mon téléphone, il y a toujours une notification pour me rattraper. J’en oublie presque que j’ai fait une première commande en ligne pour un ‘vitality basket’ de fruits et que je l’attends depuis 24 heures. Il faut faire montre de patience, ai-je répondu à une amie qui me disait attendre la livraison des deux commandes qu’elle a passées. Depuis sept jours, le Covid-19 nous apprend la patience.  

Je pourrais ranger, nettoyer, astiquer. J’ai fait de sorte que la maison soit propre depuis ces sept derniers jours pour maintenir un semblant de normalité. Aujourd’hui, le cœur n’y est pas. La maison se confond avec le bureau et le bureau avec la maison. Les espaces ne sont plus du tout séparés.

Le télétravail n’est pourtant pas nouveau pour moi. Je dois reconnaître que l’open space bruyant du bureau me manque. Le bruit de certains talons martelant le plancher de notre espace de travail me semble si lointain. Ah, l’odeur du graillon de la cantine…

Stop ! Positive, me dis-je ! Qu’est-ce qui va bien aujourd’hui ? Mes proches vont bien – c’est là que je réalise que je n’ai pas vu mes parents depuis le 2 janvier. Ah ouais, quand même ? Aujourd’hui, je reste chez moi pour mieux les protéger. C’est déjà ça. Je me demande quand je les reverrai et surtout, si je pourrais les embrasser et les serrer…

En même temps, je peux les appeler, les voir à l’écran, je ne vais pas mourir de faim puisque les livraisons à domicile doivent (techniquement) commencer… En parlant de faim, j’en ressens une qui cogne dans mon estomac. Hier soir, c’était des mines Apollo. Obligation de bien me nourrir, aujourd’hui !

Je vais cueillir une branche de ‘karipoulé’ dans mon mini-potager pour ajouter de la saveur à mes lentilles noires. Je vais ensuite faire sauter des légumes surgelés. Une amie m’a soufflé ce menu, hier – comme elle avait raison.

À table, on se régale. C’est frugal mais sympa. Je pense à celles qui ne savent pas quoi faire sauter dans leur casserole… à cette amie dont le commerce risque fort de fermer. Un coup d’œil par la fenêtre de la cuisine : le soleil et le ciel bleu m’extirpent de mes pensées. Tenir. Rester chez soi. S’occuper. Couper les chaînes d’information le temps de rêver. Écouter mon cœur qui bat. La journée s’étire. J’entends le chant des oiseaux. Je tends l’oreille.

Quand tombe la nuit, le silence est presque assourdissant. Couvre-feu oblige ! Même mes chats se tiennent à carreau. Je branche mes écouteurs. Je danse et je voyage dans ma tête. À chaque jour suffit sa peine.


Illustration - DR