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Leadership féminin : Naissance d’une nouvelle génération ?

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Leadership féminin

En première ligne au plus fort de la crise sanitaire, les femmes sont lourdement impactées depuis. Pourtant elles sont nombreuses à redessiner la société par temps de Covid-19. Décryptage.

S’il y a une chose positive à retenir de cette pandémie, qui terrasse le monde, c’est bien qu’elle a donné naissance à une nouvelle forme de leadership féminin. Il n’y a qu’à lire les histoires, qui défilent chaque jour sur la page Facebook Women In Business Mauritius, pour s’en convaincre. 10,4K membres ont rejoint ce groupe privé et chaque jour, ces femmes – des entrepreneures ou aspirantes entrepreneures pour la plupart – racontent les mêmes histoires. Des histoires de survie pour se réinventer, rebondir et avancer.

Shaïma Kaudeer, qui est à l’origine de cette page, crée la société du même nom en 2019. L’objectif : proposer du coaching et de la formation aux femmes qui se lancent dans le monde des affaires. Ses 11 années passées dans le secteur de l’import-export après une formation en sciences politiques et sa percée en Chine, lui donnent envie de transmettre ses acquis.

Shaima Kaudeer

Shaima Kaudeer

Au plus fort du confinement, elle sent que les femmes ont besoin de s’exprimer pour moins subir la crise. Sa page Facebook voit ainsi le jour le 4 avril 2020. «Elle est née de la nécessité de créer une plateforme pour donner aux femmes un ‘lieu’ pour s’exprimer, mais aussi et surtout pour s’entraider.» Et depuis Women In Business Mauritius, une cinquantaine de femmes sont venues toquer à sa porte. «Elles veulent savoir comment faire grandir leur business. Je constate qu’elles refusent le statu quo. Elles veulent être indépendantes et se libérer des contraintes des générations d’avant.»

En fait, ces femmes sont contraintes de s’ajuster pour mener à bien des rôles divers pour un «travail non rémunéré» (NdlR : l’UNICEF indique que le «unpaid work» est 3 fois plus élevé chez les femmes). Quand d’autres sont obligées de trouver des solutions immédiates pour survivre après avoir été licenciées. Plus que jamais, la précarité s’installe.

Valérie ImbertValérie Imbert 

Le ‘gender issue’ capital
L’Organisation internationale du travail indique que 72 % des personnes investies dans le travail à domicile, dont une majorité de femmes, ont perdu leur emploi à cause de la crise-Covid dans l’hôtellerie, les métiers de services et le secteur informel. Ces personnes se retrouvent soit au chômage, soit au chômage partiel.
«Tous les chiffres à l’international confirment que les femmes ont été plus impactées que les hommes. Je ne vois pas pourquoi Maurice serait épargnée… Il n’y aura pas d’economic recovery si l’on ne tient pas compte du gender issue. Il faudrait que les secteurs public et privé conduisent des études pour analyser l’impact de la Covid sur les femmes, sinon nous n’avancerons pas», analyse MarieNoëlle Elissac-Foy, consultante en relations publiques.
Celle-ci, volontaire au sein du collectif Entrepreneurs on the move, anime des séances d’accompagnement pour les femmes qui ont perdu leur emploi depuis la Covid-19. Des femmes qui veulent s’en sortir. «Je retiens leur volonté d’être leur propre leadeuse pour se prendre en main, pour s’autonomiser, s’outiller et avancer malgré les difficultés. Je suis très admirative de ces femmes qui se battent souvent parce qu’elles n’ont pas le choix. Il y a clairement un leadership féminin qui émerge de la précarité», ajoute-t-elle.

Femmes fortes
Discrimination positive

Lillka Cuttaree, directrice du KIP Center for leadership, cite, elle, le dernier rapport de Statistics Mauritius et de la Banque mondiale qui atteste que le taux de chômage chez les femmes est passé de 9,9 % au premier trimestre 2020 à 11,1 % en juillet de la même année. «Une tendance très défavorable à l’émergence d’une vraie politique d’inclusion», commente-t-elle.
«Nous sommes dans une phase où tout changement doit être disruptif», poursuit Lillka Cuttaree. Pour elle, pratiquer la discrimination positive au niveau des entreprises et de la politique pour que la diversité fasse émerger de nouvelles leadeuses, est essentiel. «Il faut plus de role models masculins qui pousseraient l’agenda féminin à l’intérieur des systèmes. Il ne s’agit pas de mentors, mais bien des sponsors capables de façonner plus de leadeuses : CEO, chair persons, ministres et pourquoi pas Première ministre.»
Ce n’est pas une question de compétences, soutient-elle. Les femmes, selon la directrice du KIP Center for leadership, sont souvent plus éduquées que leurs pairs masculins, leur leadership bien plus collaboratif et empathique. Le temps est donc venu d’appeler un vrai changement auprès de nos leaders économiques et politiques en faveur du leadership des femmes.
Le dernier rapport d’ONU Femmes intitulé From Insights to Action : Gender Equality in the wake of COVID-19, indique que la pandémie fera basculer 96 millions de personnes dans l’extrême pauvreté d’ici la fin de 2021. Parmi, 47 millions de femmes et de filles. Ce qui portera à 435 millions le nombre total de femmes et de filles vivant dans l’extrême pauvreté. Les projections montrent que ce chiffre ne retrouvera pas son niveau d’avant la pandémie avant 2030.
Le dernier sondage de la société Straconsult, mené sur le plan national en novembre 2020 confirme, pour sa part, que l’inquiétude est criante. 85 % des personnes interrogées estiment que le Coronavirus constituera un problème grave pour le pays au cours des six prochains mois. Or, nous y sommes.

«Les femmes sont déjà en train de reconstruire un nouveau monde. Elles créent de la valeur économique directe…»

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(Ré)-ajustements
Deux tendances se dessinent depuis la Covid-19 : celles qui se lancent dans des micro-activités, notamment le service traiteur et l’artisanat, pour s’assurer une source de revenus. Et celles qui ont revu leur business models ou qui ont vu dans la crise une opportunité pour enfin se mettre à leur compte. «Ce n’est pas donné à tout le monde de réussir car une bonne idée ne suffit pas. Il faut structurer sa pensée, avoir une vision stratégique, etc. Il faut surtout ne pas hésiter à chercher de l’aide», fait ressortir Marie-Noëlle Elissac-Foy.

Selon Wilson Li animateur de la plateforme Moris50, «les femmes sont déjà en train de reconstruire un nouveau monde. Elles créent de la valeur économique directe. Il faut donc les accompagner et les encourager.» En faveur d’un leadership inclusif, il estime que la nécessité de s’engager pour une société plus égalitaire est une évidence, mais qu’il faut s’en donner les moyens. «Ce leadership inclusif ne se fera pas sans une société civile engagée.»

Dans cette PME d’Ebène créée et dirigée par Noëlle Gourrège, sur les 20 employé.es, 16 sont des femmes. Elles ont été choisies pour leurs compétences techniques dans un secteur scientifique. Ensemble, avec quatre collègues masculins, elles ont consenti à une baisse conséquente de salaire depuis le confinement. «Nous avons fait ce choix pour sauver les emplois et tout le monde a suivi parce qu’il est question de survie. J’ignore si nous allons nous relever, mais cette crise nous prouve que nous sommes résilientes», explique Noëlle Gourrège.
Depuis quelques mois, My Spa, dirigée par Valérie Imbert, a ouvert ses portes à Beau-Plan. La directrice, qui a fait carrière dans la communication et le marketing avant de se mettre à son compte, croit dans son idée de proposer un me time à la population. «J’ai longtemps travaillé dans le Corporate et le Coronavirus m’a confortée dans l’idée qu’il était temps d’amener un peu de sens et de bonheur autour de moi. Depuis, je sors plus heureuse de mes journées de travail.»
Avec sa partenaire Rita Heeralall, le spa marche plutôt bien car elles s’appuient sur un réseau de thérapeutes d’hôtels qui auraient été au chômage technique. Pour Valérie, les femmes sont résilientes et ce, bien avant la crise sanitaire. Elle croit dans un leadership des femmes plus intégré, plus holistique et surtout plus participatif. Pour elle, il est essentiel de continuer à s’entraider pour avancer.

Marie-Noelle Elissac-Foy et Lillka Cuttaree

Marie-Noëlle Elissac-Foy et Lillka Cuttaree

LE SAVIEZ-VOUS ?

Une étude menée par Supriya Garikiopati de l’université de Liverpool et Uma Kambhampati de l’université de Reading sur 194 pays intitulée Leading the fight against the pandemic : Does gender really matter ? révèle que dans les pays dirigés par des femmes (Nouvelle-Zélande, pays scandinaves, Allemagne), la gestion de la Covid-19 a été mieux réussie qu’ailleurs. «Our findings show that COVID-outcomes are systematically and significantly better in countries led by women and, to some extent, this may be explained by the proactive policy responses they adopted. Even accounting for institutional context and other controls, being female-led has provided countries with an advantage in the current crisis.»

Aline Wong, directrice de l’Inattendu Ltée «Le leadership féminin inspire confiance»

Aline Wong

Qu’est-ce que le leadership féminin ?
Une femme leader sait souvent faire preuve d’un savoir être, de bienveillance et d’écoute. Le leadership féminin inspire confiance. Généralement elle adopte un management avec une approche humaine tout en dirigeant avec conviction. Elle est curieuse alors elle travaille sur son développement personnel et se ressource grâce à la formation continue sur les bonnes pratiques pour s’améliorer.

Quid de la situation des femmes à Maurice où les indicateurs économiques font défaut ?
Les répercussions de la pandémie se feront sentir sur la durée. Il y a beaucoup de pertes d’emplois et souvent ces licenciées sont livrées à elles-mêmes. Heureusement il y a le workfare programme, une réponse pour les préparer à rebondir. Les plus vulnérables sont celles du secteur informel : elles ont eu zéro revenu et presque zéro aide pendant le confinement. Il serait opportun de les encadrer par exemple en ce qu’il s’agit de l’agrobusiness, une valeur sûre.

Que dit votre expérience du terrain ?
Les impacts négatifs sur l’économie sont multiples. Le flux du transport est ralenti avec les frontières fermées. Une perte de compétitivité en découle. Sur le marché local, pas de touristes ; donc une baisse en chiffres d’affaires. MAIS il y a aussi une fenêtre d’opportunité : ce monde digital offre de la croissance économique et requiert un comportement plus citoyen. Il faut continuer à produire local, à consommer local. Notre survie en dépend.

Ne faut-il pas une étude sur l’impact socio-économique de la Covid-19 sur les Mauriciennes pour mieux cibler les actions d’accompagnement et de réparation ?
Certainement, surtout que nous sommes une petite population. Les gouvernements successifs n’ont démontré aucune volonté politique pour faire avancer l’égalité femmes-hommes. Il faut poser la question aux politiciennes : quid de leur rôle et de leur engagement à ce sujet ?

Par Martine Luchmun

Photos : Marie-Noëlle Elissac-Foy et Lillka Cuttaree (Essentielle Actives, Valérie Imbert (Sylvain Sébille) & DR.

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