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Madagascar – Tim Dobson : «La mine opérera sur les 25 prochaines années»

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Madagascar - Tim Dobson : «La mine opérera sur les 25 prochaines années» | business-magazine.mu

L’Australien Tim Dobson est à la tête de l’exploitation minière d’Ambatovy depuis 2015. Face à un prix du nickel sous la barre des 10 000 dollars la tonne depuis six ans, cet ingénieur  comptant une trentaine d’années d’expérience dans l’industrie minière garde un moral d’acier.

BUSINESSMAG. Dans quelle mesure le prix du nickel affecte-t-il les opérations d’Ambatovy ?

Le prix du nickel sur le marché mondial est bas depuis quelques années maintenant. C’est un sujet de préoccupation pour toutes les exploitations à travers le monde, y compris celle d’Ambatovy qui aurait dû être rentable. Mais, bien sûr, avec la faiblesse du prix du nickel, nous n’avons pas encore pu parvenir à la rentabilité.

BUSINESSMAG. Les techniques dites «de survie» adoptées par Ambatovy vont-elles s’intensifier ?

Nous avons travaillé très dur pour réduire nos coûts et augmenter notre production. Deux mesures nous ont aidés à réduire nos coûts d’exploitation unitaires et survivre jusqu’à ce jour.

Nous avons dû prendre des mesures drastiques en 2015, dont le chômage technique. Nous travaillons d’arrache-pied afin d’éviter des pertes d’emploi supplémentaires, mais notre objectif principal est de veiller à ce qu’Ambatovy reste viable afin qu’elle puisse poursuivre ses opérations tout au long de la durée de vie de la mine, soit pendant les 25 prochaines années.

BUSINESSMAG. La compression de personnel n’est donc pas à l’ordre du jour ?

Pour le moment, non. Nous avons travaillé très dur afin d’amener notre coût à un niveau stable où nous pouvons maintenir ce que nous faisons maintenant. Le cours du nickel remontera, puisque son prix est cyclique. L’un des avantages d’Ambatovy est que la durée de vie de la mine est longue. Nous pourrons enfin profiter de l’augmentation du prix du nickel quand ce sera le cas.

BUSINESSMAG. Par rapport aux actionnaires, que se passe-t-il au niveau de Sherritt, qui a notamment réduit sa participation ?

Il est vrai que Sherritt a réduit sa participation de 40 % à 12 % d’intérêts. C’était nécessaire compte tenu de sa situation financière. Ce faisant, elle a pu éliminer une dette importante de son bilan, ce qui lui assure une capacité de survie et de croissance continue. Voilà la raison de la réduction de sa participation. La persistance de la faiblesse du prix du nickel y a également contribué.

BUSINESSMAG. Vous demeurez confiant …

La bonne nouvelle est que nous n’avons perdu aucun actionnaire. Sherritt s’est engagée à rester l’opérateur d’Ambatovy au minimum jusqu’en 2024. J’apprécie le fait que les trois actionnaires ont continué à travailler ensemble pour trouver une solution à chaque événement difficile. C’est un joint-venture résistant et collaboratif. De plus, les partenaires restent très confiants et soutiennent le projet tout au long de la durée de vie de l’exploitation.

BUSINESSMAG. De quelle manière se traduit cet appui ?

L’année dernière, les actionnaires et nos banques prêteuses ont conclu un accord qui démontrait une grande confiance de la part des deux parties. Les prêteurs ont accepté de différer le paiement des dettes qui leur sont dues sur trois ans, étant donné que nous sommes dans un cycle de prix à la baisse. De plus, les actionnaires se sont engagés à continuer à fournir des fonds à Ambatovy pendant cette période. C’est une grande preuve de confiance dans le projet de la part de nos prêteurs et de nos actionnaires.

BUSINESSMAG. Vous l’avez dit, Ambatovy devrait opérer sur les 25 prochaines années. Est-ce que ce sera envers et contre tout ?

Si l’exploitation venait à s’écourter, les actionnaires ne pourraient pas obtenir le retour sur leur investissement. Le prix du nickel a atteint son niveau le plus bas depuis 2014 jusqu’aujourd’hui. On prévoit encore une persistance de cette faiblesse, peut-être, pour l’année ou les deux années à venir. Il y a seulement cinq ans, le prix était le double de ce qu’il est actuellement. Le prix du nickel se chiffre autour de US$ 10 000 la tonne alors qu’il y a 10 ans, il atteignait les US$ 50 000 USD la tonne. Nous pouvons donc constater qu’il y a de gros écarts dans les cycles.

BUSINESSMAG. Pourtant, la Banque mondiale prévoit une hausse des prix des matières premières, notamment celui du nickel, pour cette année ?

Les prix des matières premières en général ont augmenté. Celui du nickel a été un peu différent des autres métaux. C’est parce qu’il subsiste un grand stock de nickel raffiné qui n’a pas encore été consommé. Et jusqu’à ce que cela se réduise, nous ne pourrons pas prévoir une hausse des prix sur le marché du nickel car il est un peu différent des autres métaux.

BUSINESSMAG. Où en est la production d’Ambatovy ?

Nous opérons actuellement à 70 % de notre capacité nominale. Nous sommes à ce niveau depuis les deux ou trois dernières années. Notre ambition, bien sûr, est de porter cette capacité à 100 %. Mais c’est un projet très complexe du fait de la technologie utilisée, particulièrement dans l’usine de traitement. Une chose dont nous sommes fiers, c’est que notre production est d’une très haute qualité. En 2015, la qualité du nickel que nous avons produit a rempli les spécifications requises, ce qui a permis l’enregistrement à la Bourse des Métaux de Londres. Depuis, nous avons produit du nickel et du cobalt de haute qualité, qui sont purs à 100 %.

BUSINESSMAG. C’est sur ces atouts que vous misez ?

Oui, nous sommes confiants par rapport à notre technologie et nos installations. Pendant un certain temps, nous avons pu atteindre la capacité de production de 100 %. Aucun défaut fatal n’a été remarqué dans le projet. Nos opérations sont actuellement stables. Nous sommes en train de travailler sur les problèmes techniques afin d’atteindre la capacité maximale de production.

BUSINESSMAG. Quels sont ces problèmes techniques ?

La production de nickel provenant de ce genre de minerai requiert une haute pression et une température élevée, et nous utilisons beaucoup d’acide très corrosif. Les équipements que nous utilisons doivent résister à un environnement d’exploitation très rigoureux. En conséquence, ils nécessitent beaucoup d’entretien. Nous sommes en train d’améliorer la technologie et la fiabilité de nos équipements pour qu’ils fonctionnent à capacité maximale. C’est une technologie assez nouvelle.

BUSINESSMAG. Quels sont les risques que représentent vos activités sur l’environnement ?

C’est vrai que nous avons des problèmes techniques avec nos équipements, mais nous n’exposons certainement pas l’environnement à nos procédés industriels. Nous sommes très fiers d’Ambatovy, de sa qualité, et du fait que nous avons construit nos installations de production selon les normes internationales les plus élevées et les plus strictes. Toutes nos émissions ainsi que nos produits chimiques sont totalement contenus à tout moment.

BUSINESSMAG. Comment qualifiez-vous vos relations avec le gouvernement malgache ?

Nous travaillons étroitement avec l’administration actuelle. Ambatovy s’efforce de maintenir une relation très constante et transparente avec les autorités. En 2015, nous avions dû faire face à un chômage technique. Nous avons maintenu une communication très étroite avec le gouvernement et l’administration du Travail afin de pouvoir gérer cette période nécessaire à notre survie.

Le gouvernement a également aidé en commençant à s’acquitter des arriérés de TVA d’Ambatovy. Cela a certainement été d’une grande aide pour notre trésorerie.

BUSINESSMAG. La part du relevé fiscal constitué par le secteur des industries actives est de 14 %. Qu’en est-il d’Ambatovy ?

Ambatovypaie 40 différentes taxes au gouvernement de Madagascar, y compris celles sur les bénéfices quand nous commencerons à en faire. Ce qui n’est pas encore le cas compte tenu du faible prix du nickel. Bien sûr, nous sommes également soumis aux conditions de la Loi sur les Grands Investissements Miniers (LGIM) et le régime de redevances qui y est rattaché.

Outre ces taxes, nous payons des redevances sur notre production. Nous estimons que notre contribution à la recette de l’État va atteindre environ US$ 50 millions par an pendant les dix premières années de l’exploitation. Notre contribution devrait atteindre les US$ 4,5 milliards pendant toute la durée de vie de la mine.

Notre paiement direct à l’État n’est qu’une des contributions qu’Ambatovy apporte à Madagascar. Les devises étrangères que nous apportons au pays pour soutenir nos opérations représentent en réalité plus de 30 % des rentrées de devises du pays. C’est une contribution majeure pour soutenir l’ariary.

BUSINESSMAG. Que pensez-vous du principe de parité des bénéfices mentionné dans le Code minier ?

Le gouvernement doit avoir ses raisons de vouloir réviser le Code minier. Nous n’avons pas vraiment de commentaire à ce sujet.

BUSINESSMAG. Est-ce à dire que vous adopterez une posture attentiste ?

Ambatovy est couverte par la Loi sur les Grands Investissements Miniers (LGIM), qui lui fournit des mesures de protection et de dispositions spéciales pour les grands investissements. En conséquence, le Code Minier a des effets limités sur Ambatovy. Ce que je voudrais souligner, c’est que Madagascar, dans les grandes enquêtes mondiales sur l’attractivité, ne figure pas dans la liste des pays les plus attractifs. Le gouvernement doit équilibrer l’attractivité avec les exigences pour maintenir sa souveraineté, son intégrité, et les revenus de ses riches ressources. C’est un équilibre que tout pays doit chercher.

BUSINESSMAG. Des rumeurs de corruption courent sur Ambatovy depuis 2012. Qu’avez-vous à dire à ce sujet?

À Ambatovy, nous nous voyons dans un rôle de modèle en ce qui concerne l’éthique et la bonne gouvernance dans la gestion de notre exploitation. En effet, toute corruption, dans tous les domaines de nos opérations, est sérieusement punie dans les pays d’origine de nos actionnaires : au Japon, au Canada, en Corée. Il n’y a donc aucune chance qu’Ambatovy soit impliquée dans des paiements inappropriés. Et notre message est très clair à ceux qui pourraient envisager le contraire : nous n’avons jamais cédé et nous ne céderons pas à de tels comportements.

BUSINESSMAG. Selon la Banque mondiale, le secteur des mines sera l’un des principaux piliers de l’économie malgache. Partagez-vous le même optimisme ?

Oui. Madagascar est riche en ressources, non seulement minières mais également en pétrole et gaz. Cependant, sans investissement, cette richesse ne peut être convertie en prospérité pour le pays. L’investissement doit venir de l’étranger car l’économie du pays n’est pas encore assez forte pour s’engager dans le secteur. Il est donc crucial d’attirer les investisseurs internationaux comme Ambatovy.

Nous voulons démontrer que nous pouvons travailler en collaboration avec les autorités Malagasy et ainsi survivre. Nous sommes ici depuis dix ans et nous allons rester pour les 25 prochaines années. C’est de cette manière que nous nous posons comme modèle pour les investissements internationaux.