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Réunion – Grande distribution : le paysage commercial en pleine transformation

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Réunion - Grande distribution : le paysage commercial en pleine transformation | business-magazine.mu

Depuis 2009, la grande distribution connaît une évolution positive à La Réunion. L’arrivée de nouvelles enseignes a permis de redynamiser la concurrence et de redistribuer les cartes.

Si un Réunionnais retournait dans son île après un exil de 10 ans, pendant lequel il n’aurait eu aucun écho des changements survenus dans la grande distribution, il serait pour le moins déboussolé. Entre les disparitions ou changements d’enseignes et les nouveaux venus, le paysage des grandes surfaces a subi un remodelage qui mérite que l’on s’y attarde. En 2008, avec l’ouverture de son nouveau centre à Saint-André, Système U se présentait encore comme le deuxième acteur réunionnais du secteur. Moins de cinq ans plus tard, les cartes avaient été redistribuées. La Réunion compte 175 384 mètres carrés de surfaces dévolues aux magasins de plus de 300 m2. Concernant la répartition géographique, le Sud concentre le plus grand nombre de grandes surfaces (un peu plus de 35 %), tandis que le Nord et l’Ouest sont au coude-à-coude (un peu moins de 25 % chacun) et loin devant l’Est qui ne franchit même pas la barre des 15 %.

En termes de surfaces exploitées, Vindemia, qui gère les Jumbo Score et Score, reste le leader (avec 31 % des surfaces de vente). Quant au reste du podium, Leader Price (13 %), arrive en deuxième position tandis que Leclerc et Carrefour se disputent le troisième fauteuil (11 % chacun). Auchan occupe la quatrième place (6 %) et Système U la cinquième (5 %).

2009 semble être la date charnière avec l’arrivée de Leclerc sur le territoire réunionnais, une venue qui a coïncidé avec une nouvelle dynamique de la concurrence. En 2014, c’est au tour d’Auchan de s’installer dans l’île, réduisant au passage les points de vente de Système U. Entre-temps, Leader Price, géré par le groupe Caillé, consolidait son réseau de franchisés et Carrefour peaufinait son expansion dans le Sud. Comme Carrefour, Leclerc et Leader Price ont misé sur l’expansion.

Différentes stratégies

Après l’ouverture, en 2014, du centre commercial du Portail, à Saint-Leu, le groupe Excellence, qui accompagne le développement de l’enseigne dans l’île, a des visées dans l’Est et le Sud qui devraient se concrétiser d’ici
à 2018.

De son côté, Leader Price peut compter sur une vingtaine de magasins qui ont accepté de devenir franchisés Leader Price via le groupe Caillé ou en affiliation directe avec le propriétaire de cette filiale, le groupe Casino France.

Pour se démarquer, les centres commerciaux peuvent proposer, en sus des galeries marchandes complétant les hypermarchés, des offres complémentaires comme les espaces culturels. Vindemia a ainsi conclu, l’année dernière, un accord de partenariat avec la grande enseigne Fnac, pour donner un second souffle à ses espaces dédiés aux livres, CD, DVD, auparavant sous l’enseigne Agora. Leclerc, quant à lui, a inauguré son tout premier centre culturel au Portail, à Saint-Leu, en décembre dernier.

Notons également que Jumbo Score a lancé, en 2013, le premier, et le seul pour le moment, service de Drive qui vise les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas faire leurs courses parmi les rayons des grandes surfaces, comme les actifs overbookés, les personnes à mobilité réduite ou encore les habitués des commandes en ligne.

La question des écarts de prix

Dès 2009, l’Autorité de la concurrence, saisie par le secrétaire d’État à l’Outre-Mer de l’époque, Victorin Lurel, pour se pencher sur les mécanismes d’importation et de commercialisation des produits de grande consommation dans les Départements d’outre-mer, pointait un écart de prix considérable avec ceux pratiqués en métropole. «Selon les relevés effectués sur un échantillon d’environ 75 produits importés de métropole dans les quatre DOM, les écarts de prix en magasin avec la métropole dépassent 55 % pour plus de 50 % des produits échantillonnés, un pourcentage trop élevé pour trouver exclusivement sa source dans les frais de transport et l’octroi de mer», soutient l’Autorité.

Une conclusion qui trouve un écho amplifié dans une enquête réalisée par l’association Union Fédérale des Consommateurs (UFC) Que Choisir entre le 23 janvier et le 6 février 2016 (soit près de 7 ans après l’avis de l’Autorité). L’UFC Que Choisir a enquêté auprès de 4 306 magasins et relevé 340 000 prix dans les principaux réseaux de distribution alimentaire, hors hard-discount, en France métropolitaine et dans quelques grandes surfaces des DOM. Le relevé de prix concernait 81 produits de grandes marques ou de marques de distributeurs (MDD) et prenait en considération les familles de produits épicerie sucrée/salée, boissons, laitages, fruits-légumes, viandes-poissons, entretien domestique, produits de soins, autrement dit des produits de consommation courante. Le panier moyen national s’élevait à 352 euros. Précisons que l’enquête s’est limitée à quatre magasins à La Réunion. Ses conclusions sont donc à prendre avec précaution. Les prix relevés dans l’île confirment les conclusions de l’Autorité de la concurrence : les écarts de prix avec la métropole sont importants, soit + 71 % dans l’ensemble.

L’UFC Océan Indien, elle aussi, refuse d’y voir le seul effet des frais d’acheminement, comme le précise ce commentaire de l’association en marge des résultats de cette enquête: «Le transport n’explique pas tout ; envoyer un conteneur de 30 m3 de la France à La Réunion revient à moins de 3 000 €, soit 100 € seulement par mètre cube de marchandise même s’il faut compter aussi les taxes prélevées par les collectivités, comme l’octroi de mer et les politiques des enseignes».

L’autre enseignement que pointe l’UFC, c’est ce qu’elle a observé entre les différentes enseignes ; un hypermarché du Sud de La Réunion est ainsi 58 % au-dessus de la moyenne métropolitaine, un chiffre important mais pas autant qu’un autre supermarché du Sud toujours qui plafonne, lui, à + 82 %.

Ces considérations sont à pondérer par l’étude de l’Insee parue en avril 2016 sur la comparaison des prix avec la France métropolitaine en 2015. L’étude porte sur un ensemble regroupé dans un «panier» qui comprend les dépenses qui peuvent être effectuées en grande surface, mais aussi d’autres types de dépenses comme celles concernant le loyer ou la santé.

L’Institut national de la statistique et des études économiques estime ainsi que s’il gardait son mode de vie, le budget de consommation d’un ménage de France métropolitaine augmenterait de 10,6 % à La Réunion. En sens inverse, l’Insee prévoit que le budget d’un ménage réunionnais diminuerait de 3,6 % s’il vivait en France métropolitaine.

Un écart de prix en grande partie imputable aux produits alimentaires (en moyenne 37 % plus chers qu’en métropole en 2015), même si la droguerie et les produits d’hygiène participent également à alourdir la note. L’écart reste considérable, mais on est loin des 55 % relevés par l’Autorité de la concurrence en 2009. Depuis cette date, mis à part les chiffres alarmants observés par l’UFC, les écarts de prix ont donc diminué. Un effet à mettre à l’actif de la nouvelle dynamique concurrentielle que connaît la grande distribution depuis huit ans.