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Interview Rencontre

Alain Akouala Atipault: « Bâtir un partenariat Sud-Sud entre Maurice et la République du Congo »

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Alain Akouala Atipault: « Bâtir un partenariat Sud-Sud entre Maurice et la République du Congo » | business-magazine.mu

La République du Congo veut s’inspirer du succès de Maurice pour diversifier sa base économique. Son ministre chargé des zones économiques spéciales a passé une semaine dans l’île en vue de rencontrer les industriels mauriciens et d’inviter le Premier ministre à effectuer une visite d’État dans son pays, l’année prochaine.

BUSINESSMAG. Quel est le but de votre visite à Maurice ?

Nous sommes porteurs d’une invitation de notre président à votre Premier ministre pour une visite d’État dans notre pays l’année prochaine. Ce que nous devons voir à travers cette invitation, c’est l’aboutissement de deux à trois années d’échanges et de travail. Des experts mauriciens sont venus au Congo après une visite que j’ai moi-même effectuée en 2010 parce que nous avons l’ambition de diversifier l’économie congolaise qui dépend, à ce jour, du pétrole.

Nous sommes le quatrième producteur de pétrole d’Afrique noire, bientôt le troisième. Il est impératif que nous puissions diversifier la base industrielle de notre économie en tenant compte de la bonne performance que nous enregistrons depuis 10 ans. Notre taux de croissance économique oscille entre 5 % et 8 %, et est estimé à 10,5 % pour l’an prochain.

La République du Congo a un environnement économique convenable qui peut nous permettre d’engager ce processus de diversification de notre économie à travers la création de quatre zones économiques spéciales.

C’est pour cela que nous venons nous familiariser avec l’expérience mauricienne depuis 2010. Après les voyages d’experts mauriciens et des visites d’hommes d’affaires à Brazzaville, qui ont découvert le potentiel de notre pays, on vous invite à mettre en place un accord qui puisse garantir et protéger la double taxation des investissements mauriciens au Congo, ainsi que les investissements congolais à Maurice.

Ensuite, nous avons signé une convention qui permet de créer une collaboration dans la mise en place et le développement d’une zone économique spéciale à Brazzaville avec votre pays. Cette invitation pour la visite d’État est donc l’aboutissement de tout ce travail.

BUSINESSMAG. Recherchez-vous l’aide de Maurice pour développer ces zones économiques ?

Aujourd’hui, sous l’impulsion de la Chine et de l’Inde, qui sont devenues les partenaires incontournables de l’économie mondiale, je dirai que la géographie de la croissance et de la création de la richesse dans le monde a changé. Maintenant, tout le monde s’accorde à dire que l’avenir se trouve sur le continent africain.

L’Afrique, c’est une nouvelle frontière. Mais il ne faut pas s’asseoir sur un slogan ou un discours. Oui, nous sommes le nouvel avenir du monde. Toutefois, comment bâtir cet argument ?

Quel est le mode opératoire ? Quel est le cheminement pour ceci ? Pour la République du Congo, le fait de créer des zones économiques spéciales va lui permettre d’exploiter toutes ses ressources sur place et de créer de la richesse, de la valeur ajoutée, des emplois. Après le départ des colons, on a estimé que Maurice allait disparaître dans la mer. Cependant, ce pays est parti quasiment de rien, d’une économie basée sur la monoculture dépendant de la canne à sucre, avant de passer à différents stades de son industrialisation. Le Congo, c’est à peu près la même chose avec le pétrole, sauf que les revenus ne sont pas les mêmes.

L’expérience de Maurice, son expertise, son vécu et sa construction en tant que pays nous intéresse. Avec la nouvelle orientation que prend l’économie du monde, nous pensons que le positionnement de Maurice, qui se trouve entre l’Asie et l’Afrique, peut devenir une espèce d’interface par rapport à cette vision du Congo. En réalité, c’est un partenariat sud-sud que nous voulons construire entre Maurice et le Congo.

BUSINESSMAG. Parlez-nous de ces quatre zones économiques qu’ambitionne de développer le Congo.

Elles sont Ouesso, dans l’extrême nord du pays, Oyo-Ollombo, Brazzaville et Pointe-Noire. Les études de faisabilité de ces zones économiques spéciales sont terminées. Aujourd’hui, nous savons quelles sont les filières industrielles que l’on pourra développer dans chaque zone.

Nous savons aussi quels sont les investissements auxquels on doit consentir au niveau de l’infrastructure. Nous sommes également conscients de l’impact que ces zones auront sur le PIB national, le nombre et le type d’emplois qu’on devra obtenir et quelle est la formation à octroyer pour arriver à ces fins.

Nous avons signé, avec le Board of Investment (BoI), un mémorandum pour pouvoir mettre à la disposition des représentants du secteur privé toutes les informations sur les zones économiques spéciales afin qu’ils puissent considérer tranquillement les secteurs qui peuvent les intéresser.

Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une phase concrète où nous pensons que les choses peuvent démarrer. Pour donner un exemple, j’ai eu une rencontre extrêmement fructueuse avec votre ministre de l’Enseignement supérieur qui ouvre justement des possibilités dans le secteur de l’éducation, qui est la base de tout développement. Nous avons aussi visité le Mauritius Institute of Training and Development. Il y a là des structures qui peuvent nous accompagner dans la formation d’une ressource humaine de qualité.

BUSINESSMAG. Qui dit investissement dit aussi sécurité. Quand on parle du Congo, on a tendance à associer ce pays avec la violence. Que faites-vous pour changer cette image ?

Il y a, de manière générale, une perception que nous sommes un continent à risque. Mais aujourd’hui, l’Afrique n’est plus un continent à risque. L’Afrique représente des opportunités. Le risque est que les gens qui s’intéressent à ce continent n’y soient pas présents. En ce qui concerne le Congo-Brazzaville, la stabilité politique et la sécurité y règnent. L’instabilité, c’est l’absence de la création de la richesse. C’est l’absence de perspective collective, c’est le fait qu’à un moment donné, on a primé l’appartenance ethnique pour accéder à la fonction politique au détriment d’un projet collectif fédérateur. De ce point de vue, Maurice, de par sa diversité ethnique, est une inspiration pour nous.

BUSINESSMAG. Vous conviendrez que le climat des affaires est à la base de l’investissement. Qu’est-ce qui est fait pour justement rendre ce climat plus attractif ?

Notre classement n’est pas bon. Nous avons donc engagé un certain nombre de réformes. Nous allons les faire à travers un accord que notre pays a signé avec le BoI.

Nous allons mettre en place une agence pour la promotion des investissements au Congo. C’est une des réformes capitales que nous envisageons.

BUSINESSMAG. Quels sont les secteurs d’activités que vous souhaitez développer en priorité ?

Le tourisme, l’agrobusiness, l’élevage et la logistique figurent parmi les secteurs d’activités que nous allons développer en priorité. Le Congo est un pays vierge. Il y a tout à faire. Tout est prioritaire. Si on revient aux zones économiques spéciales, une première action qu’on devra mener est la création des infrastructures. C’est une opportunité d’investissement pour les entreprises mauriciennes spécialisées dans la construction.

BUSINESSMAG. Avez-vous pu en discuter avec les industriels mauriciens ?

Nous avons rencontré, à travers le BoI, beaucoup d’investisseurs, dont certains sont majeurs. Nous avons des rencontres également qui sont prévues avec la Chambre de Commerce. Il y a donc un véritable intérêt pour notre pays. Nous allons aussi rencontrer plusieurs ministres et assisterons à une session au Parlement. Nous sentons qu’il y a un véritable intérêt pour l’Afrique du côté des autorités mauriciennes.

BUSINESSMAG. Depuis l’établissement du premier contact en 2010, y a-t-il eu des investisseurs mauriciens qui se sont implantés au Congo ?

Pas encore, mais il y a certains qui sont venus en prospection. Nous avons réussi à supprimer les visas d’entrée. Cela pourra créer une sorte de mouvement dans les deux sens. Cette visite d’État nous montrera dans quelle direction conduire le pays sur le plan économique, mais surtout permettra aux hommes d’affaires du Congo et de Maurice de participer à cette aventure.

BUSINESSMAG. Quid du cadre légal et de votre régime fiscal ? Sont-ils suffisamment attrayants pour attirer les investisseurs étrangers ?

Oui ! Déjà, les accords que nous avons signés garantissent des investissements viables. Au niveau de la loi, nous avons mis en place un certain nombre de mesures qui vont nous rendre plus attrayants dans la sous-région. Cette loi sera adoptée d’ici à janvier ou février. C’est un travail qui a été reconnu par le cabinet. Il y a un « benchmarking » qui a été fait par rapport aux zones économiques spéciales qui se sont développées un peu ailleurs dans la sous-région.

Il y a non seulement le potentiel économique, mais aussi la volonté politique du président. Nous sommes le seul pays en Afrique à avoir un ministère consacré seulement à la création des zones économiques spéciales.

BUSINESSMAG. Vous avez déclaré que le Congo s’attend à une croissance de 10,5 % en 2014. Comment expliquez-vous une telle performance ?

Elle est basée sur le pétrole, notre seul moteur de croissance et de création de la richesse nationale en ce moment. C’est notre point fort mais, en même temps, notre point faible sur le plan structurel. Si aujourd’hui le prix du baril chutait de 10 dollars, on aurait une catastrophe. Nous ne pourrions même pas assurer le salaire des fonctionnaires. Heureusement, les choses se déroulent au mieux jusqu’à présent.

Nous avons une gestion budgétaire qui définit certains principes qui font qu’il y a un certain montant qui est mis dans un fonds de stabilisation des ressources. Depuis quelque temps, nous avons mis en place un fonds d’investissement grâce auquel on va trouver des possibilités de partenariat avec des hommes d’affaires de Maurice. Le pétrole est un avantage mais, en même temps, pose un inconvénient structurel, économiquement parlant.

BUSINESSMAG. Quel est votre message aux industriels mauriciens ?

Ils ont tout l’avenir devant eux. Ils ont le privilège d’être à Maurice. Nous savons que beaucoup d’investisseurs mauriciens sont présents en Afrique. Ils ont un avantage extraordinaire sur certains investisseurs car leur pays s’est construit dans le respect de soi-même et de l’autre, et a aujourd’hui un capital à tous les niveaux, que ce soit dans l’industrie, sur le plan des services, dans le bâtiment, la pêche ou l’enseignement.

Maurice est un pays d’opportunités pour l’Afrique. Ce sont des opportunités réciproques. Les hommes d’affaires de votre pays ont une longueur d’avance sur beaucoup d’autres investisseurs du monde. Nous les attendons à Brazzaville.

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