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Interview Rencontre

Jane Valls: «La baisse de prix du pétrole, une opportunité pour les pays du Golfe»

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Jane Valls: «La baisse de prix du pétrole

Ancienne CEO du Mauritius Institute of Directors et actuelle Executive Director du Gulf Corporation Council Board Directors Institute, Jane Valls nous éclaire sur les défis des entreprises du Golfe dans un contexte mondial changeant.

BUSINESSMAG. Vous avez pris de l’emploi à Dubaï au GCCBDI au début de 2016. Comment s’est passée votre intégration dans ce cadre d’affaires différent de celui de Maurice ?

Cela s’est très bien passé, même si Maurice me manque. Je me suis pleinement investie dans mon nouveau rôle. Dubaï est une ville agréable et facile à vivre. L’environnement des affaires, surtout dans le DIFC (Dubai International Financial Centre) où je travaille, est très efficace et très bien organisé. Le travail est le même : ce sont surtout les personnes qui changent. Dubaï est la ville la plus cosmopolite du monde où l’on rencontre et travaille avec une multitude de nationalités. La langue commune est l’anglais. Je dis souvent que Maurice est un petit microcosme du monde. Eh bien ! Dubaï en est un aussi, mais en un peu plus grand. Une ville où l’Ouest rencontre l’Est, dans un milieu arabe, donc complexe, mais très intéressant et très enrichissant.

BUSINESSMAG. Pouvez-vous nous éclairer sur le rôle du GCCBDI ?

Le GCC Board Directors Institute (GCCBDI) est une compagnie à but non lucratif dont la mission est de promouvoir la bonne gouvernance dans les six pays du Golfe : les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, le Koweït, Bahreïn, Oman et Qatar. La compagnie a été fondée en 2007 par quatre grandes compagnies : Saudi Aramco, SABIC, Investcorp et Emirates NBD. Les directeurs de ces quatre compagnies avaient compris que les pays du Golfe tardaient à adopter les principes de bonne gouvernance et ils ont donc demandé à quatre autres compagnies (McKinsey, PwC, Heidrick & Struggles et Allen & Overy) de les aider à fonder le GCCBDI. Ces huit compagnies continuent aujourd’hui à soutenir GCCBDI et leurs représentants sont mes gouverneurs et administrateurs au conseil d’administration.

Nous travaillons avec tous les secteurs, mais surtout avec les top tier, c’est-à-dire les compagnies cotées sur les différentes bourses de la région, les grandes entreprises et groupes familiaux, les entreprises des différents États et les régulateurs dans les six pays. Aujourd’hui, nous comptons 620 membres avec l’objectif d’atteindre 2 000 membres dans un premier temps.

BUSINESSMAG. Quels sont les sujets d’intérêt pour les administrateurs de compagnies du Golfe ? Ont-ils les mêmes préoccupations et besoins que les administrateurs mauriciens ?

Les préoccupations des conseils d’administration sont souvent les mêmes – comment avancer dans un contexte économique de plus en plus difficile, complexe et incertain ; comment faire face à de plus en plus de réglementations ; comment rester à jour avec les nouvelles tendances et technologies, et trouver le temps nécessaire pour se consacrer au travail d’administrateur de plus en plus lourd.

Dans les pays du Golfe, les préoccupations des administrateurs sont aussi de renforcer et d’approfondir leur cadre de bonne gouvernance dans l’entreprise, d’évaluer le travail du conseil, d’encourager plus de femmes et plus de diversité dans la composition des conseils. En plus, avec la chute de prix du pétrole, les pays du Golfe font face actuellement à une grande restructuration économique. L’Arabie saoudite, par exemple, a annoncé sa Vision 2030 qui requiert de profonds changements dans le royaume.

BUSINESSMAG. Le Mauritius Institute of Directors travaille beaucoup dans le sens de la bonne gouvernance. Quel exemple peut-on tirer des pays du Golfe sur ce sujet ?

Les pays du Golfe ont bien progressé depuis dix ans dans le domaine de la bonne gouvernance, mais il reste beaucoup à faire. Au fait, la réduction du prix du pétrole est aussi une grande opportunité pour ces pays car beaucoup de compagnies, y compris les compagnies d’État, auront besoin de fonds et vont chercher des investisseurs ou des partenaires étrangers, ou vont se faire coter en Bourse. Dans tous ces cas de figure, plus de transparence et de bonne gouvernance seront nécessaires. Je pense que dans les cinq prochaines années, nous serons témoins de beaucoup de changements et d’une grande avancée dans le niveau de la bonne gouvernance. Et bien sûr, le GCCBDI sera là pour les soutenir dans cette avancée.

BUSINESSMAG. Comment Maurice peut-il s’inspirer de Dubaï sur le plan de l’environnement des affaires ?

Je suis convaincue que Maurice peut s’en inspirer et c’est valable dans les deux sens, d’ailleurs. Depuis que je suis ici, je n’arrête pas de citer Maurice comme exemple de bonne gouvernance. Maurice est à mon avis un exemple mondial et continue à progresser dans ce sens, surtout avec le nouveau Code de bonne gouvernance qui est un modèle international. Je pense que le secteur privé mauricien peut aussi inspirer les pays où le secteur public domine. Comme je l’ai expliqué, beaucoup de pays du Golfe ont vraiment besoin de développer leur secteur privé car l’État et la manne du pétrole ont été la locomotive économique jusqu’à maintenant. Maurice peut être fier de ces réalisations, mais le pays pourrait aussi apprendre de la vision de Dubaï : un émirat avec une toute petite population locale et une grande population d’expatriés, sans complexe. Dubaï City reste cependant l’une des villes les plus sûres au monde, un exemple de tolérance religieuse, une ville où tout le monde vit en paix et avec des attitudes très progressistes envers la femme. C’est un modèle d’harmonie sociale où les valeurs de l’islam et celles de l’Ouest et de l’Est se côtoient avec beaucoup de respect et de flexibilité les unes pour les autres.

Beaucoup de gens pensent que Dubaï est le Las Vegas ou le Disneyland du Moyen-Orient. Je pense que Dubaï est beaucoup plus qu’une «ville de divertissement». C’est la ville la plus stable, la plus confortable et la plus progressiste de la région, où on travaille très dur et selon une vision très ambitieuse. Dubaï est en train d’attirer les riches de la région à investir, à faire coter leurs compagnies en Bourse, à mettre en place leurs centres de distribution, et à acheter leur seconde résidence. En outre, Dubaï incite les jeunes arabes professionnels qui ont fait leurs études en Grande-Bretagne ou aux États-Unis à retourner travailler ici dans un cadre moderne et dynamique qui offre de nouvelles opportunités.

Dubaï va continuer à grandir et devenir une ville importante dans le monde des affaires en général, et les services financiers en particulier, et non seulement dans le tourisme. L’émirat poursuit son développement et ses ambitions sont grandes.

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