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Joël Rault : vers une ambassade privée au service de la croissance

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Joël Rault : vers une ambassade privée au service de la croissance | business-magazine.mu

Face aux obstacles administratifs et politiques que rencontrent nos ambassades, il est judicieux de sortir des sentiers battus et d’adopter un nouveau modèle de représentation économique qui répond aux attentes des acteurs du privé.

L’ambassade de Maurice à Paris est la chancellerie mauricienne la plus chargée sur le fond et il est dommage qu’elle ait souvent souffert d’un handicap manifeste sur la forme car considérée à tort comme étant politiquement marquée. Il est important de rappeler les attributions principales pour entrevoir l’étendue de son mandat.

Tout d’abord, en matière politique, il faut garder en tête que la République française est le plus ancien partenaire de notre île. Cela fait trois siècles que nos deux pays coopèrent activement et il serait indécent voire même dangereux de sacrifier et de sous-estimer la portée de ces relations par rapport à de nouveaux partenariats artificiellement motivés par la politique locale.

En ce qui concerne les relations bilatérales, l’ambassade de Maurice à Paris couvre une région relativement importante car hormis la République française, elle couvre également l’Italie, l’Espagne et le Portugal et en plus de cela, elle supervise les relations avec les pays francophones d’Afrique. En sus, les relations multilatérales sont intenses car plusieurs portefeuilles se jouxtent. On retrouve les organisations internationales les plus conséquentes telles que l’Unesco, l’Organisation Internationale de la Francophonie, le Centre de Développement de l’OCDE ou encore le Bureau International des Expositions, l’Organisation mondiale du Tourisme et la FAO.

En matière de relations économiques, la France est un partenaire fidèle et loyal qui a toujours su interagir et s’adapter à notre pays pour faire fonctionner nos principales industries. Cela est vrai pour le tourisme, mais aussi pour l’immobilier, l’externalisation des services et les services financiers, entre autres.

Mais ce rapport, aussi ancien et constant qu’il puisse être, repose sur des éléments que nous devons protéger et soigner car ce sont les sésames de nos relations. Ces principes sont tout d’abord l’État de droit et la stabilité politique, la sécurité interne et externe et l’harmonie qui règne dans l’île. L’œil de l’étranger est critique et dans le monde globalisé et concurrentiel dans lequel nous vivons, nous ne pouvons nous permettre de manquer des occasions d’être présents, d’être à la hauteur, et surtout d’être vus et appréciés.

La prospérité et le développement de notre pays sont plus que jamais dépendants de notre relation avec un monde lui-même en constante mutation. Alors que nous naviguons dans les méandres de ces changements, nous nous devons de construire de nouvelles capacités et de saisir de nouvelles opportunités. Pour cela, nous avions le réflexe traditionnel de nous reposer sur notre héritage culturel, économique et social. Nous bénéficiions indubitablement d’une cote de popularité qui a séduit tant au niveau de nos réalisations qu’au niveau de la perception que nous sommes un pays dynamique, stable et transparent.

Maurice a exprimé, dans le passé, une aptitude à se transformer en démontrant sa capacité à se démarquer d’une part, face à la pression causée par l’ouverture du marché local à la concurrence et, d’autre part, en s’exportant sur des marchés nouveaux en profitant pleinement de la vague de la globalisation. Le sens de l’innovation et de l’adaptation, l’intégrité et le pragmatisme caractérisent l’approche mauricienne et nos interlocuteurs s’attendent à retrouver cet ADN dans chacune de nos actions publiques ou privées aussi bien au niveau local qu’international.

La flamme de nos relations bilatérales et multilatérales canalisées par nos chancelleries est certes existante ; mais afin de briller dans ce monde de plus en plus vaste, il est essentiel de constamment se réinventer et de multiplier les approches. Le paysage diplomatique change de plus en plus rapidement. Les nouvelles technologies, les services de renseignement connectés et la vulgarisation des réseaux sociaux font que l’information n’a jamais circulé aussi vite qu’aujourd’hui et certainement moins vite que demain.

Il est essentiel que les ambassades adaptent leurs approches au contexte et à l’environnement dans lequel elles évoluent afin de répondre aux attentes des acteurs. Nous ne pouvons avoir une approche uniforme dans chacun des pays où nous sommes représentés.

C’est en ce sens que j’avais initié une stratégie de prospection et de promotion qui ne se cantonnait pas à des relations classiques habituelles sédentarisées à Paris, mais un vrai programme décentralisé à l’image de la France. Les liens établis avec la Région PACA en sont l’illustration concrète où le pont de coopération économique, touristique, culturel, éducatif et sportif est aujourd’hui une réalité ; à condition que l’action politique ne l’affecte pas.

C’est dans cette mouvance d’une diplomatie moderne et proactive que j’avais ancré l’action de l’ambassade de Maurice à Paris. En ne négligeant aucune opportunité, mais plus encore, en prenant les devants pour créer l’environnement propice à leur réalisation.

Nous passons souvent à côté d’occasions par manque de réactivité. Nous avons tendance à nous gargariser de nos bons classements par rapport à nos voisins du continent africain, mais d’un point de vue global, il nous faut avoir la sagesse de reconnaître que notre temps de réactivité peut être grandement amélioré. Nous faisons trop souvent abstraction du dynamisme qui nous entoure et la proactivité dont font preuve certains pays en font de sérieux concurrents sans même que nous nous en rendions compte.

D’une part, nous stagnons à cause d’une administration extrêmement centralisée et très lourde et, d’autre part, à cause d’un blocage des prises de décisions liées au fait que notre administration publique a développé une psychose et une certaine paranoïa par rapport aux organismes chargés d’enquêter sur les bonnes pratiques, à tel point qu’un effet pervers se fait cruellement ressentir. Nous sommes passés d’un paradigme où le réflexe premier du décideur n’est plus d’atteindre un résultat, mais de se couvrir au cas où il y aurait une enquête sur les procédures adoptées.

Ce genre de réflexes rebute et freine les investisseurs éventuels, dépités et découragés devant une certaine inconsistance dans les règles du jeu et devant une absence de visibilité quant à l’avancement de leurs projets.

Je considère qu’il y a ici un chaînon manquant et un vide à combler entre les acteurs économiques mauriciens et les partenaires ou marchés étrangers et il y a toutes les raisons économiques de mettre comme pivot une ambassade libre de toutes contraintes administratives ou politiques et uniquement centrée sur les objectifs qu’on attend d’elle. Une ambassade qui ne pratique pas la langue de bois et qui utilise une rhétorique persuasive et réfléchie pour mettre en avant, de la façon la plus magistrale, un argumentaire construit sur la logique tout en entretenant une certaine empathie avec les interlocuteurs.

Faute d’avoir pu terminer mon mandat à l’ambassade à Paris pour des raisons politiques, j’ai fait le choix de poursuivre mon action pour la promotion économique de Maurice à travers un cabinet de conseil installé à Maurice et à Paris qui respecte ces principes et dont l’action économique et diplomatique est exprimée sans contraintes. Un cabinet dont la mission est de mettre les décideurs en relation, dans la lignée d’Hermès, le messager des Dieux. Un cabinet au service des relations économiques entre acteurs pragmatiques désirant croître à l’international et désireux de profiter d’un réseau privilégié.

Cette année est décisive dans la construction de la République de Maurice de demain et elle passe obligatoirement par une diplomatie de l’action, que celle-ci soit publique ou privée.