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Le retournement de la conjoncture se prépare dès maintenant

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Le retournement de la conjoncture se prépare dès maintenant | business-magazine.mu

L’analyse des données macroéconomiques sur la période récente nous montre que la croissance économique demeure statique car elle est déséquilibrée. Selon les auteurs Harrod et Domar, la croissance peut être déséquilibrée et instable dans deux cas de figure. Premièrement, quand la demande est supérieure à l’offre. L’économie subit alors des tensions inflationnistes et la demande en pâtit. Ce déséquilibre peut, à terme, entraîner une baisse de la croissance effective. Deuxièmement, quand l’offre est supérieure à la demande. L’économie se retrouve en situation de surproduction et s’éloigne du plein-emploi. Il peut alors y avoir une déflation.

De plus, ces auteurs affirment que ces déséquilibres sont cumulatifs. Si la demande est supérieure à l’offre, les entreprises vont chercher à accroître leur capacité de production pour répondre à l’excès de demande. Or, en investissant, elles créent une demande supplémentaire. Il est alors probable que l’excès de demande s’intensifie au lieu de se réduire. Inversement, si l’offre est supérieure à la demande, les entreprises risquent de réduire leurs dépenses d’investissement, donc de réduire plus amplement la demande.

Cela implique que tout déséquilibre peut s’amplifier au cours du temps. L’économie mauricienne est depuis quelques années dans une phase où l’offre est supérieure à la demande, avec pour résultat la désinflation et la non-inversion de la courbe de chômage. Les entreprises répondent à la chute de la demande et à la baisse de leurs profits en réduisant volontairement leurs dépenses d’investissement.

Dans une dimension microéconomique, l’investissement est une opération risquée. L’entreprise ne peut donc se permettre de faire un investissement sans en prévoir les conséquences.

Il est admis que la demande anticipée est le déterminant principal de l’investissement. Or, en période de faible croissance ou de récession, il y a un ralentissement de la demande qui, en retour, va impacter négativement sur le taux d’investissement en incitant les entreprises à adopter une stratégie d’investissement prudente.

Prenant comme hypothèse que le capital physique nécessaire à la production est proportionnel au niveau de la production à réaliser, et que les entreprises veulent adapter rapidement leur niveau de capital, la croissance de l’investissement sera plus forte que celle de la demande. Ce phénomène est connu sous le nom d’accélérateur. Il s’explique par le fait que les biens d’équipement participent au processus de production au-delà de la seule période où ils sont acquis.

En raison du phénomène d’accélération, une faible variation positive de la demande, dans une situation de plein-emploi des capacités de production, suscite une forte hausse de l’investissement. À l’inverse, un simple ralentissement de la demande peut suffire à provoquer une forte baisse de l’investissement.

Ainsi, ce cercle que nous pouvons qualifier de vicieux fait qu’une baisse de la demande va faire chuter encore plus fortement l’investissement qui, en retour, va baisser la demande car l’investissement est à la fois une composante de l’offre et une composante de la demande.

Pour sortir de ce cercle désastreux, dans la vision keynésienne d’un équilibre économique contraint par les débouchés, une politique de relance budgétaire, suscitant une demande autonome supplémentaire, est un instrument efficace de relance de l’investissement et, par conséquent, de l’économie.

Harrod et Domar, dans leurs théories sur les déséquilibres de la croissance économique, démontrent que les autorités publiques ont un rôle majeur à jouer dans la croissance à long terme en veillant à ce qu’elle soit équilibrée. En assouplissant et en resserrant ses politiques conjoncturelles, l’État devrait ajuster la demande de manière à ce qu’elle s’équilibre avec l’offre.

La reprise économique à court - moyen terme est conditionnée par la reprise conjointe de la demande et de l’investissement. Cette dernière dépendra fortement de la politique publique.

Or, nous sommes confrontés à des marges de manœuvre réduites quant à la hausse des dépenses publiques. À nous d’être innovants et de mettre en place des mesures qui impliquent un impact limité sur les finances publiques.

En Australie, le gouvernement applique le remboursement de la TVA et des différentes taxes à ses résidents voyageant à l’étranger  en vue de favoriser la demande interne. Nous pourrions mettre en place cette mesure à Maurice. Selon les dernières statistiques, plus de 250 000 Mauriciens prennent l’avion chaque année. En prenant en considération le montant maximal de Rs 15 000 autorisé par l’État pour les achats hors taxes à l’extérieur, cela pourrait représenter une hausse supplémentaire de plus de 1 % de la consommation.

L’augmentation de la consommation interne aurait des retombées considérables sur plusieurs secteurs d’activité et devrait entraîner une hausse de l’investissement global et, par conséquent, de la croissance économique.

Pour favoriser l’investissement (local et étranger) et la productivité, nous devrions réfléchir à la mise en place de mesures qui favorisent l’investissement productif et l’innovation. Certains pays, comme Chypre, l’Irlande ou encore l’Angleterre ont mis en place le système de l’Innovation box pour attirer les entreprises innovantes et améliorer leurs performances économiques. Celle-ci définit un régime fiscal spécial utilisé par ces pays pour encourager la recherche et le développement en taxant les revenus tirés des brevets et franchises différemment des autres revenus. Cette mesure pourrait avoir un impact significatif sur le niveau des investissements, en particulier des IDE à court - moyen terme et, par conséquent, sur notre performance économique.

L’histoire économique nous apprend qu’en période de basse conjoncture, les opportunités demeurent. Nous pouvons nous référer au concept de la «destruction créatrice» de Schumpeter qui désigne le processus continuellement à l’œuvre dans les économies et qui voit se produire de façon simultanée la destruction et la création d’activités économiques.

À nous d’être ambitieux et créatifs pour retrouver cette confiance qui nous fait défaut. Comme le disait Kenneth Arrow, «La confiance est une institution invisible qui régit le développement économique».