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Stéphane Isautier : du sucre dans les veines

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Stéphane Isautier : du sucre dans les veines | business-magazine.mu

Son nom vous dit sûrement quelque chose. Il fait partie de la famille Isautier, propriétaire du groupe réunionnais éponyme qui fabrique du rhum depuis plus de 170 ans. Mais lui, c’est plutôt vers le sucre qu’il s’est tourné.

«On dit que je suis le Bourbonnais d’Alteo», lance d’emblée Stéphane Isautier, en référence à ses origines réunionnaises. Development Executive à la Sucrerie des Mascareignes, une filiale du groupe Alteo, il y a pris de l’emploi en février 2015.

Cet ingénieur-agronome pour qui la culture de la canne n’a plus vraiment de secret, a la bougeotte depuis la fin de ses études universitaires. Son riche parcours professionnel l’a mené dans plusieurs pays.

Avant de se lancer dans la filière sucre, il a étudié et travaillé à Paris. Né à La Réunion, il a choisi de ne pas évoluer au sein du groupe familial Isautier dont les rhums sont désormais connus dans le monde entier. C’est le sucre qui l’a intéressé. «Ma famille, que ce soit du côté de ma mère ou de mon père, possède des exploitations agricoles, et j’ai baigné dans ce milieu depuis tout petit. Et comme La Réunion et Maurice ont toutes deux une vocation sucrière très forte, après le bac, j’ai décide de me lancer dans des études pour devenir agronome. À ce jour, je compte 17 ans d’expérience dans les métiers du sucre», relate Stéphane Isautier.

Après des études d’ingénieur à Paris, il prend de l’emploi dans un cabinet d’audit. Il ne restera au total que cinq ans dans la capitale française. Puis, il quitte Paris pour le Vietnam pour y prendre de l’emploi pour le compte du groupe Bourbon. Ensuite, il rejoint le groupe Tereos et y reste pendant 15 ans. Ces années le mèneront tour à tour en République tchèque (5 ans), à La Réunion (1 an), au Mozambique (5 ans), au Brésil (2 ans) et en France (2 ans). C’est d’ailleurs grâce à Tereos qu’il rejoint Alteo car les deux groupes sont partenaires pour développer des projets sucriers en Afrique. Il exerce ainsi comme Development Executive au sein de la Sucrière des Mascareignes (SML), dans laquelle Alteo détient 60 % de parts et Tereos, 40 %. À ce jour, SML a investi dans deux entités africaines : TPC en Tanzanie et Transmara au Kenya. Et elle ne compte pas s’arrêter là. Des projets d’expansion en terre africaine sont évoqués ces derniers temps par la direction, sans donner de précision. Ce qui est probable, c’est que d’ici à deux ans, Alteo comptera une troisième usine en Afrique.

«Alteo produit aujourd’hui plus de sucre en Afrique qu’à Maurice. Nous produisons 150 000 tonnes à Maurice, 100 000 tonnes en Tanzanie et 90 000 tonnes au Kenya. Au Kenya, nous produirons 120 000 tonnes à terme. Maurice n’augmentera pas sa production sucrière, mais représente les bases, les racines mêmes de notre métier de sucrier, car pour être en mesure de monter de tels projets en Afrique, nous devons miser sur le solide savoir-faire d’Alteo. Tous les projets dépendent de notre connaissance des métiers de la filière canne et de notre capacité financière aussi, surtout dans la phase initiale de développement, qui est très importante pour le succès futur d’un projet. Nous étudions une palette de projets en Afrique. Nous regardons aussi vers les énergies renouvelables, notamment un projet de biomasse en Tanzanie, à partir de feuilles de canne. Nous n’excluons pas, non plus, l’étude de projets dans l’énergie solaire ou éolienne», révèle-t-il.

Le groupe concentre ses objectifs surtout vers l’Afrique de l’Est, plus facilement accessible de Maurice. «C’est une région en pleine croissance mais globalement déficitaire en sucre, notamment la Tanzanie et le Kenya. Avec l’augmentation de la population, l’exode rural et le pouvoir d’achat qui augmente, il y a un marché à prendre pour la consommation de sucre. Nos projets futurs se concentreront donc sans doute vers cette région. L’Afrique recèle un énorme potentiel mais aussi une multitude de climats différents variant d’un pays à l’autre, ou même d’une région à l’autre. Chaque projet a sa particularité et peut se développer sur un modèle différent, comme c’est le cas actuellement pour nos usines au Kenya et en Tanzanie. Actuellement, TPC affiche des rendements exceptionnels et une très bonne efficience», poursuit-il. Le sucre produit par Alteo en Tanzanie et au Kenya est commercialisé uniquement sur leurs marchés locaux respectifs.

Ayant diversifié ses marchés en Afrique, Alteo ne sera donc que partiellement affecté – du moins s’il doit l’être – par la fin des quotas sur le sucre de betterave en Europe, qui interviendra l’année prochaine. En effet, environ 60 % de sa production sucrière se fait en Afrique et est commercialisée en Afrique. Le reste (environ 40 %) est commercialisé par le Syndicat des sucres. «Produire en Afrique pour le marché africain nous permet donc de répartir nos risques, qu’ils soient climatiques, commerciaux, politiques – comme la fin des quotas – ou monétaires. Nous produisons aujourd’hui dans trois pays et selon trois modèles différents. L’incertitude liée à la fin des quotas ne va affecter que 40 % de notre production. Mais il est difficile à ce stade de prévoir l’impact réel – que ce soit celui du Brexit ou la fin des quotas – sur le sucre mauricien», fait ressortir notre interlocuteur, bien décidé à relever les défis qui se présenteront dans le nouvel environnement sucrier qui se dessine.