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Portrait Rencontre

Voguer sur les vagues du succès – Alain Malherbe

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Voguer sur les vagues du succès - Alain Malherbe | business-magazine.mu

C’est dans un bureau qui surplombe les activités portuaires du Freeport de Mer Rouge qu’Alain Malherbe nous accueille. Dans cette bulle de quiétude qu’il s’est aménagé dans cette zone hyperactive et bruyante, il y a de la musique classique en fond sonore. Le lieu est dans des tons bleu et blanc, avec à souhait des éléments de décoration de style marin et des tableaux où figurent des bateaux de diverses époques. C’est dans ce cadre qu’il nous raconte son parcours lié à la mer et aux liens humains.

«Il n’y a pas de sang dans mes veines mais de l’eau salée», lâche Alain Malherbe. Pourtant, il est né à Quatre-Bornes, à Candos pour être plus précis. Il est le troisième d’une fratrie de neuf enfants qui vit alors assez près de l’hôpital. «Il y a eu des marins dans la famille. Papa était un amoureux de la mer et pendant les vacances scolaires, il nous emmenait à la plage. Il louait un bungalow à Baie du Tombeau et aimait voir les bateaux aller et venir. Il nous a communiqué cela et ainsi qu’est né mon amour pour la mer et les bateaux», confie-t- il. Mais cette enfance dans une aussi grande famille n’a pas toujours été facile. Alain Malherbe se souvient également des difficultés, de la réalité économique auxquelles ils ont dû faire face. «Mes parents étaient de simples instituteurs et mon père a fini sa carrière comme inspecteur des écoles primaires. Cela n’a pas été facile pour lui d’élever neuf enfants», relate-t-il.

Abordant le volet des études, il révèle un parcours chaotique qui ne le prédestinait en rien à devenir CEO d’une entreprise. «Les études auront été très faciles pour moi, parce que je n’ai rien étudié», dit-il dans un éclat de rire qui dénote un peu la nonchalance qui aura marqué son adolescence. En effet, c’est sans complexe ni regret qu’il revient sur ses souvenirs d’enfant «cancre» et d’adolescent rebelle, pas du tout intéressé à la chose scolaire. «J’ai redoublé la sixième en primaire. Ensuite mon père a voulu m’admettre au collège du Saint Esprit mais j’ai échoué à l’examen d’admission. Alors il m’a admis au lycée La Bourdonnais. Et je dois dire que là, j’étais ravi : j’étais entouré de filles», résume le sexagénaire qui depuis ce jeune âge affichait un fort penchant pour la gent féminine, et qui ne l’a jamais quitté ! Cependant, comme il ne faisait pas grand-chose de ses heures au lycée, après trois ans il est mis à la porte.

Alain Malherbe décide alors de ne pas se forcer pour les études et prend de l’emploi comme planton dans un petit magasin. Celui-ci appartenait à un ami qui y tenait un business de réparation de téléviseurs et lui proposa de venir l’aider au lieu de rester oisif. Le jeune Alain accepte et touche un salaire de Rs 300 mensuellement, au grand dam de ses parents qui vivent très mal l’échec de leur fils. C’est son oncle paternel, Clarel Malherbe, qui changera la donne pour lui car avant d’être ministre, il travaillait dans le shipping de Scott. «Il avait cela dans le sang. Il a formé une société avec mon père et mes frères et m’a invité à m’y joindre. Je débarque ainsi chez Malherbe & Compagnie en 1977», raconte celui qui, grâce à ce job, travaille depuis 43 ans dans le domaine du transport maritime, quoique ce ne soit pas dans le corps de métier qu’il avait rêvé en tant que marin. En effet, pendant ses années au lycée, il aimait bien aller se promener sur le port tout en rêvant de travailler un jour sur des bateaux en tant que marin mais ses problèmes visuels ne lui permettront pas de réaliser cette ambition.

Alain Malherbe apprend donc les rudiments du métier d’agent, se chargeant de l’affrètement maritime dans l’entre- prise familiale, où il avoue avoir connu des moments difficiles. «Clarel était quelqu’un de très dur, très droit et très strict. Si c’était moi qui faisais une erreur, c’était tout de suite le branle-bas. Moi je ne comprenais pas que c’était justement parce que j’étais son neveu et son filleul qu’il était plus exigeant avec moi. Il voulait que j’apprenne cette leçon : quand on fait quelque chose, il faut le faire bien ou alors ne pas le faire du tout», se souvient Alain Malherbe. Après la faillite de cette compagnie, il se retrouve chez IKS Shipping où Ah Kim Ip Kwok Sheung, le patron, lui donne carte blanche, lui permet de voyager, d’apprendre la négo- ciation et de se perfectionner dans les affaires maritimes. C’est d’ailleurs la rencontre avec les gens qui le passionne dans ce métier. Il travaille ensuite avec Yves Bellepeau avant de décider de se mettre à son compte à la suite d’une mésen- tente. Et c’est ainsi qu’Island Shipping, son entreprise de fret, prend naissance en 2005.

Aujourd’hui, Island Shipping reste sa plus grande satisfaction, car elle représente tout son parcours. Si l’entreprise est prospère et représente aussi l’armateur mondial de cargo Hapag Lloyd à Maurice, il n’en a pas toujours été ainsi pour Alain Malherbe. En effet, il était dans une très mauvaise passe lorsqu’il s’est lancé dans cette aventure. «Je n’avais que Rs 1 200 en poche lorsque j’ai démarré cette compagnie. Je me souviens avoir vécu avec une boîte de thon, qui durait trois jours avec du riz et du ketchup», avoue-t-il. Il dit être fier de ce qu’il a vécu et d’avoir pu s’en sortir et se hisser à ce niveau. De plus, cette étape reste un excellent rappel de ses humbles origines. Il se souvient encore de ces années au lycée où il choisissait de dépenser son argent pour le transport à la cantine afin de ressembler aux enfants riches : «À midi, ils mangeaient à la cantine et moi j’avais juste mon argent pour le bus. Donc je rentrais à pied l’après-midi, prétextant être resté jouer au foot. Et un soir, à bout de force, j’ai fini par demander la charité pour rentrer en bus». Aujourd’hui, il a fait la paix avec ce désir de faire comme les autres. Il dit préférer une vie faite de simplicité, faire profil bas et rester discret. C’est aussi la raison pour laquelle il se fait un devoir d’aider ceux qui sont dans le besoin.


De
En aparté


Un homme à femmes : «J’ai vécu parmi cinq sœurs et toujours été à des écoles mixtes», justifie-t-il. Divorcé à deux reprises, les seules femmes de sa vie qui ont pris une place indélébile dans son cœur sont ses trois filles, les seules qui ont leur photo dans son bureau.

Plus spirituel qu’autre chose, il cultive sa foi : il a lu les principaux livres sacrés que sont la Bible, le Coran, le Bhagavat Gita et aussi la Torah. «Toutes les religions se valent. Je m’intéresse à comment les autres pratiquent leur foi et prends ce qui est bon de tout cela», dit-il.

Son livre préféré, Le prophète de Khalil Gibran, joliment relié, trône sur son bureau.

Passionné de navigation, Alain Malherbe a une licence de pilote privé.