Type to search

Interview Rencontre

Mikaël Apaya – «Passons de la gestion des déchets à l’économie circulaire»

Share
Mikaël Apaya - «Passons de la gestion des déchets à l’économie circulaire» | business-magazine.mu

Quelles sont les actions prises jusqu’ici par Business Mauritius pour encourager les initiatives relevant du développement durable ?

Sur le plan de l’atténuation du changement climatique, Business Mauritius est très engagée dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Des investissements massifs ont été réalisés par les entreprises mauriciennes depuis une dizaine d’années. Les deux phases de ligne de crédit SUNREF de l’Agence française de Développement (AFD) représentent un total de plus de 100 millions d’euros (environ Rs 4 milliards) d’investissement privé en matière d’énergies et de protection de l’environnement.

Dans le cadre du troisième volet du financement de SUNREF, Business Mauritius et ses partenaires comptent faire émerger des projets d’adaptation au changement climatique afin d’avoir une meilleure résilience de nos écosystèmes naturels. Plus précisément sur la gestion de déchets, la Commission Sustainability and Inclusive Development a mis en place un projet pilote depuis plus d’une année avec neuf groupes d’entreprises.

Sur la base des recommandations formulées dans l’Industrial Waste Assessment de 2017, le sous-comité chargé de Waste Management a identifié les filières aptes à se développer : le plastique, le papier, les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), les huiles usées et l’alimentaire.

Les catégories de déchets traités ont augmenté, l’évaluation des prestataires est réalisée et nous commençons à compiler les volumes traités. La MCCI, notre membre partenaire, travaille avec le ministère de l’Environnement pour la gestion des DEEE et la mise en place d’une écotaxe. Valeur du jour, les prestataires sont dans l’incapacité de trouver une rentabilité économique en raison de l’interdiction d’exporter la ferraille, après le démantèlement et le traitement des équipements. De nombreux pays ont déjà légiféré sur la «sortie du statut de déchets» afin que les produits traités soient considérés comme des matières secondaires. Ainsi, ils peuvent entrer dans des boucles de l’économie circulaire.

Pour structurer l’économie circulaire à Maurice, il est capital que toutes les parties prenantes acceptent de quitter le modèle linéaire traditionnel. Jusqu’à présent, cela a permis au pays d’avoir un mode de gestion structuré des déchets. Mais il faut absolument passer de la gestion des déchets à l’économie circulaire avec plus de participation d’opérateurs économiques et plus de technologies, et cela au-delà de tout le bon travail de la société civile et les ONG sur le terrain.

Dans quelle mesure la question de financement freinet-elle l’essor de l’économie circulaire ?

Ce n’est pas un problème de financement, mais il y a un enjeu de rentabilité. Joël de Rosnay rappelait quelques semaines plus tôt que le développement durable est simplement le réinvestissement dans le capital naturel et humain. C’est surtout le manque de cohérence, de planification, de coordination et de décision qui fait le plus défaut.

Les opérateurs économiques seraient prêts à faire des investissements s’il y avait plus de visibilité sur la structuration des filières de traitement de déchets. Au niveau de la Commission à Business Mauritius, nous travaillons justement à améliorer ce contexte avec les services de l’État.

D’ailleurs, certains opérateurs ont investi massivement dans le traitement de déchets divers, mais souffrent de la faiblesse du cadre légal et du manque d’appui et de valorisation par les autorités, notamment pour les achats publics.

«Il

Dans le cas de l’interdiction de la commercialisation du plastique, les autorités ont pourtant agi avec promptitude…

Lors d’ateliers de consultation sur la Waste Management Strategy en 2017, les parties prenantes s’étaient exprimées fortement en faveur du tri sélectif à domicile et de la mise à disposition d’un réseau de déchetteries. Nous recommandons la publication de cette stratégie.

Pour les DEEE, il est bon de noter que le principe d’un Advance Recycling Fee a déjà été adopté dans la Finance Act de 2016, mais qu’il n’est toujours pas mis en œuvre.

Le droit d’accise est déjà appliqué sur les contenants non biodégradables. Cette mesure aura-t-elle un impact sur la pollution par les déchets plastiques ?

Nous ne sommes pas convaincus que cette mesure, seule, fera baisser la pollution par les déchets plastiques. Prenons la taxe sur les bouteilles PET. Bien qu’elle soit en vigueur depuis 2012, nous constatons que la pollution n’a pas disparu pour autant.

Nous sommes de plus en plus convaincus que l’introduction de taxes pour financer par la suite les filières est peine perdue. À titre d’exemple, depuis 2009, la Bottlers’ Association finance volontairement la collecte des bouteilles PET pour tout le pays. Cela représente environ Rs 30 millions par an. En 2012, il y a eu l’introduction de la taxe de Rs 2 sur chaque bouteille de PET, soit environ 230 millions par an. Et à ce jour, nous sommes en capacité d’uniquement collecter 40 % des bouteilles sur le marché.

Il y a donc une réflexion à mener et des décisions à prendre. Dans de nombreux pays au monde, ce ne sont pas des écotaxes qui financent les filières, mais les éco-contributions provenant directement des producteurs/ importateurs et qui sont gérées sur un modèle purement business. Nous avons l’intention de tester et d’appliquer cela pour les déchets plastiques prochainement avec l’adhésion des principaux producteurs/importateurs.

Il faudrait, a minima, que ce prélèvement serve à encourager l’utilisation de contenants fabriqués à base de matières recyclées. Le recyclage existe déjà à Maurice et pourrait devenir un nouveau moteur de l’économie locale. Il ne faut pas réinventer la roue, mais se tourner vers l’étranger pour voir comment gérer les plastiques qui ne sont pas biodégradables.

Sur une base prioritaire, quelles sont les catégories de déchets qu’il faudrait valoriser ?

Il faut s’attaquer à tous les déchets. Les plus importants sont le plastique, le verre, le papier, les déchets de construction, le métal, les appareils électriques et électroniques, les huiles usées, les peintures, les produits chimiques, les batteries et autres produits dangereux.

Il y a des initiatives publiques et privées en cours, mais il y a un manque de cohérence, en l’absence d’une stratégie claire et affichée. Il est important de comprendre que le traitement des déchets crée des emplois, des revenus, de la valeur ajoutée locale et peut permettre de réduire nos importations.

Il est essentiel pour l’État d’encourager les initiatives relevant de cette économie circulaire, mais nous constatons encore des contreexemples. Concernant la réduction des matières en amont, Business Mauritius lancera bientôt une initiative pilote sur l’éco-conception des produits dans le secteur agroalimentaire.