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Renganaden Padayachy (Economiste à la Chambre de Commerce) « Le moral des entrepreneurs a atteint un point de rupture »

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Renganaden Padayachy (Economiste à la Chambre de Commerce) « Le moral des entrepreneurs a atteint un point de rupture » | business-magazine.mu

Notre invité, cette semaine, est Renganaden Padayachy, économiste à la Chambre de Commerce et d’Industrie. Il évoque les enseignements à tirer de la dernière enquête de conjoncture publiée par l’organisme.

BUSINESSMAG. Quels sont les principaux résultats de votre dernière enquête trimestrielle de conjoncture ?

Selon l’enquête trimestrielle de conjoncture, l’indicateur synthétique du climat des affaires à Maurice s’est nettement détérioré au troisième trimestre de cette année.

Il a perdu plus de 11 points (11,3 %) entre juillet et septembre de cette année et s’établit nettement en dessous de la moyenne des 100 points de base, à 88,1 points, soit le seuil le plus bas depuis le lancement de cet indicateur en juin 2010.

Pour la première fois, toutes les variables utilisées dans l’estimation de cet indicateur, à savoir la perception des entrepreneurs sur la situation de leurs entreprises, le niveau des commandes fermes, les anticipations des chefs d’entreprise sur l’évolution des affaires au cours des trois prochains mois, les perspectives d’embauche ou encore le niveau des stocks de produits finis, sont défavorables.

BUSINESSMAG. Vous attendiez-vous à un tel résultat ?

Un résultat négatif était certes attendu. Mais l’ampleur nous interpelle. Nous avons peut-être atteint un point de rupture qui pourrait avoir des conséquences sérieuses pour 2013.

BUSINESSMAG. La dégradation de la situation économique sur le plan local est-elle uniquement liée à la crise dans la zone Euro ?

Cela fait cinq ans que l’économie globale est entrée dans une phase décroissante, avec ses hauts et ses bas. Le 9 août 2007 restera dans l’histoire comme celle du début de la crise internationale et cette crise s’est, de nouveau, emballée cette année avec la stratégie d’austérité excessive sur la zone Euro, qui affiche, pour 2012, une croissance atone.

De plus, la dynamique des échanges extérieurs est contrite. Selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC), après un fort rebond en 2010 (+13,6 %), la décélération du commerce mondial observée en 2011 (+5,6 %) devrait se poursuivre en 2012 (+3,7 %).

Vu l’ouverture de notre économie et la primauté de la zone Euro s’agissant de nos échanges extérieurs de biens et services, le moindre essoufflement de ce marché a des répercussions sur l’économie mauricienne. Mais il y a aussi des éléments d’ordre local qui perturbent notre performance.

\« La viabilité des secteurs importants de notre tissu économique, y compris le secteur industriel, est en danger et les chefs d’entreprise pensent qu’il est temps d’agir »

BUSINESSMAG. Quels sont ces éléments?

À partir des données recueillies pendant l’enquête, nous pouvons identifier trois facteurs déterminants expliquant la détérioration du climat des affaires.

Premièrement, considérons la valeur de la roupie. Vu la situation économique générale, ou encore la détérioration du solde extérieur, tous les experts, même ceux du Fonds monétaire international, s’accordent à dire que notre monnaie est surévaluée.

Les panélistes sont en majorité de cet avis et constatent que depuis deux ans, il y a des contradictions entre ce qui est dit et ce qui se passe réellement. À savoir le maintien d’une politique en faveur d’une monnaie forte.

Cela a été néfaste pour les activités économiques de notre pays. Toutes les entreprises tournées vers l’extérieur, peu importe leurs secteurs d’activités, sont très affaiblies et leurs opinons sont alarmistes.

Deuxièmement, il faut considérer la politique fiscale. La réforme fiscale de 2006 avait pour principal objectif de rendre notre système de taxation plus compétitif en uniformisant le taux à 15 % et ainsi nous permettre d’avoir un avantage comparatif par rapport à nos principaux concurrents et d’avoir in fine un environnement économique efficient.

Selon les sondés, il y a une succession d’impôts qui s’y ajoutent. Par exemple, il y a la taxe spéciale sur les banques et les sociétés de communication, la taxe sur les tissus payés par les industries locales exportant sous l’égide de l’Africa Growth and Opportunity Act, ou encore la taxe sur l’embouteillage de l’eau. Toujours selon eux, ces décisions ont modifié l’essence même d’une fiscalité légère et uniforme.

Troisièmement, il y a la volonté affichée d’être exemplaire s’agissant de l’environnement des affaires.

Cet objectif ne peut être atteint si nous continuons à ne pas appliquer la loi sur la concurrence déloyale.

Certains de nos interlocuteurs avancent que les règles ne sont pas les mêmes pour tous et que cela fausse la compétition. Suivant ces arguments, les membres de notre panel nous disent que par ces temps de crise, la priorité devrait être l’économie.

La viabilité des secteurs importants de notre tissu économique, y compris le secteur industriel, est en danger et les chefs d’entreprise pensent qu’il est temps d’agir.

BUSINESSMAG. Que doit-on craindre dans une telle situation ?

Ces appréhensions se reflètent sur le plan des perspectives d’embauche à court et moyen termes.

À la question sur la création d’emploi pour le prochain trimestre, le solde des opinions des entrepreneurs est négatif, ce qui implique des possibilités de licenciement économique.

Environ 15 % des sondés affirment qu’ils vont peut-être être obligés de licencier certains de leurs collaborateurs, vu la continuité de la crise.

De plus, s’agissant de la variation des prix de vente ou des prestations de service au cours des trois derniers mois, le solde des opinions est négatif et indique qu’il y a eu une tendance baissière dans le niveau général des prix.

À moyen terme, nous constatons que la tendance à la baisse se poursuivra. Même si à première vue, nous pouvons nous réjouir de cette désinflation. A y regarder de plus près, nous pouvons aussi nous en inquiéter.

Les éclaircissements apportés par les entrepreneurs confirment la chute de l’activité. Ceux-ci nous parlent de leur obligation de réduire au maximum leurs marges pour pouvoir se maintenir à flot. Cela aura un impact certain sur le taux de profitabilité qui est une variable décisive s’agissant des dépenses futures liées à l’investissement. Cela aura une incidence sur le taux de croissance économique de 2013.

BUSINESSMAG. Quels sont les secteurs qui sont les plus touchés par la perte de confiance ? Pourquoi ?

Une analyse sectorielle montre qu’au troisième trimestre, tous les secteurs d’activité sont dans une zone défavorable.

En effet, que ce soit le secteur du commerce, le secteur manufacturier ou encore le secteur des services, nous constatons une baisse des indices de confiance. Cela peut se comprendre de par l’interdépendance de notre tissu économique.

BUSINESSMAG. Pensez-vous que le ministre des Finances peut renverser la tendance avec le Budget 2013 ?

L’exercice budgétaire est une composante très importante dans la configuration économique de Maurice. Vu la taille relativement modeste de notre économie, des mesures incitatives et cordonnées de soutien à l’activité apporteront immédiatement un peu plus de visibilité et, ainsi, moins de défiance, facteur déterminant pour retrouver notre dynamisme.

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