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Mini-remaniement : accalmie de surface ?

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Mini-remaniement : accalmie de surface ? | business-magazine.mu

À bientôt 86 ans, sir Anerood Jugnauth occupera les fonctions de ministre des Finances et devrait théoriquement présenter le prochain Budget.

Le Premier ministre a finalement tranché. Point de révocation pour le ministre des Finances, mais une mutation aux Affaires étrangères. Roshi Bhadain garde son portefeuille des Services financiers. Une partielle est évitée dans la circonscription No 7, mais l’accalmie pourrait être de courte durée.

Entre-temps, sir Anerood Jugnauth récupère le portefeuille des Finances et établit ses priorités, dont la concrétisation de grands projets d’infrastructures (Airport City, Heritage City, le développement du port et la construction de nouvelles routes). Le Premier ministre, qui devra désormais manœuvrer seul la gestion économique du pays, se retrouve avec une lourde responsabilité sur les épaules : doper l’investissement et pousser la croissance annuelle à 5 % afin de réaliser les objectifs ambitieux contenus dans son plan Vision 2030. Le ‘bolom’ (bientôt 86 ans) se dit prêt à présenter le prochain Budget «le moment venu», mais, dans les coulisses, certains estiment que le fait de conserver le portefeuille des Finances n’est qu’une tactique dilatoire en attendant le jugement en appel de Pravind Jugnauth dans l’affaire Medpoint.

Quant à Roshi Bhadain, il aura désormais les coudées franches pour gérer le secteur financier à sa guise, y compris les négociations sur le traité fiscal avec l’Inde (?). Par contre, soumis au feu des critiques concernant la gestion de la MBC, il perd le contrôle de la télévision nationale (qui tombe désormais sous la tutelle du Premier ministre) et des Tic, qui passent sous la responsabilité d’Etienne Sinatambou.

Malgré laconférence de presse du chef du gouvernement, le feu semble toujours couver sous les cendres au sein du gouvernement. D’abord, sir Anerood Jugnauth a déclaré que Vishnu Lutchmeenaraidoo aurait demandé à «être relevé de ses fonctions de ministre des Finances» et à servir le pays d’une autre manière. Pourquoi alors lui confier le ministère des Affaires étrangères ? «C’est son désir, c’est lui qui a décidé», confie le Premier ministre. Vishnu Lutchmeenaraidoo, quant à lui, affirme que «le Premier ministre m’a relevé de mes fonctions… et m’a confié le portefeuille des Affaires étrangères, que j’ai accepté

Popularité minée

La mutation à un autre ministère est l’option privilégiée par sir Anerood Jugnauth, d’une part, pour régler le «surmenage» dont souffre Lutchmeenaraidoo car sa révocation aurait pu provoquer sa démission de l’Assemblée nationale, forçant ainsi l’Alliance Lepep à s’engager dans une élection partielle. Cela dans un contexte où la popularité du gouvernement est minée par la gestion de l’affaire BAI, une croissance économique qui continue de stagner, l’acharnement de certains membres influents du gouvernement contre le Directeur des poursuites publiques, la nomination de certains proches aux postes de responsabilité et les déclarations fracassantes de certains membres du cabinet sur divers dossiers. Sans compter les responsabilités ministérielles d’un trublion qui se sont démultipliées ces dernières semaines, au gré de ses fantaisies.

Face aux interrogations des journalistes et de l’opinion publique, sir Anerood Jugnauth préfère botter en touche, balayant d’un revers de la main tout malaise, désaccord ou problème de fond au sein de son gouvernement. Il a fourni des réponses pour le moins évasives telles que : «Mo pena pou ale profond, mo prefere reste en surface.» Interrogé sur le malaise entre Bhadain et Lutchmeenaraidoo, il répond par une boutade : «Froid ? Moi mone toujours comprend qui ena chaleur entre zot.» Quant à Roshi Bhadain, il dit qu’il n’y a jamais eu de froid entre son collègue et lui. Pourtant, les dissensions entre l’ex-ministre des Finances et son collègue des Services financiers sont notoires et leurs déclarations contradictoires sur le devenir du traité fiscal ont semé la confusion chez les opérateurs du secteur financier pendant plusieurs mois. Mais pressé de questions par les journalistes selon lesquelles deux clans s’opposent au gouvernement – l’un soutenant Bhadain et l’autre Lutchmeenaraidoo –, le Premier ministre a simplement indiqué qu’il n’a pas à répondre sur le sujet : «Mo pena pou répone lor la».

Quoi qu’il en soit, l’homme providentiel sur lequel l’Alliance Lepep avait fondé tous ses espoirs pour la réalisation du deuxième miracle économique n’aura pas tenu longtemps au ministère des Finances : à peine 15 mois ! Lui qui déclarait récemment à l’express: «je ferai tout pour aller jusqu’au bout» a finalement rendu son tablier, rattrapé par des problèmes de santé.

Arnaud Dalais : «Le secteur privé continuera à collaborer avec le GM»

Les avis sont mitigés dans le secteur privé suivant le mini-remaniement ministériel qui a vu la mutation de Vishnu Lutchmeenaraidoo au ministère des Affaires étrangères, alors que, dans le même temps, le Premier ministre, sir Anerood Jugnauth, a pris à son compte le portefeuille des Finances. Commentant ces développementssur la scène politique, un économiste, qui a requis l’anonymat, a soutenu qu’il s’agit d’un «arrangement entre copains pour couvrir la forêt qui est en feu.»

Du côté de Business Mauritius, on reste optimiste. Son président, Arnaud Dalais, espère que ce renouveau sera synonyme de stabilité dans l’administration des affaires de l’État. Relativisant la mutation de Vishnu Lutchmeenaraidoo, il fait ressortir qu’en tant que ministre des Affaires étrangères, celui-ci jouera un rôle essentiel sur le plan de la diplomatie économique. Se voulant rassurant, Arnaud Dalais ajoute que «le secteur privé continuera à collaborer avec le gouvernement».

Plus de cohésion

Quant à l’économiste Eric Ng, il retient deux points essentiels dans l’exercice de remaniement. D’abord, le portefeuille des Finances passe désormais sous la responsabilité du Premier ministre. Ce qui est une bonne chose, selon lui. Il s’attend ainsi à ce que sir Anerood Jugnauth active les choses pour débloquer plusieurs projets et dossiers qui restaient en suspens. Deuxièmement, il estime que le Premier ministre ne remplira les fonctions de Grand argentier que temporairement.

«Être ministre des Finances est un poste à plein temps. Le Premier ministre a déjà plusieurs responsabilités et de par son âge, devra éventuellement céder la place à quelqu’un d’autre», argue Eric Ng. D’ailleurs, lors de sa conférence de presse, sir Anerood Jugnauth a fait comprendre qu’il serait à la tête du Trésor public «jusqu’à nouvel ordre».

Cela dit, qui sera le prochain ministre des Finances ? Tout dépendra du jugement en appel sur l’affaire Pravind Jugnauth, répond Eric Ng. Mais d’ores et déjà l’on peut s’attendre à «plus de cohésion entre le ministère des Finances et celui des Services financiers».

Qu’en est-il des opérateurs du global business ? Ils espèrent qu’avec sir Anerood Jugnauth aux commandes des Finances, on trouvera une solution rapide au traité de non-double imposition liant l’Inde à Maurice. «C’est dans le style de sir Anerood Jugnauth d’agir vite», commente Kamal Hawabhay, président de l’Association of Trust and Management Companies. Et d’ajouter : «Lors de sa rencontre avec son homologue indien Narendra Modi, le Premier ministre a obtenu l’assurance que rien ne serait entrepris qui pourrait nuire aux intérêts de Maurice et c’est ce que nous attendons». L’ancien ministre des Finances, Vishnu Lutchmeenaraidoo, a eu raison, selon lui, de refuser de signer les nouveaux termes des négociations avec l’Inde. «Il faut qu’il y ait une volonté égale entre les deux parties pour pouvoir trouver une solution», observe-t-il.

Une chose est sûre : avec l’arrivée de sir Anerood Jugnauth aux Finances, le secteur privé place la barre plus haut s’agissant des progrès sur les grands dossiers ayant trait à l’économie. Comme le souligne un haut cadre d’une institution privée : «Ce remaniement ramène l’économie au-devant de l’agenda du gouvernement».

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