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Terres agricoles : la difficile conversion

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Terres agricoles : la difficile conversion | business-magazine.mu

Les autorités serrent la vis : il est devenu très difficile, voire quasiment impossible dans certains cas de convertir des terres agricoles en zones résidentielles.

Terres agricoles à vendre ou «en cours de conversion». Les annonces de ce genre sont devenues monnaie courante ces dernières années. Il suffit pour s’en rendre compte de jeter un œil aux annonces des principales agences immobilières de l’île. Le foncier, on le sait, a toujours été un investissement très recherché. Une valeur sûre dont la cote n’a cessé de grimper ces dernières années avec l’avènement des projets d’Integrated Resort Scheme et de Real Estate Scheme, aujourd’hui regroupés au sein du Property Development Scheme. Avec le manque de place – étroitesse du territoire oblige –, les promoteurs se sont tournés vers les terrains agricoles pour ériger leurs complexes résidentiels.

Cet engouement pour les terrains agricoles constitue du pain béni pour les petits planteurs qui se sont mis à vendre leurs parcelles de terre aux plus offrants. Il faut savoir que plus de 20 000 planteurs possèdent un terrain d’une superficie de moins d’un hectare. La conversion des terrains agricoles de moins d’un hectare ayant été facilitée en 2005 par le gouvernement travailliste, de nombreux promoteurs se sont tournés vers ces terres pour y faire sortir de terre leurs projets.

Une tendance que les autorités publiques, inquiètes de voir ainsi disparaître les terres arables sur l’autel du développement immobilier, ont souhaité freiner en imposant des conditions strictes à la reconversion. Selon un rapport de la Banque mondiale, en 2011, les terres agricoles représentaient 43,8 % du territoire national contre 48 % en 2009.

La réticence des autorités à accorder des permis de conversion ne semble pas pour autant dissuader des propriétaires de vendre leurs terres agricoles. L’un des derniers projets mis sur le marché cette année n’est autre que Les Mariannes Hills, un projet comprenant 42 lots agricoles. «Les terres agricoles sont un véhicule d’investissement comme un autre. Avec le temps, un terrain agricole prend de la maturité, donc de la valeur et cela sans que le propriétaire n’ait à faire d’efforts», explique Edouard hart de Keating, directeur de Square Meters, qui commercialise ces lots.

Attirés par les prix attrayants de ces parcelles, de nombreux acheteurs potentiels expliquent vouloir acheter ces terres agricoles avec l’objectif d’obtenir un permis de conversion, afin d’y faire construire une maison. Le patron de Square Meters affirme prévenir les acheteurs potentiels de la difficulté qui les attend. «Personnellement, je leur explique que faire convertir un terrain agricole en espace résidentiel peut se révéler compliqué, voire impossible dans certains cas», expose-t-il. Idem pour d’autres opérateurs, dont certains découragent même les acheteurs. «Nous préférons le leur dire, afin de leur éviter de mauvaises surprises», soutient l’un d’eux.

Du côté du ministère de l’Agro-industrie, l’on soutient appliquer une politique visant à protéger au mieux les terres agricoles. «Nous ne pouvons pas répondre favorable à toutes les demandes. Il y va de notre sécurité alimentaire», lâche un haut fonctionnaire. Une démarche, qui, si elle est comprise par les acteurs du secteur, est toujours décriée pour sa «rigidité». Les responsables d’agences immobilières estiment néanmoins qu’il serait nécessaire d’accorder des permis au cas par cas. «De nombreux petits planteurs se retrouvent aujourd’hui avec des parcelles de terrain inexploitées parce qu’ils n’ont tout simplement plus la force de travailler et que leurs enfants qui ont entre-temps fait des études, ne souhaitent pas reprendre l’affaire familiale. Dans ce genre de situation, le ministère devrait rendre plus simple la conversation, afin de leur permettre de revendre leur terrain ou alors d’y construire une maison pour leurs enfants», souligne un opérateur, qui commercialise un terrain «en cours de conversion». S’il explique que les procédures ont été enclenchées, il ne peut fournir à l’acheteur aucune garantie quant à l’issue.

Du coup, les acheteurs, conscients des possibles difficultés en vue d’obtenir une éventuelle conversion de leur terrain, hésitent de plus en plus à faire l’acquisition d’un terrain agricole, sinon uniquement pour le revendre dans quelques années après qu’il est arrivé à maturité. «Il est préférable de voir dans un terrain agricole un investissement sur la durée plutôt que de l’acheter en se disant qu’on entamera des démarches en vue de la conversion», explique un agent immobilier qui rappelle qu’investir dans un terrain, quel que soit son statut, reste une valeur sûre.

Une democratisation de l’économie victime de son succès

C’est en 2005 que le gouvernement travailliste est venu de l’avant avec des amendements à la Sugar Industry Efficiency Act pour faciliter la conversion des terres agricoles. L’amendement, proposé par Arvin Boolell, alors ministre de l’Agro-industrie, dispense aux propriétaires de terrains de moins de 1 hectare du paiement de tout frais de morcellement, de taxe sur le transfert des terres (Land transfer tax), de la taxe sur les plus-values (Capital gains tax), ainsi que des frais de transcription. Seules contraintes: les terres concernées ne doivent pas être équipées de système d’irrigation et être situées dans des zones de développement. Cette mesure, qui visait à offrir aux petits planteurs une porte de sortie avec la baisse des revenus issus de l’industrie cannière, s’inscrivait dans le contexte du programme de démocratisation de l’économie cher à l’ancien gouvernement. Victime de son succès, ce programme a, en effet, permis à de nombreux petits planteurs de vendre leurs parcelles. Trop, visiblement aux yeux du gouvernement qui a, par la suite, serré la vis.

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