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2023-2024

Développement durable : une stratégie court-termiste, mais un manque de vision pour bâtir la résilience

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En ambitionnant de parvenir à une économie plus propre, verte, à faible taux d’émissions et résiliente au changement climatique, l’île maurice s’embarque dans un modèle de développement durable. Mais c’est sans la vision d’ensemble, holistique, inclusive et à long terme nécessaire pour embrasser les enjeux, s’accordent à dire nos interlocuteurs.

Le développement durable s’apparente à un type de développement économique, social, écologique, imbriqué adressant les besoins de la génération actuelle, tout en garantissant aux générations futures les possibilités d’embrasser les leurs, d’après l’organisation des Nations unies. En ce sens, ce développement charrie une transformation décarbonée, résiliente, verte et inclusive. En ambitionnant de parvenir à une économie plus propre, plus verte, à faible taux d’émissions et résiliente au changement climatique, l’île Maurice envisage un développement durable. Le quatrième exercice budgétaire du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, l’a réitéré, le 2 juin 2023. Si des mesures ont été annoncées pour accentuer la transition vers cette économie verte et circulaire résiliente au changement climatique, force est de constater qu’elles demeurent pour l’heure immédiates et à court terme, parfois déconnectées les unes des autres. Et ce, en l’absence d’un plan holistique et synthétique pour porter toute la philosophie derrière l’approche de développement durable souhaitée, les moyens et mécanismes pour les déployer, dans les court, moyen et long termes.

La convergence de notre modèle économique n’est pas un choix, rappelle Toolseeram Ramjeawon, Sustainability Consultant et docteur en ingénierie environnementale, mais une nécessité. Et les raisons sont connues : le territoire mauricien a besoin de renforcer sa résilience aux aléas climatiques de plus en plus fréquents, intenses, rapides et imprévisibles. L’autre inéluctable réalité étant la raréfaction des ressources naturelles «qui vont devenir plus rares, plus chères». «On en fait l’expérience maintenant ; cela va s’aggraver dans le futur avec un modèle économique linéaire. Donc il faut changer le modèle économique», étaye le Dr Toolseeram Ramjeawon. Le modèle économique circulaire mise sur des modes de production et de consommation plus durables, soutenables dans le temps, et circulaires, ainsi que des circuits d’approvisionnement plus courts, tout cela dans le respect de l’équité sociale et du bien-être humain. Ce modèle économique émane du champ de l’économie verte. En raison de la hausse de la température terrestre et de ses effets sur les systèmes humains, socio-économiques et naturels, ce modèle d’économie verte est porteur de résilience climatique aussi longtemps que les secteurs d’activité les plus critiques, tels que ceux de l’énergie, de l’eau, et de l’agro-industrie, fassent l’objet de mesures d’adaptation à long terme au changement climatique et extrêmes météorologiques.

Aux dires d’EDB Mauritius, le ‘Green Transformation Package’, avec en ligne de mire 60 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030, est appelé à générer autour de Rs 30 milliards d’investissements sur les trois prochaines années, ce qui devrait booster la croissance et l’emploi en complément de la réduction des gaz à effet de serre (GES). L’EDB estime que le ‘Green Transformation Package’ devrait pousser la croissance de 3,15 % chaque année. Pour la période 2023-2026, le gouvernement a décidé d’investir Rs 13,9 milliards dans des projets d’économie circulaire et verte, ainsi que dans des actions d’adaptation et d’atténuation au changement climatique. Une enveloppe de Rs 16,9 milliards sera allouée à la production, la distribution et le stockage de l’eau et de l’électricité, ainsi que le renforcement des capacités de production et de distribution de ces énergies.

Accélérer la cadence de la décarbonation

L’île Maurice a d’ailleurs particulièrement avancé depuis environ une décennie dans la décarbonation de son secteur énergétique et sa migration vers les sources renouvelables. D’autant plus que l’engagement de 60 % d’élimination du charbon et son remplacement par des sources d’énergies vertes a été pris pour 2030 par rapport à un scénario business as usual. La réduction de 40 % de nos émissions de GES, l’augmentation de 10 % de notre capacité d’efficience énergétique et l’exploitation de 70 % des déchets arrivant à Mare Chicose sont d’autres engagements ambitieux pris à l’échelle locale et internationale par le pays. Et à l’échelle de la lutte contre le changement climatique, 2030 s’apparente à du court terme.

Pour accélérer la cadence de la décarbonation et de l’adaptation dans le secteur énergétique, responsable d’environ 80 % des émissions de GES à Maurice (les émissions nettes de GES étaient de 5 250 équivalent CO2 en 2022), la rémunération de la paille de canne et de la biomasse forestière dans la production énergétique a été fixée à Rs 3,50 kWh, comme pour la bagasse. Avec l’objectif d’appliquer une exonération de 50 % sur l’augmentation des tarifs d’électricité pour les entreprises qui s’orientent vers une énergie 100 % renouvelable au cours des deux prochaines années, la poursuite de l’électrification du système de transport publique, la décarbonation du secteur manufacturier, l’intensification du recyclage des bouteilles en plastiques PET ou encore le nivellement du salaire minimal, l’on tend vers un développement circulaire, et dans la bonne direction, avec un accent continu accordé aux énergies renouvelables, estime Toolseeram Ramjeawon, Sustainability Consultant et docteur en ingénierie environnementale.

«Ce budget, comme d’autres par le passé, ne tend pas vers une économie circulaire. Il y a de bonnes mesures, mais ce n’est pas ces dernières qui vont nous permettre de bouger vers un développement durable, ou un modèle d’économie circulaire. Je prends l’exemple du changement climatique qui est relié au développement durable et à l’économie circulaire, la décarbonation du secteur énergétique nous permet certes de prendre la trajectoire d’une économie à faibles émissions. Les effets du changement climatique anthropique sont déjà ressentis, et ce qu’il nous faut pour augmenter notre résilience, c’est l’adaptation à long terme aux aléas climatiques. Investir dans les énergies renouvelables, c’est créer des opportunités, c’est réduire notre facture d’importation de combustibles fossiles, ce qui va impacter sur la balance des paiements. Ce qui est une bonne chose mais en termes de résilience de l’économie et des systèmes humains et naturels, c’est l’adaptation qui est importante», soutient l’ingénieur en environnement.

Il manque une approche holistique dans notre stratégie d’économie à faibles émissions de carbone, plus propre, verte et résiliente sur le plan climatique, dit-il. Il manque une cohérence stratégique dans cette mouvance. «On a vraiment besoin d’un plan où tous les stakeholders comprennent où on veut aller ; où on est actuellement, et où on veut être dans 10, 20, 30 ans, et quels sont nos objectifs. Un plan à long terme et claire qui va guider le gouvernement dans l’élaboration de ces mesures dans chaque exercice budgétaire, avec toutes les réglementations, les législations, les incitations fiscales nécessaire».

Stratège en développement durable dans le ‘Core Team Advisory’ de NELIS (Next Leaders’ Initiative for Sustainability), Jovin Hurry trouve encourageant les mesures budgétaires encourageant la modernisation et l’électrification des flottes des compagnies de transport public. Un accès confortable et fonctionnel à la mobilité est indispensable pour le public, fait valoir notre interlocuteur, d’autant plus dans l’optique de réduire le nombre de voitures sur nos routes. De plus, fait ressortir Jovin Hurry, le fait que Maurice envisage de devenir une destination verte certifiée, tout en restructurant la Tourism Authority, contribuerait à l’image de marque de notre pays et au positionnement de notre destination, compte tenu de l’intensification de la concurrence internationale. Cependant, le Budget, estime-til, n’est pas assez ambitieux au regard des défis de plus en plus complexes et graves que pose le changement climatique. «Ce budget perpétue l’héritage de l’incremental thinking (ndlr à l’opposé de l’exponential thinking) et ne reflète pas les décisions audacieuses nécessaires pour faire un bond en avant. Peut-être avons-nous besoin de courage et d’une pensée nouvelle de la part de jeunes Mauriciens imaginatifs. La résilience est une entreprise à long terme, qui doit être menée par nos jeunes professionnels.»

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