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2023-2024

Pouvoir d’achat : Relancer l’économie par la consommation

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Une illusion monétaire. telle est la conclusion des observateurs économiques en analysant le budget 2023/2024. en effet, celui-ci contient une série de mesures visant à rétablir le pouvoir d’achat du mauricien mais cela pourrait contribuer à détériorer la situation économique en exacerbant l’inflation.

Le Budget 2023/2024 comprend une flopée de mesures visant à aider les Mauriciens à contenir les effets de la forte inflation persistante qui affecte le contenu du Caddie. Il s’agit notamment de l’aide directe aux ménages, de la révision à la hausse du revenu minimum garanti, d’une augmentation de Rs 1 000 de la pension de retraite, d’une augmentation des investissements dans les infrastructures publiques et la baisse du prix de l’essence de Rs 5,10. La réduction de l’impôt sur le revenu devrait stimuler l’offre de main-d’oeuvre et les dépenses, contribuant à une croissance de 0,6 % du PIB et à la création de plus de 16 000 emplois. De toute évidence, le ministre des Finances veut miser sur une stratégie de relance de l’économie par la consommation. Est-ce la bonne pour notre pays ?

Le Dr Bhavish Jugurnath est d’avis que le gouvernement continuera à mettre en oeuvre des mesures pour soutenir la croissance économique. En termes de mesures sociales, explique- t-il, le gouvernement continuera à investir dans des programmes sociaux, couvrant l’éducation, la santé et le logement. Il fait ressortir que les transferts sociaux devraient contribuer au PIB, à hauteur de Rs 6,7 milliards supplémentaires. L’effet se reflète dans l’augmentation de la consommation d’environ 1,20 %, soit une augmentation de Rs 5,9 milliards. «Cependant, pour une croissance pérenne, nous devrions avoir une stratégie économique visant à stimuler l’investissement privé par le secteur des entreprises. Il s’agit d’un élément stratégique important pour booster les taux de croissance et le développement économique à long terme. L’augmentation des investissements crée un effet multiplicateur dans l’économie en générant des emplois directs et indirects, en stimulant la consommation et en encourageant la poursuite du développement. Les entreprises privées sont les principaux acteurs de la création d’emplois, du financement, de la stimulation de la compétitivité et de l’innovation, autant d’éléments essentiels à la croissance», soutient le Dr. Bhavish Jugurnath. Il poursuit en ajoutant qu’à long terme, on peut s’attendre à ce que l’augmentation des investissements privés se traduise par des taux de croissance plus élevés. En d’autres termes, de bonnes politiques publiques qui encouragent des augmentations permanentes des taux d’investissement privé conduisent à des augmentations de la croissance économique et du bien-être à long terme.

Le Dr Takesh Luckho tire, lui, la sonnette d’alarme quant à l’efficacité et à l’impact réel de cette stratégie de stimulation de l’économie par la consommation. Il trouve important de se demander si les Mauriciens utiliseront ce surplus d’argent pour la consommation. Il prend l’exemple des pensions de retraite. Il rappelle que celle-ci n’a pas été augmentée depuis 2019 et qu’elle n’a pas été indexée sur l’inflation. Par conséquent, il y a déjà eu une contraction du pouvoir d’achat. Les allocations énumérées dans le Budget 2023/2024 risquent de ne pas avoir l’effet escompté. En raison du climat économique incertain, le niveau de consommation resterait stable car la population épargnerait davantage et l’effet sur le bien-être de la population reste inchangé. En injectant tout cet argent dans l’économie, il observe que la masse monétaire augmente et génère une forte inflation.

Il convient cependant de faire la distinction entre la consommation nominale et réelle. «Dans le Macroeconomic Framework dans l’annexe du Budget, il est précisé que la consommation a augmenté de 13,2 % en termes nominaux, atteignant Rs 491 milliards avec une croissance de Rs 600 milliards, dont Rs 490 milliards sont imputées à la consommation. Dans ce cas, on peut dire que la croissance est soutenue par la consommation. Toutefois, il convient de souligner qu’il s’agit d’une croissance tirée par l’inflation. La stratégie de stimulation de l’économie par la consommation peut conduire à la croissance si l’on constate que le pouvoir d’achat réel augmente plutôt que le pouvoir d’achat nominal», met en relief le Dr Takesh Luckho.

Surconsommation ou augmentation de la TVA ?

Dans les estimations budgétaires, les recettes de la TVA passeront de Rs 49 milliards (2022-2023) à Rs 61 milliards (2023-2024) grâce à l’augmentation de la consommation. Ne risquons-nous pas de basculer dans une logique de surconsommation ? Le Dr. Bhavish Jugurnath observe en effet que les recettes de TVA devraient augmenter de Rs 12 milliards. Ainsi, il prévoit une augmentation de la consommation, voire une surconsommation, grâce aux différentes mesures qui renforceront le pouvoir d’achat des consommateurs et pourront doper la demande globale. Selon lui, cela entraînera une hausse de la croissance économique et, éventuellement, de l’inflation.

Ce n’est toutefois pas l’avis du Dr Takesh Luckho. Pour lui, l’augmentation de la TVA n’est pas un très bon signe et n’entraînera pas une surconsommation. Il enchaîne qu’une surconsommation survient lorsqu’il y a une hausse du pouvoir d’achat réel et non nominal, une baisse du coût de la vie, une hausse de la qualité de vie, et que les consommateurs ne respectent pas leur budget. «Il faut comprendre comment est calculée la TVA. Cette augmentation de la TVA n’est pas forcément liée à une surconsommation mais à une taxe d’inflation. Cela signifie qu’une augmentation des prix entraîne une nouvelle augmentation de la TVA. Ce n’est donc pas un signe de surconsommation, mais que l’inflation reste élevée ou que la dépréciation se poursuit et que les prix restent élevés.»

En outre, les deux économistes s’accordent à dire que cette hausse attendue du niveau de consommation risque de favoriser l’inflation car elle crée une demande excédentaire de biens et de services.Cela exerce une pression à la hausse sur les prix d’un large éventail de biens et de services et conduit finalement à une inflation plus élevée.

Les recettes qui ont augmenté dans le Budget, dont Rs 30 milliards supplémentaires provenant de la fiscalité, explique le Dr Takesh Luckho, ont donné au gouvernement la possibilité d’augmenter ses dépenses budgétaires. Cette situation équivaut à une grande circulation de la masse monétaire et, par conséquent, renforce l’inflation. Il souligne que notre inflation n’est pas due à la masse monétaire en circulation mais à d’autres facteurs macroéconomiques, tels que les prix élevés de l’essence, du fret outre la dépréciation de la roupie. En donnant aux consommateurs plus d’argent et plus de pouvoir d’achat pour lutter contre l’inflation, nous pouvons finir par exacerber cette dernière parce que la masse monétaire et la roupie perdent de la valeur alors que les prix des produits restent élevés. «Certes, le Budget contient des mesures visant à renforcer le pouvoir d’achat en termes nominaux, mais nous avons besoin de mesures concrètes pour lutter directement contre l’inflation. Avec l’argent qui a été collecté dans le Special Fund par le biais de la TVA, le gouvernement aurait pu adopter une autre stratégie pour juguler l’inflation. Il aurait pu geler les prix et les empêcher d’augmenter, accorder des subventions et stabiliser les prix, introduire un prix de détail maximum. Ces mesures n’auraient pas augmenté la masse monétaire.»

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