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Édito

Speaking truth to power

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Dire la vérité aux puissants ! La question est plus que jamais d’actualité. D’ailleurs, ils étaient nombreux, les journalistes et académiciens africains, à se réunir, la semaine dernière, en Afrique du Sud, pour se pencher sur ce sujet. Ce débat sur la nécessité de confronter les autorités avec la vérité des faits a non seulement permis de mieux situer le rôle et la responsabilité de tout un chacun, mais a également mis en exergue l’importance de la communication et de l’information.

Peut-il en être autrement dans un monde qui, chaque jour, perd un peu plus de visibilité sur les perspectives d’avenir lorsqu’il n’est pas en train de perdre ses repères ? À Maurice, nous en savons quelque chose. L’optimisme dont nous faisions preuve à peine sept ans de cela a cédé peu à peu la place à une morosité devenue ambiante.

Plusieurs explications sont possibles. Bien sûr, il y a la crise globale que certains n’hésitent pas à brandir pour expliquer tous les maux qui nous rongent en ce moment. Tout de même, il faut éviter de se leurrer et de jouer à l’autruche. Car nous avons nous aussi, tous autant que nous sommes, contribué à la fragilisation de notre tissu socio-économique. À tel point que nous nous retrouvons aujourd’hui dans un pays avec plusieurs clignotants, que ce soit sur le plan économique ou social, qui sont passés du vert à l’orange si ce n’est pas encore au rouge.

Deux options s’offrent à nous dans une telle situation. Continuer à faire preuve de complaisance en se disant que quoiqu’il advienne, le pays ne va pas sombrer dans la récession, cette année. Ce qui signifie maintenir le cap sur le business as usual tout en sachant pertinemment bien qu’avec la pression de la crise globale sur plusieurs piliers économiques, ceux-ci courent le risque de ne pas tenir le coup très longtemps et commencent à s’alléger de leur personnel. Avec les nerfs déjà à vif, une réduction des effectifs ne fera que verser de l’huile sur le feu  qui couve sous les cendres sociales. Ou alors empêcher les autorités de s’enfermer dans une bulle afin d’éviter un réveil brutal qui risque de nous coûter cher à tous. Arnaud Lagesse, CEO de GML, le premier groupe de Maurice, avait, dans le cadre d’une interview à Business Magazine, tenté de poser le débat en évoquant plusieurs problèmes et la qualité du leadership de notre pays. Mais les réactions politiques qui ont suivi ces remarques ont été, dans certains cas, très primaires, pour dire le moins.

En revanche, Rundheersing Bheenick, le Gouverneur de la Banque centrale, a eu plus de chance. Non pas parce qu’il ne s’est pas attiré les foudres des dirigeants politiques, mais parce que ses propos sur l’inflation, la croissance, le chômage, la pauvreté, le taux de change, entre autres, ont eu le mérite d’avoir bousculé le Trésor À tel point que celui-ci a jugé bon de réagir, provoquant ainsi un débat approfondi sur les principaux indicateurs économiques.

Dire la vérité au pouvoir n’est pas chose facile dans le contexte mauricien, étant donné le degré de susceptibilité de nos politiciens, qui sont d’ailleurs habitués à une culture de béni-oui-oui. Il n’y a qu’à allumer sa télé pour s’en rendre compte. Ce n’est pas pour autant que nous devons nous décourager. Au contraire, nous devons, maintenant plus que jamais, poursuivre dans cette voie afin d’amener un changement de mentalité.

Ce n’est certainement pas l’industriel indien Ratan Tata qui nous dira le contraire. Les propos qui lui ont été attribués par la presse indienne récemment ressemblent étrangement à ceux d’Arnaud Lagesse.

Selon Ratan Tata, l’Inde « a perdu la confiance du monde et le gouvernement a été très lent à le reconnaître ». Bien qu’il soutienne que son respect du leadership du Premier ministre Manmohan Singh demeure « very high », il note qu’il existe « a lack of leadership in the country to lead from the front. »

Au lieu de provoquer l’ire des dirigeants, de tels commentaires, qui reflètent le sentiment de ceux qui participent à la création de la richesse dans le pays, devraient plutôt interpeller. D’autant plus que nous évoluons désormais dans un environnement marqué par une très grande volatilité avec une multiplication de défis. L’éventualité d’une attaque militaire de l’Occident contre le régime de Bashar al-Assad en Syrie devrait d’ailleurs sérieusement nous inquiéter, vu les risques que cela représente pour notre économie.

Ce n’est certainement pas en tirant à chaque fois sur le messager que nous allons changer la réalité.

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