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Attention au spectre de la bulle immobilière

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Attention au spectre de la bulle immobilière | business-magazine.mu

Une bulle immobilière est-elle en gestation ? De l’avis des observateurs, un tel scénario n’est pas à écarter compte tenu du nombre de projets immobiliers largement surévalués et qui sont financés par les banques.
Le taux élevé des créances douteuses à mettre au compte des promoteurs contribue à alimenter ce sentiment d’inquiétude.

L’immobilier résidentiel etcommercialserait-il un géant aux pieds d’argile ? L’on serait tenté de le penser. Economistes et observateurs s’alarment, en effet, d’un possible effondrement du marché de l’immobilier, résultant d’une spéculation « irresponsable » menée ces dernières années.

Résultat : les projets immobiliers, qui sont sortis de terre à un rythme effréné ne trouvent plus preneurs et les promoteurs se retrouvent dans l’impossibilité d’honorer leurs dettes.

Les banques généreuses

Si bien que certains n’hésitent plus à parler de bulle immobilière. Une situation que l’économiste Chandan Jankee attribue notamment aux « pratiques douteuses » de certaines banques. « Lorsqu’on regarde ce qui se passe à Maurice, on ne peut s’empêcher de penser à la crise des ‘subprimes’ qui secoue les Etats-Unis », fait-il remarquer. Les banques, soutient l’économiste, ont identifié, avec le boom de l’immobilier, un moyen d’écouler leurs excès de liquidités et n’ont pas hésité à augmenter dans la foulée leurs frais et autres commissions pour accroître leurs revenus. De fait, les crédits accordés au secteur de la construction représentent 20 % de l’ensemble des prêts consentis par les institutions bancaires l’année dernière. Et pour accentuer encore un peu plus les craintes autour d’une bulle immobilière, la Banque de Maurice (BoM) indique que ce secteur n’a pas bonne réputation puisqu’il représente jusqu’à 60 % des créances douteuses.

Pas de quoi pourtant décourager les banques. « Les banques ont fait ce que l’on appelle un ‘credit crunch’. Elles ont déroulé le tapis rouge et prêté sans poser de questions », fait ressortir Chandan Jankee. Il n’y a qu’à voir les sommes investies dans l’immobilier résidentiel et commerciale ces dernières années.

ENL Property a investi plus de Rs 10 milliards dans Bagatelle, la Balise Marina, les Allées d’Helvetia et le centre commercial Kendra à Saint-Pierre. Médine a, pour sa part, déboursé Rs 1 milliard pour faire sortir de terre Cascavelle. Plus récemment, Ascencia, propriétaire des centres commerciaux Jumbo à Phoenix et Riche-Terre, a annoncé qu’elle dépenserait Rs 1 milliard pour agrandir ces espaces. Et la liste est loin d’être exhaustive.

Ces projets, les promoteurs en étaient persuadés, leur permettraient de voir venir. Oui, mais voilà, la crise est passée par là. Et les victimes sont nombreuses. Les dernières en date ne sont autres que Clifton Holding et Clifton Properties, promoteurs de Port Chambly à Arsenal. Incapables d’honorer leurs dettes, les deux entreprises ont fait appel à deux administrateurs pour tenter de trouver une solution. Car si l’offre n’a cessé de croître, la demande, elle, s’est réduite comme une peau de chagrin. Désabusés, certains investisseurs ont été contraints d’annuler ou de repousser leurs projets IRS-RES (Integrated Resort Scheme-Real Estate Scheme). Des immeubles construits à grands frais pour abriter des espaces de bureaux restent désespérément vides et les centres commerciaux, toujours plus nombreux, peinent à retenir les enseignes qui déplorent les prix « exorbitants » des loyers mais également les ventes qui peinent à décoller.

Miser sur une clientèle asiatique et russe

Une tendance confirmée en mai dernier par le baromètre de l’observatoire sociétal Moriscopie. L’étude révélait ainsi l’existence d’une certaine frustration chez les Mauriciens vis-à-vis des centres commerciaux. Un constat qui trouve sa source dans la dégradation de leur situation financière. Plus de deux tiers des sondés ont confié avoir noté le recul de leur situation, alors que 55 % de la population souhaitait émigrer si on leur en donnait la possibilité.

Loin de partager l’inquiétude de Chandan Jankee, Eric Ng, autre économiste, estime, pour sa part, que les banques mauriciennes ont les reins suffisamment solides pour résister à une éventuelle explosion de la bulle immobilière et commerciale. « Les institutions bancaires, qui ont prêté à tour de bras pour financer tous ces projets, seraient certainement fragilisées, mais elles ont suffisamment de capital pour faire face à ces créances douteuses. A la lumière de cette situation, nous réalisons qu’il n’existe pas à Maurice de réelles études économiques sur le secteur immobilier, ce qui aurait pu éviter à certains promoteurs des déconvenues », analyse-t-il. D’aucuns estiment que la crise qui frappe ces jours-si ce secteur aura le mérite de permettre d’identifier les projets viables et donc mieux à même d’intéresser les investisseurs potentiels.

Jusqu’ici, une poignée de projets dans le segment IRS-RES ont été concrétisés. Parmi, CIEL Properties, qui lance ces jours-ci la troisième phase d’Amalthea. Au coût de Rs 1,2 milliard, ce projet résidentiel, qui surfe sur le succès d’Anahita, séduit déjà une clientèle aussi bien internationale que mauricienne. Il faut dire que ce nouveau projet met en avant des habitations à moins de 500 000 euros. Un repositionnement qui permet à CIEL Properties de toucher une clientèle plus large.

Du côté des malls, c’est Bagatelle qui se démarque, avec une fréquentation soutenue depuis son ouverture. Et même si certaines des enseignes qui s’y sont installées expliquent qu’elles s’attendaient à ce que les ventes soient plus significatives, la grande majorité des commerces affichent un bilan plutôt positif. Mais malgré ces quelques déconvenues, Bagatelle reste, aux dires des gérants de magasins, un « point de vente prisé ». Dans le même temps, d’autres centres commerciaux sont boudés, faute de fréquentation satisfaisante, à l’instar de Cascavelle.

Mais là encore, l’on préfère rester positif. Car si certains promoteurs reconnaissent du bout des lèvres rencontrer « quelques difficultés », ils expliquent s’attendre à une éclaircie dans les prochains mois. « La crise a certes eu un gros impact sur la profitabilité de certains projets, mais il ne s’agit là que d’un contretemps. L’on note déjà une légère augmentation des demandes pour les espaces bureaux. La baisse du prix au mètre carré y est certainement pour quelque chose », soulignent les promoteurs, pas mécontents de voir revenir des locataires.

De leur côté, les responsables des projets IRS-RES ont été contraints de prendre leur bâton de pèlerin et d’aller chercher les clients là où ils se trouvent : l’Asie et la Russie. Une stratégie qui semble porter ses fruits. « Si la clientèle européenne et américaine se fait rare, nous avons vu arriver depuis l’année dernière davantage de clients asiatiques et russes. Eux ne connaissent pas la crise », confie un promoteur soulagé.

S’ils ne nient pas faire face à de « sérieuses difficultés », les promoteurs récusent cependant l’existence d’une bulle immobilière. Loin du faste de ces dernières années, le secteur de l’immobilier entend dorénavant faire preuve de davantage de prudence en matière d’investissement.

Croissance de 2,8 % en 2012\

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