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Croissance : les clefs de la relance

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Croissance : les clefs de la relance | business-magazine.mu

Reléguée au second plan par la politique, comme en 2012, l’économie mauricienne continue de se fragiliser. à tel point que le secteur privé estime aujourd’hui qu’il y a un réel risque que l’on rate le coche également sur la nouvelle prévision de croissance de Statistics Mauritius. 

C’est avec le moral en berne, l’indicateur de confiance de la Chambre de Commerce et d’Industrie pointant désormais vers le bas, que le pays aborde le second semestre de l’année. Ce pessimisme ambiant se reflète dans les comptes nationaux publiés la semaine dernière.

Après avoir fait preuve d’un grand optimisme vers la fin de l’année dernière en annonçant une croissance de 3,7 %, voire de 3,9 % dans le meilleur des cas, pour 2013, Statistics Mauritius est revenu sur sa position initiale à deux reprises. La première fois a été en mars dernier lorsqu’il a ramené ses projections de décembre 2012 à 3,5 %. Et comme la situation n’est guère en train de s’améliorer, l’institut de statistiques a procédé à une nouvelle baisse, tablant cette fois sur une croissance de 3,3 %.

L’organisme donne plusieurs raisons pour expliquer sa décision. D’abord, il estime que la contraction dans le secteur du bâtiment sera plus forte, soit de 7,7 % contre une estimation initiale de 6,9 %. Une contre-performance qu’il attribue à la fin des chantiers majeurs comme l’aéroport et les centres commerciaux. Sans compter le rééchelonnement des travaux visant à décongestionner les principaux axes routiers.

Des ralentissements sont aussi attendus dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (Tic) et celui des services financiers qui, selon Statistics Mauritius, connaîtront des taux de croissance de 8,2 % et 5,5 % respectivement, cette année, au lieu de 8,6 % et 5,7 %.

Entre optimisme et pessimisme

Malgré la révision à la baisse des projections de croissance, l’analyse de Statistics Mauritius paraît toujours aussi optimiste aux yeux des analystes du privé. Selon Raj Makoond, directeur du Joint Economic Council (JEC), il y a un risque réel que le nouvel objectif de croissance ne soit pas atteint.

« Sur la base de mes consultations avec les opérateurs économiques du pays, je peux vous dire qu’il existe des possibilités que le taux de croissance soit inférieur à 3,3 % », déclare Raj Makoond.

Pour avoir une prévision chiffrée du secteur privé, il faut se tourner vers la Chambre de Commerce et d’Industrie. Celle-ci n’a pas changé d’avis sur la croissance pour 2013. Le taux sera de 2,9 %, estime-t-elle. Une analyse que le ministre des Finances, Xavier Duval, est loin d’épouser. D’ailleurs, il l’a souligné récemment dans une interview à Business Magazine. « Ils ont toujours été plus pessimistes que la réalité », avait-il déclaré.         

Face à cette dégradation des perspectives de croissance économique, une question se pose : comment en sommes-nous arrivés là ? Chandan Jankee, maître de conférence à l’université de Maurice, tente d’y répondre. « Notre économie est prise au piège d’un cercle vicieux. D’un côté, la dette publique et le taux de chômage sont élevés et, de l’autre, l’investissement privé est en baisse tout comme le taux d’épargne. De plus, le déficit de la balance du compte courant continue de s’agrandir tandis que la croissance poursuit sa chute », constate-t-il.

Du côté du JEC, on est d’avis que le pays fait face à un problème systémique et structurel. La clef de la relance, affirme Raj Makoond, réside dans une approche plus structurée en matière de gestion économique. « Nous sommes tous en train de pleurnicher autour de la situation dans la zone euro alors que nous aurions dû commencer par mettre de l’ordre chez nous », lance, pour sa part, Dan Maraye, ancien Gouverneur de la Banque de Maurice.

Dans un ton plus posé, Raj Makoond soutient également que plusieurs facteurs sont en train de pénaliser la croissance, à l’instar du retard accumulé dans la réforme des State Owned Enterprises. Nous avons notamment besoin d’un cadre régulateur dans le secteur énergétique. Ce qui, selon lui, aurait permis de booster les investissements privés dans ce secteur. Le directeur du JEC déplore aussi l’absence d’une structure pour le Request for Proposal.

Ajouté à cela, l’absence de décision dans plusieurs secteurs clefs, comme le choix d’un partenaire stratégique dans le port pour rehausser notre compétitivité ne fait que limiter le potentiel de croissance du pays. « Si nous n’avions pas pris des décisions pour changer la loi en 1998 et en 2001 dans les technologies de l’information et de la communication, cette industrie n’aurait pas réalisé autant de progrès », fait remarquer Raj Makoond.

Sortir le pays  de sa torpeur

De son côté, Dan Maraye dit ne pas croire dans des mesures cosmétiques. Selon lui, le gouvernement nous coûte trop cher. « They are living beyond their means », déplore l’observateur politique et économique. L’exemple, insiste-t-il, doit venir d’en haut avec l’adoption des principes de base de bonne gouvernance qui s’appliqueront aux corps paraétatiques et aux ministères.

Au lieu de continuer à cocher les cases en matière de bonne gouvernance, il prône une politique plus rigoureuse à travers une législation. Ce qui permettra d’éliminer le gaspillage et d’arriver à la création d’une nouvelle image pour notre pays.

« Cela va aider le pays à sortir de sa torpeur. Mais pour y arriver, il faut une volonté politique de la part du gouvernement », insiste-t-il. Dans le même souffle, Dan Maraye recommande que les prises de décision se fassent de manière bien plus rapide et dans la transparence. Pourquoi ne pas venir avec une Right to Information Act ou encore une Official Transparency Act ? propose-t-il. De telles législations ne peuvent qu’être bénéfiques au pays du point de vue de la confiance qu’elles vont engendrer.

Tout aussi drastique que Dan Maraye, Chandan Jankee propose un changement de l’équipe économique au ministère des Finances. Il se dit en faveur d’un retour aux notions élémentaires d’économie tout en réduisant l’influence des institutions et des consultants internationaux.

« L’économie mauricienne est simple à gérer, mais lorsque des politiciens médiocres deviennent des techniciens avec le soutien de firmes de consultants et autres lobbys, nous avons une défaillance des pouvoirs publics », soutient le professeur d’économie.

Ce qui pousse Dan Maraye à dire que dans la situation actuelle, il faut dissoudre le gouvernement et retourner vers le peuple. Selon lui, l’heure n’est pas aux discussions sur la réforme électorale.  Plus que jamais, estiment les observateurs économiques, l’économie doit devenir le centre des priorités.

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