Type to search

En couverture

Heba Capdevila Jangeerkhan (ex-Chairperson, MiOD) – “Inclure dans notre modèle des gens des quatre coins du globe”

Share
Heba Capdevila Jangeerkhan (ex-Chairperson


Depuis la période coloniale, le pays s’est appuyé sur le savoir-faire des travailleurs étrangers pour bâtir sa richesse. Aujourd’hui encore, nous devons pratiquer la même politique d’ouverture pour passer à une autre étape de notre développement, insiste l’ex-Chairperson du Mauritius Institute of Directors.

}


BUSINESS MAGAZINE. De plus en plus d’entreprises font appel à des étrangers pour des postes à responsabilités. Qu’est-ce qui explique ce phénomène ?

Je crois en fait que c’est une évolution naturelle de notre modèle de croissance économique, et qu’un état d’esprit ouvert au renforcement des capacités donnera des résultats positifs.

En fait, Maurice a une histoire économique et un modèle de croissance très intéressant dont les racines et les fondements puisent dans un état d’esprit où l’on va chercher les ressources humaines nécessaires pour soutenir le développement. Cela est pertinent non seulement pour les emplois qui comportent une forte intensité de maind’œuvre, mais également pour des postes de cadres qui nécessitent du savoir faire.

Il faut revenir en arrière à l’époque où nous nous sommes tournés vers l’Inde pour recruter des gens pour travailler dans les champs et vers des commerçants de la Chine. Notre modèle économique a commencé par une volonté de recruter les compétences et les gens dont nous avons besoin pour notre croissance.

À ses débuts, la zone franche a attiré des investisseurs étrangers de Hong Kong principalement, avec la vision de développer cette industrie. Nous avons appris grâce au transfert des connaissances et des compétences. Par la suite, nous avons développé des programmes d’études dans l’enseignement supérieur pour nos jeunes dans une volonté d’investir dans la formation et le développement. Depuis, l’industrie a évolué. L’on a confié les postes administratifs à des professionnels locaux. Et, fait intéressant, ce sont les travailleurs étrangers de la Chine, du Sri Lanka et du Bangladesh qui font le travail manuel.

Quand je suis arrivée à Maurice il y a 23 ans, le secteur offshore était à ses débuts. Cela a été une étape importante de notre développement. Nous avons évolué vers des services à valeur ajoutée. Là encore, nous nous sommes appuyés sur l’expertise étrangère. De nouveau, il y a eu transfert de connaissances.

L’autre exemple est le secteur de l’externalisation qui, j’estime, a beaucoup de potentiel et de possibilités en termes de valeur ajoutée et du développement des services de back-office.

Le recrutement de travailleurs étrangers ne doit pas être considéré comme étant dû à un manque de compétences à Maurice, mais plutôt comme une partie importante et naturelle de notre évolution et de notre croissance. Nous pouvons créer des opportunités pour nos professionnels et nos jeunes diplômés en leur donnant une visibilité. La croissance dépendra de notre capacité à attirer des professionnels talentueux qui, en outre, sont des gestionnaires et ont un sens de leadership

}


BUSINESS MAGAZINE. Quels sont les secteurs qui font le plus appel au savoirfaire des étrangers ?

Le secteur des services et les industries basées sur la connaissance (les services financiers, l’éducation, les domaines techniques et non techniques, la recherche et développement, les sciences, etc.) doivent continuer à attirer les meilleurs talents pour permettre à l’économie de croître.

Nous avons beaucoup à offrir en tant que pays et à gagner avec cette approche. Les Mauriciens ont soif du savoir et la capacité d’apprendre. L’éducation est considérée comme primordiale, d’abord à l’échelle de la famille, puis au niveau gouvernemental. Les plates-formes technologiques s’améliorent et le développement de nos infrastructures est sur la bonne voie. Nous devons nous poser les bonnes questions. Quel meilleur chemin prendre pour la croissance ? Quels sont les besoins du pays? Comment trouver des opportunités attrayantes pour nos jeunes ? Nous devons inclure dans notre modèle les gens des quatre coins du globe, autant les Mauriciens que les non-Mauriciens.

}


BUSINESS MAGAZINE. Quelle valeur ajoutée apportent les étrangers qui occupent des postes de direction au sein des entreprises locales ?

La valeur ajoutée réside dans l’expérience, l’exposition, l’intelligence émotionnelle, l’état d’esprit et la curiosité intellectuelle qu’un individu, quelle que soit sa nationalité, peut apporter et contribuer à la création de richesse.

Maurice peut s’inspirer d’autres pays de petite taille qui ont réalisé une croissance intéressante et dont le modèle de développement est attrayant. Je pense à la Finlande, au Danemark, à la Suède, la Suisse, la Norvège et la Hollande. Ces pays voulaient attirer les meilleurs cerveaux et ont prôné une approche inclusive pour accueillir des talents et des compétences dans leurs pays. 


BUSINESS MAGAZINE. Fautil s’attendre à une hausse du nombre de travailleurs étrangers dans les prochaines années ?

Maurice compte environ 1,3 million d’habitants et une population active de 500 000 à 600 000 individus. La population est vieillissante alors que le taux de natalité est stagnant. Le pays n’est pas riche en ressources naturelles. Cela dit, quelles sont les options pour concrétiser nos ambitions de croissance et notre vision ? Le pays compte certes beaucoup de dirigeants professionnels et des leaders compétents, mais le nombre est insuffisant. 

Développer et investir dans des secteurs basés sur les connaissances et les services, avec un apport à forte valeur ajoutée, auront un impact positif sur notre économie à moyen et long termes, et conduiront au développement durable. Ce serait un bon signe si le nombre de personnes choisissant Maurice comme l’une de leurs destinations professionnelles préférées augmente. Cela voudrait dire que les investissements directs étrangers et ceux des entreprises locales sont en croissance, et que Maurice puise ses ressources au niveau global pour stimuler et soutenir la croissance. 

}


BUSINESS MAGAZINE. Que faudrait-il faire pour que davantage de Mauriciens puissent acquérir des compétences pointues et accèdent ainsi à des postes à responsabilités ?

Maurice dispose de gens brillants. Sous-estimer la valeur de nos dirigeants et cadres supérieurs serait une grossière erreur. Il n’est d’ailleurs pas vrai de dire que les étrangers sont meilleurs que ce que le pays produit. La valeur ajoutée est beaucoup plus importante que la provenance. Je pense que nous sommes sur la bonne voie. Concernant le choix des filières d’études et les perspectives de carrière, il y a des programmes menant à un diplôme de premier cycle ou de postgraduate valables. Le projet Medine UniCity en est l’illustration parfaite. Il offre un cadre pour attirer des étudiants du continent africain pour étudier et vivre dans notre pays. L’African Leadership University est un autre projet intéressant qui suit la même direction.

Nous devons continuer à promouvoir un environnement propice aux affaires qui va inciter des organisations de différentes parties du monde à investir à Maurice. Il faut offrir à nos employés des opportunités et une expérience sur une plate-forme qui s’étend au-delà de nos frontières.

Nous devons aussi promouvoir et soutenir l’innovation technologique au sein des entreprises et institutions éducatives. De même, il faut investir dans la recherche et le développement, la technologie, la science environnementale et la science médicale, et inviter des organisations internationales à travailler avec nous pour développer ce secteur et créer des programmes pour que les gens puissent en bénéficier. Par ailleurs, il faut continuer à mettre en place des incitations pour favoriser le retour de la diaspora mauricienne qui, soit dit en passant, pourra contribuer au développement des jeunes professionnels.

Le plus grand défi est de faire grandir, retenir et attirer des talents à tous les niveaux. Il n’y a pas de «label pays d’origine» làdessus !

}]
Tags:

You Might also Like