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«L’ARTISANAT S’OUVRE À L’EXPORT, INNOVE ET SE MODERNISE» – BERNARD PICARDO (président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat)

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«L’ARTISANAT S’OUVRE À L’EXPORT

L’apport de l’artisanat n’est pas reconnu à sa juste valeur. Pourtant, c’est une industrie qui apporte une réelle valeur ajoutée à l’économie réunionnaise, souligne le président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat. Celle-ci s’est donné pour mission d’accompagner les artisans vers la transition numérique.

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BUSINESS MAGAZINE. Quel est le poids de l’artisanat dans l’économie réunionnaise ?

L’artisanat est un maillon important de l’économie réunionnaise, qui fait travailler 18 000 entreprises inscrites au répertoire des métiers, ce qui représente environ 40 000 emplois. En 2017, le chiffre d’affaires des entreprises artisanales a été estimé à environ 2 milliards d’euros, soit trois fois plus que les recettes issues du tourisme ou de l’agriculture réunionnaise. Les artisans apportent une réelle valeur ajoutée à notre île. Une entreprise sur trois est une entreprise artisanale. Près d’un salarié sur cinq du secteur marchand travaille dans l’artisanat. Nous contribuons de manière significative à l’insertion des jeunes et nous sommes fiers d’en former chaque année 2 200. Ce qui signifie qu’un jeune sur deux en apprentissage est dans un centre de formation à la Chambre de Métiers. Nous avons cette culture de l’apprentissage ancrée sur le transfert du savoir. Un chef d’entreprise sur deux est issu de l’apprentissage.

La formation professionnelle est un puissant facteur d’innovation et représente un véritable dispositif de veille économique et technologique auquel l’artisan isolé ne pourrait pas accéder avec facilité. Je suis donc persuadé que recourir à la formation pour une entreprise est la garantie de la qualité de sa production. La formation assure un bel avenir à l’entreprise en lui apportant les capacités d’innover sur le plan technologique, mais aussi commercial. Notre offre de formation est orientée de manière à répondre avec le plus de pertinence possible aux besoins de tous les publics bénéficiaires, aux attentes des entreprises et aux évolutions du territoire.

Les métiers de l’artisanat s’ouvrent à l’export, innovent et se modernisent. Les formations mises en place sont totalement en adéquation avec les nouveaux besoins du marché. Notre rôle est d’accompagner les artisans dans le développement de leur entreprise artisanale. Nous sommes quasiment la seule Chambre de Métiers de France à proposer autant de formations sur un panel de 60 métiers avec une centaine de diplômes à l’année. Nous continuons à monter les niveaux de formation, à élever les exigences de nos artisans. Le rôle de la Chambre de Métiers est de servir l’artisanat; nous mettons en place toutes les formations qui répondent aux besoins de nos entreprises. 

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BUSINESS MAGAZINE. Parleznous de la configuration de l’artisanat à la Réunion ? 

Les activités artisanales sont réparties en quatre grands secteurs, soit 250 métiers. La part la plus importante, 39 %, revient aux différents corps d’état du bâtiment. Les services représentent 31 % des entreprises artisanales et regroupent de nombreuses activités de proximité telles que la mécanique automobile, les professions de taxiteurs et ambulanciers, la coiffure, l’esthétique, le nettoyage et la réparation de matériel électroménager, électronique et informatique. Le troisième secteur est celui de la production, avec 16 %, et enfin les métiers de bouche, avec 14 %. 


«Un chef d’entreprise sur deux issu de l’apprentissage»

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BUSINESS MAGAZINE. La conjoncture économique actuelle est-elle propice à l’artisanat réunionnais ? 

Le début d’année nous permet d’être optimistes. Nous notons une amélioration de la pérennité des entreprises à 5 ans (+5 % hors micro-entrepreneurs). Nous enregistrons également une progression continue de 4 % du tissu artisanal, et de 2,6 % du nombre d’apprentis.

Ces points positifs sont encourageants, mais nous nous focalisons sur les facteurs dits de tension tels que la capacité financière des entreprises, la trésorerie, le manque de visibilité sur les carnets de commandes, la concurrence entre les acteurs, les charges fiscales et sociales.

Le secteur des services et les métiers de bouche sont les plus durement touchés. Les difficultés sont souvent liées à la concurrence très rude des sites en ligne, au prix du foncier et aux réglementations de plus en plus draconiennes. De ce fait, les artisans sont obligés de limiter leur effort d’investissement. En 2016, seulement 17 % des entreprises ont mis en œuvre un programme de modernisation de leur outil de travail. Les artisans mobilisent davantage leurs fonds propres et font de ce fait moins appel à des financements externes. 


BUSINESS MAGAZINE. Quels sont les principaux enjeux de la chambre consulaire pour 2018 ?

Il est difficile dans notre domaine de faire des prévisions réalistes à long terme. Le paysage économique est en mutation perpétuelle. Pour garder le cap, nous conseillons aux entreprises de suivre les évolutions; l’anticipation est devenue une priorité. Il est important de diversifier une activité et de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ! 

La Chambre de Métiers a mis en place depuis plusieurs années une cellule «marchés publics» pour accompagner les entreprises à la commande publique, notamment dans le secteur du bâtiment, pour que chaque entreprise puisse y répondre de manière efficace. Nous accompagnons ce secteur particulièrement touché par la crise et mettons en place des formations spécifiques pour leur venir en aide avec efficacité.

Les défis que nous nous lançons pour 2018 reposent sur la proximité avec nos ressortissants et l’accompagnement vers la transition numérique. Nous poursuivons en 2018 plusieurs projets qui ont pour objectif une amélioration de la proximité et de la visibilité de la Chambre de Métiers.

Une Chambre de Métiers mobile, une des premières de France, sillonnera La Réunion pour rencontrer les artisans. En mai ou juin prochain, un véhicule connecté et équipé de toutes les fonctionnalités d’une chambre de métiers apportera l’ensemble des services sur le terrain, directement auprès des entreprises. 

Nous considérons souvent l’artisanat comme un secteur traditionnel mais, pour garder le cap, chaque entreprise doit innover et évoluer en cohérence avec son époque. Le numérique est devenu indispensable au développement de l’activité économique d’une entreprise, tant pour sa visibilité auprès des clients que pour sa viabilité sur le marché. Selon une étude réalisée par la Chambre de Métiers de La Réunion sur les usages et les besoins des entreprises artisanales en ce domaine, il s’avère que neuf entreprises artisanales sur dix sont informatisées (64 % des entreprises disposent d’un ordinateur et 25 % d’une tablette tactile). Loin d’être distancés, les artisans font preuve d’ouverture au digital. 36 % des artisans utilisent les réseaux sociaux pour communiquer avec leurs clients. 

Cette ouverture ne doit pas occulter un certain retard dans l’intégration et l’optimisation des outils numériques. Seules 15 % des entreprises ont recours aux outils et procédés numériques, 16 % des entreprises possèdent un site Web et 2 % vendent en ligne. 

Au vu de ces chiffres relativement faibles, la Chambre de Métiers répond à ces besoins latents en termes d’accompagnement, de conseil et de formation. Face au digital, les chefs d’entreprise ont des comportements différents. Trois profils de dirigeants se côtoient : les adeptes (20 %), les potentiels (60 %) et les réfractaires (20 %).

Pour aider ces derniers, la chambre consulaire propose une palette d’ateliers de découverte du numérique mettant en avant son important potentiel pour le développement de leur activité.



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BUSINESS MAGAZINE. Un mot sur l’économie circulaire à La Réunion ?

Les secteurs de l’artisanat œuvrent pour une approche nouvelle de la consommation visant à favoriser des initiatives écoresponsables de ses entreprises comme des comportements éco-citoyens de tout un chacun.

Le site reparer.re, qui existe également en version annuaire papier, répertorie plus de 300 artisans dans de nombreux domaines d’activités (réparations de matériel informatique, électroménager, électronique, restauration de meubles…). Garants d’un savoir-faire, ces artisans qualifiés répondent aux demandes de réparation et permettent à leurs clients de prolonger la durée de vie des équipements et appareillages. En faisant appel à ces artisans, l’usager soutient l’activité des petites entreprises et contribue au développement endogène par une consommation responsable, génératrice d’emplois de proximité. Nous pouvons tous participer à la réduction du volume de déchets produits chaque année sur notre île. 


BUSINESS MAGAZINE. La Chambre de Métiers de La Réunion a-t-elle des partenariats avec les pays de l’océan Indien ?

Dans le cadre de la coopération internationale, nous signons régulièrement des conventions de partenariat avec les pays de la zone océan Indien. Une convention a été signée avec le Mauritius Institute Training sur un projet de formation professionnelle des jeunes et des formateurs. 

Nous travaillons en collaboration avec l’Assemblée Régionale de Rodrigues sur un projet de structuration de la filière agroalimentaire. Aux Seychelles, notre convention porte sur la formation des jeunes avec la Small Entreprise Promotion Agency.


BUSINESS MAGAZINE. De quelle manière comptez-vous célébrer vos 50 années d’existence ?

Nous sommes la première Chambre de Métiers et de l’Artisanat de l’Outre-Mer. Le décret portant sur sa création a été promulgué le 8 mai 1968. Depuis cette date, des progrès immenses ont été accomplis pour faire de l’artisanat un secteur de premier plan de l’économie de la Région. Nos secteurs et nos filières sont aujourd’hui structurés avec efficience. Nous sommes présents sur neuf sites et comptons plus de 300 collaborateurs et un observatoire des métiers. Nous saisissons l’opportunité de ce cinquantième anniversaire pour mettre l’accent sur la richesse du savoir-faire des artisans réunionnais, la diversité des offres de service, de conseil et de formation au service des artisans et pour valoriser nos partenaires, notamment le Conseil Régional pour son soutien à la formation professionnelle initiale et continue. 

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