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Le blues des restaurateurs

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Le blues des restaurateurs | business-magazine.mu

«Les restaurants sont en grande difficulté. Nous constatons que la plupart des restaurateurs n’arrivent pas à atteindre des niveaux de rentabilité satisfaisants. Chacun se bat dans son propre environnement, avec ses propres spécificités pour tenter de faire bouger les choses dans la bonne direction, mais ce n’est pas facile », constate d’emblée Philippe Leclézio, directeur de la Flore et responsable de la commission Restaurants au sein de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim). La restauration traditionnelle fait face aujourd’hui à une compétition féroce venant des centres commerciaux, mais aussi de la rue. « C’est une concurrence déloyale qui se fait au nez et à la barbe des autorités qui ne paie pas de charges et méprise totalement les règles sanitaires de base », s’insurge un restaurateur.

Christophe Hardy, Chef exécutif du Restaurant 27, est du même avis : « Nous n’opérons pas sur un même pied d’égalité. Les snacks, qui ont un General Retailer’s Licence, ne sont pas autorisés à cuisiner et conserver de la nourriture sur place. En tant que restaurateurs, nous avons à respecter des normes strictes. Tout cela a un coût. »

En 2010, on comptait 978 restaurants et 4 444 comptoirs / snacks / cantines... Alors qu’à fin 2011, il y avait 927 restaurants et 4 900 comptoirs / cantines / snacks... La forte hausse des points de restauration autres que les restaurants traditionnels témoigne de la fermeture de nombreux établissements.

Des charges trop lourdes

« De même, l’expansion des comptoirs / cantines / snacks... a augmenté de 456 en un an et demi, soit une moyenne de 25 nouveaux par mois », observe-t-on du côté de l’Ahrim. Il faut dire que les grands Malls, food courts et enseignes de restauration rapide ont connu une expansion fulgurante à Maurice ces dernières années, cela au détriment des restaurants. « L’avènement des Malls a changé beaucoup de choses. Ils offrent une ambiance différente qui séduit les Mauriciens en mal de loisirs. Les modes de consommation des Mauriciens ont évolué. C’est indéniable que les Malls et centres commerciaux ont contribué à drainer la clientèle des restaurants », explique Philippe Leclézio. Et cette année, la baisse de clients est encore plus marquée que les années précédentes, poursuit-il.

\L’impact de ce changement a eu des effets dévastateurs sur les restaurants qui doivent, en outre, faire face à de lourdes charges. « Pour ouvrir un restaurant, il y a un gros investissement initial. Un restaurant a beaucoup de frais. Pour maintenir le cadre, nous avons de multiples dépenses liées à la formation des employés pour améliorer le service, l’énergie, le loyer et les autres frais d’opération. Nous devons aussi rembourser nos dettes. Tout cela fait qu’il est de plus en plus difficile de maintenir l’activité », poursuit notre interlocuteur.

Les coûts d’opération liés au loyer, au salaire du personnel, à la nourriture, l’électricité et au gaz ont augmenté. Les tarifs d’électricité et de gaz ont connu de fortes hausses durant ces deux dernières années. « Il nous faut absorber ces hausses et ne pas nécessairement augmenter nos prix, car nous devons veiller à rester compétitifs pour attirer les clients », indique-t-il.

Résultat : les marges de profit sont nettement en baisse dans le secteur. « Il y a quelques années, elles étaient de 30 %, mais aujourd’hui, elles ont bien diminué. Pour rester compétitif, le restaurateur doit impérativement rogner sur ses marges », souligne Christophe Hardy.

\Pour Kervina Jeewooth, responsable de communication à l’Aventure du Sucre, les achats alimentaires représentent incontestablement un gros poste de dépense dans la restauration : « Il suffit d’aller faire ses propres courses en supermarché pour comprendre l’impact de la hausse des produits alimentaires. De notre côté, nous avons souhaité ne pas répercuter ces hausses directement sur le prix à la carte. Nous avons absorbé les augmentations. Du coup, ce sont nos résultats opérationnels qui s’en trouvent affectés. »

\Concurrence et coûts d’opération affectent le secteur sans oublier la baisse du pouvoir d’achat des Mauriciens. « La concurrence directe et indirecte vient puiser dans un marché de moins en moins dépensier. Et en matière de restauration, rien qu’en constatant la montée en puissance des franchises – il y a de nouveaux noms presque tous les deux ou trois mois en ce moment –, nous pouvons dire que le positionnement ‘restaurant’ devient très difficile à tenir », remarque Philippe Leclézio.

Les restaurants parviendront-ils à faire le plein pour les fêtes de fin d’année ? Cela va être difficile, vu la tendance notée cette année, selon Philippe Leclézio. « Les gens passent trop de temps dans les centres commerciaux. Je ne crois pas que la situation s’améliorera de sitôt », avance-t-il. Et comment évoluer la situation dans les années à venir ? Pour Philippe Leclézio, les restaurants devront améliorer et personnaliser le service : « Je pense que tôt au tard, les gens vont pouvoir faire la différence entre les fast-foods et les restaurants qui offrent une meilleure qualité. »

Pour Christophe Hardy, l’heure est à l’action : « Il faut revoir tout le système, tous les opérateurs doivent être logés à la même enseigne. La loi comporte des différences. Sinon, la dépréciation de la roupie nous fait aussi un peu peur. Si la roupie se déprécie, nos coûts grimpent. »

Dans ce contexte peu favorable pour les restaurateurs, ces derniers sont obligés de s’adapter pour éviter le pire.

 

Le service à emporter prend de l’ampleur

De nouveaux services font leur entrée dans le domaine de la restauration depuis quelque temps : le service à emporter et le service traiteur, notamment. Par exemple, le Restaurant 27 a lancé le service à emporter, pour s’adapter à la demande de la clientèle de Port-Louis. Pour Christophe Hardy, les employés, dans une grande mesure, n’ont plus le temps d’aller manger au restaurant. Désormais, ils mangent tout en travaillant. C’est ce nouveau phénomène qui fait le succès du service à emporter.

Le Fangourin imperméable par la crise

Le restaurant Le Fangourin à l’Aventure du Sucre se distingue par son cadre unique et ses formules de restauration. Rattaché à son éco- musée consacré à l’histoire du sucre et en filigrane l’histoire de Maurice, le restaurant est resté imperméable à la crise. « Nous sommes peut-être un peu plus épargnés que d’autres car notre offre inclut le musée. À cet égard, l’Aventure du Sucre est devenue incontournable », explique Edwige Gufflet, directrice de l’Aventure du Sucre. Pour s’adapter à toutes les bourses, Le Fangourin propose une carte étoffée, des menus de jour et des menus spéciaux enfants. Pour le déjeuner, il est ouvert au public, mais pour le dîner il est privatisé pour accueillir les groupes (mariages, fêtes, fêtes d’entreprise, incentives, etc.) À l’heure du déjeuner, le restaurant reçoit une clientèle mixte Mauriciens / touristes. « Pour nous, l’important est de trouver l’alchimie entre la qualité et le prix », ajoute Edwige Gufflet.
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