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Sen Ramsamy : «Il faut aux hôtels existants environ 1,3 million de touristes par an »

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Sen Ramsamy met l’accent sur le «mismatch » entre la capacité de sièges d’avion et celle de chambres d’hôtel disponibles à Maurice. En faveur de la mise en place d’une ligne aérienne régionale, il évoque aussi le potentiel des marchés émergents ainsi que d’autres marchés porteurs.

BUSINESSMAG. Comment évoluent les arrivées touristiques depuis les trois dernières années et quelles sont les préoccupations des opérateurs de ce secteur ?

La croissance dans les arrivées touristiques sur les trois dernières années affiche une tendance à la baisse. En effet, elle est passée de 7,3% en 2010 à 3,2 % en 2011 pour terminer 2012 avec 0,1 %. Par contre, la capacité de chambres à Maurice a augmenté de 14 %, passant de 11 500 en 2009 à environ 13 000 en 2012.

La situation dans le tourisme est donc celle-ci : d’un côté, une faible croissance au niveau des arrivées, une diminution de la part de marché des touristes européens ainsi qu’une augmentation de la capacité de chambres alors que le taux d’occupation de celles-ci ne cesse de baisser ; le secteur informel qui pousse à une vitesse vertigineuse vers le bas de gamme ; un niveau de dette et des coûts d’opération très élevés dans les hôtels. Pour couronner le tout, le «marketing as usual» coûte plus cher aujourd’hui et rapporte moins. D’un autre côté, il y a de bons signaux des marchés nordiques et une croissance importante des marchés émergents.

La plus grande inquiétude des opérateurs demeure le «mismatch» entre la capacité de sièges d’avion et la capacité de chambres d’hôtel. En 2012, l’offre hôtelière était d’environ 4,5 millions de nuitées dont 2,8 millions vendues (62 %). Même si on atteint la barre d’un million de touristes cette année, nos hôtels ne seront remplis qu’à environ 63 % et beaucoup de nuitées seront encore perdues. Pour remplir les hôtels existants de façon satisfaisante, il nous faut environ 1,3 million de touristes par an.

Par ailleurs, en 2012, les chiffres officiels démontrent qu’il y avait dans l’ensemble plus de 1,7 million de sièges d’avion vers Maurice tous marchés confondus. De ce nombre, seulement 1,2 million de sièges ont été utilisés, dont 965 441 par des touristes. De plus, alors que le nombre de sièges de France vers Maurice est passé de 349 000 en 2011 à 352 000 en 2012, le nombre de touristes français a baissé par 40 000 en cette seule année, passant de 302 000 à 262 100. Le retrait d’un vol d’Air France sur cette route le mois dernier fait réfléchir. Par conséquent, l’aérien avance qu’il y a suffisamment de sièges vers la destination mais les hôteliers insistent sur le fait que ces sièges ne sont pas assez nombreux quand la demande est forte.

La pénurie de sièges en période de pointe fait que le prix des billets devient prohibitif, les clients potentiels vont ailleurs et l’hôtellerie en souffre. Il est donc clair que si nous restons dans cette équation sièges/chambres, la solution n’est pas pour demain. Il faut sortir de ce cercle vicieux. Il faut stimuler la demande à longueur d’année par de nouvelles idées et des actions fortes.

BUSINESSMAG. Serait-il judicieux de promouvoir Maurice comme une destination culturelle plus qu’une destination « sea, sand and sun » dans le contexte mondial actuel ?

Je ne pense pas que les touristes viennent à Maurice pour la culture. Pour cela, ils iront certainement en Inde, au Pérou, en Egypte et ailleurs. Au-delà du produit classique « mer-plage-soleil», les touristes choisissent notre île pour la tranquillité, pour se ressourcer. Le soleil, la mer et la plage font partie de notre image paradisiaque et ont été à la base de notre succès pendant plus d’un demi-siècle. Cependant, nous n’avons pas d’exclusivité quant à ces atouts naturels. Nos concurrents directs ont su les mettre en valeur eux aussi pour réussir.

Qu’est-ce que nous offrons de plus aux visiteurs aujourd’hui? Comme innovation, le secteur hôtelier bâtit encore plus d’établissements qui, pour la plupart, se ressemblent. La gentillesse et le sourire proverbiaux des Mauriciens restent sans doute notre USP (Unique Selling Point). Il est primordial que l’on préserve jalousement notre sens de l’accueil à travers la formation et la conscientisation de la masse comme l’AHRIM (Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice) le faisait avant.

 Nous avons des talents et desatouts indéniables ici pour replacer Maurice dans le hit-parade des pays modernes. Nous pouvons améliorer nos facilités et présenter notre pays au monde entier comme une destination « lifestyle » où il y a un art de vivre, avec le soleil, la mer et la plage en toile de fond.

Dans un monde caractérisé par la crise, la violence, les catastrophes et le stress, rien de mieux que d’offrir une destination « simplement bien-être ».

BUSINESSMAG. Quelle sera la contribution des marchés émergents dans les court et moyen termes ? Qu’en est-il de la connectivité aérienne avec ces marchés ?

Je crois que les marchés émergents, notamment la Chine, l’Inde, la Russie mais aussi d’autres marchés porteurs comme l’Australie, le Japon et certains pays arabes – les Emirats, le Qatar, l’Arabie saoudite, le Koweït -, peuvent nous rapporter beaucoup. Mais nous en tirerons profit seulement si nous procédons de manière intelligente.

Une meilleure connaissance de la culture, des styles de vie, des langues et des attentes de ces pays est importante. De plus, des dessertes aériennes concurrentielles, plus fréquentes mais surtout à des prix abordables, stimuleront davantage ces marchés. Il serait temps qu’il y ait d’autres lignes aériennes à part Air Mauritius pour desservir Maurice  à partir de la Chine, de l’Australie et de l’Inde, en vol direct ou en « stop-over » vers l’Afrique.

Toutefois, il faudra donner à ces voyageurs des raisons valables d’atterrir chez nous. Maurice est dans une position géographique idéale pour servir de passerelle entre l’Orient et cette nouvelle Afrique tant convoitée. C’est une opportunité pour notre île mais si un autre pays la saisit à notre place, elle sera perdue à jamais. Il est encore temps. J’espère qu’avec un partenaire stratégique fort, Air Mauritius trouvera le moyen de faire entre l’Orient et l’Afrique ce que Emirates Airline, par exemple, a fait entre l’Europe et notre région, entre le Nord et le Sud ; entre l’Est et l’Ouest.

L’histoire de notre compagnie nationale nous enseigne que pour réussir dans ce monde difficile de l’aviation, il faut une vision à long terme et de l’a�.

BUSINESSMAG. Vous avez participé à la récente conférence de la Commission de l’océan Indien (COI) sur la connectivité aérienne dans la région. Prévoyez-vous des avancéesconcrètes dans les moyen et long termes ?

L’initiative de la COI d’organiser une conférence sur la connectivité aérienne dans la région indianocéanique mérite d’être saluée. La participation des organisations de renommée mondiale, la qualité des présentations, le niveau des discussions, l’ambiance générale et la qualité de l’organisation ont provoqué un élan évident chez les acteurs économiques, à part une exception, pour faire avancer de manière concrète ce dossier urgent.

Si on se focalise seulement sur la connectivité inter-îles, avec un trafic commercialement restreint, cette compagnie régionale ne décollera pas de si tôt. Cependant, je suis persuadé qu’une ligne aérienne régionale, avec le soutien d’un partenaire stratégique solide, pourrait avoir un succès phénoménal si elle est conçue pour stimuler le trafic de passagers intra-régional d’une part et de l’autre, surtout pour connecter notre région aux pays émergents de l’Orient et l’Afrique. Cette démarche exige non seulement de la raison économique au-delà des emblèmes, mais aussi une vision pour un destin commun. Plus important encore, vu les grands enjeux, il nous faut de l’a� pour réussir.

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