Type to search

En couverture

Sudesh Lallchand:« Pas de corrélation directe entre la baisse des taux et l’investissement »

Share

Valeur du jour, les entreprises mauriciennes se financent à coups d’emprunts. Une situation qui est favorisée par un environnement de taux d’intérêt bas, constate l’économiste.

BUSINESSMAG. Est-ce le moment propice pour la normalisation des taux d’intérêt ?

Oui. La théorie économique dicte qu’une montée des taux d’intérêt cycliques est synonyme d’une économie en bonne santé. D’ailleurs, historiquement il y a eu une forte corrélation entre l’expansion économique et une montée graduelle des taux d’intérêt.

BUSINESSMAG. Dans quelle mesure une politique de normalisation impactera-t-elle sur l’endettement des entreprises ?

Un des problèmes majeurs du pays, c’est la chute drastique du taux d’épargne à un niveau de 12 à 13 % alors que quelques années de cela, il évoluait autour de 20 %, voire plus. Une hausse du KRR va automatiquement réajuster le taux d’épargne et les épargnants seront plus actifs au niveau
des dépôts.

Quant au secteur privé, il a l’habitude de crier au loup dès qu’on parle d’une montée du Repo Rate, arguant que cela va faire chuter l’investissement. C’est complètement faux ! Il n’y a pas de corrélation aussi directe que certains le font croire entre une baisse du taux directeur et l’investissement. Pour preuve, ces dernières années, malgré un taux directeur très bas, l’investissement n’a pas décollé. Par contre, dans les années 2000-2008, quand le taux d’intérêt sur les emprunts était de 15 % ou même plus, l’investissement privé était conséquent. Valeur du jour, vu le niveau très bas de nos taux d’intérêt, la corrélation entre l’investissement et la stabilité politique est beaucoup plus forte qu’entre l’investissement et le taux d’intérêt. Car même si le taux baisse davantage, cela n’aura pratiquement pas d’effet sur l’investissement et l’emploi.

BUSINESSMAG. Quel impact aura le rééquilibrage mondial des taux d’intérêt sur les éco-nomies émergentes comme Maurice ?

Maurice n’est pas un pays isolé. La normalisation annoncée par les pays développés aura des effets partout. Les flux d’argent vont migrer là où ils seront accueillis plus favorablement, c’est-à-dire là où les taux d’intérêt seront plus intéressants. Nous devrons suivre la tendance car nos compétiteurs directs le feront à nos dépens.

BUSINESSMAG. Existe-t-il des risques à la stabilité financière sur le plan local ?

Il n’y a pas de problème majeur à la stabilité financière, mais il faut suivre la situation de très près. Les créances douteuses des compagnies commencent à soulever une certaine inquiétude.Il y a beaucoup de Non-performing loans (prêts non productifs). Nos banques ne réalisent pas ou ne veulent pas réaliser les dangers qu’elles encourent avec ces Non-performing loans qui peuvent poser un problème très sérieux à la stabilité financière si rien n’est fait. Et cela peut  résulter en une crise bancaire et même une crise systémique. En décourageant le secteur privé à s’endetter aveuglément, la normalisation aidera à combattre ce risque systémique dans une certaine mesure.

BUSINESSMAG. Donc, la hausse des taux d’intérêt aidera à réduire l’endettement du secteur privé ?

Absolument ! Une conséquence directe du faible taux d’intérêt de ces dernières années est que nos entreprises ont eu tendance à utiliser plus de dettes que des fonds propres (Equity capital). Plus de dettes veut dire plus d’intérêts à rembourser et plus de risques pour les actionnaires. Normalement, une entreprise en bonne santé et bien gérée met une bonne partie des fonds propres dans le financement de ses projets de développement, mais si le taux d’intérêt est trop bas, l’entreprise a tendance à remplacer les fonds propres par des dettes. Aujourd’hui, le secteur hôtelier est endetté jusqu’au cou parce que les taux d’intérêt ont trop baissé.

Tags:

You Might also Like