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Travailleurs étrangers, un maillon indispensable dans l’économie

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Travailleurs étrangers


Ce sont les travailleurs de l’ombre. Ils s’acquittent docilement des tâches pour lesquelles les Mauriciens rechignent. Sans leur apport, certaines industries comme le textile ou encore la construction perdraient de leur compétitivité. Quand on parle de main-d’œuvre étrangère, ce sont aussi ces professionnels de haut niveau qui apportent de la valeur ajoutée aux entreprises. 

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Ils viennent principalement du Bangladesh, de l’Inde, de Chine ou encore de Madagascar. Ce sont souvent des artisans qualifiés mais qui ne touchent pas un salaire décent dans leurs pays. C’est la raison pour laquelle ils acceptent de travailler à Maurice où les conditions d’embauche sont nettement plus avantageuses.

En dépit de la crise, sur ces cinq dernières années, le nombre de demandes des travailleurs étrangers souhaitant travailler à Maurice a quasiment doublé, passant de 8 689 en 2012 à 17 873 en 2017. Avec le démarrage des grands chantiers et la reprise annoncée de l’économie mauricienne, il faudra s’attendre à ce que les employeurs recrutent à tour de main des étrangers dans les années à venir.

La loi est claire : les travailleurs étrangers ont le droit d’être recrutés dans des secteurs où il y a un manque d’expertise locale. La loi est-elle respectée ? Le nombre de travailleurs étrangers présents à Maurice ne constituet-il pas une contradiction à la vision du gouvernement de résorber le chômage ? Toujours est-il que la forte présence de travailleurs étrangers dans le pays qui se chiffrait à 39 454 à mai 2017, contribue de manière significative à son développement économique. C’est l’industrie manufacturière qui compte la plus forte cohorte de travailleurs étrangers. À fin mai 2017, ce secteur en engageait 31 330, soit 21 852 hommes et 9 478 femmes.

Confronté à une pénurie de main-d’œuvre, le secteur du bâtiment se tourne également vers les travailleurs étrangers. Selon les derniers chiffres, 5 001 étrangers, dont 40 femmes, sont employés par les compagnies de construction. L’hôtellerie, autre pilier de l’économie, embauche 656 travailleurs étrangers, soit 554 hommes et 102 femmes répartis dans des hôtels et restaurants de l’île. La main-d’œuvre étrangère apporte, par ailleurs, sa contribution dans d’autres domaines comme l’agriculture, la pêche et le transport.

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Manque de formation des mauriciens

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Le phénomène des travailleurs étrangers trouve son essence dans l’industrialisation. Quand la zone franche est créée dans les années ’70, il y aura d’abord une période faste où les usines de textile recruteront massivement des Mauriciens, avant qu’elles ne se tournent vers la main-d’œuvre étrangère. L’économiste Pierre Dinan revient sur cette partie de l’histoire. «Au début, dans la zone franche, on recrutait en nombre les Mauriciens. Mais l’effervescence n’a pas duré. Il y a eu une période marquée par les problèmes syndicaux. De plus, la nécessité de la main-d’œuvre étrangère s’est fait sentir à un moment donné en partie à cause du manque de formation des Mauriciens», argue-t-il.

En 1983 et 1984, après avoir traversé une période de crise, l’économie mauricienne amorce sa reprise. Celle-ci sera tirée par le manufacturier. Ce qui favorisera l’arrivée d’une nouvelle vague de travailleurs étrangers.

Trois décennies plus tard, la main-d’œuvre étrangère entre toujours dans l’équation des compagnies de textile, autant pour une question de coût que d’expertise. Carol Ng, Administrative Manager à Esquel (Mauritius), explique pourquoi la compagnie s’est tournée vers les étrangers.

«Il y avait un manque de main-d’œuvre qualifiée sur le marché local et Esquel avait besoin d’ouvriers et d’ouvrières qui soient flexibles, tout en ayant la polyvalence de pouvoir opérer sur différents types de machines. Nous recrutons principalement de Madagascar et du Bangladesh où les ouvriers sont qualifiés et disposent d’un certain savoir-faire dans le textile», faitelle ressortir. Elle est rejointe par Pradeep Dursun, Chief Operating Officer de Business Mauritius, qui confirme que «le secteur manufacturier et la construction emploient un grand nombre de travailleurs étrangers pour combler un manquement sur la scène locale».

Les chiffres de décembre 2016 démontrent que le secteur industriel est tributaire de la maind’œuvre étrangère. Dans le secteur d’exportation, anciennement zone franche, sur les 52 311 employés, 22 818 étaient des étrangers «Nous ne sommes pas loin d’avoir 1 étranger pour chaque 2 salariés dans le secteur d’exportation», constate Pierre Dinan, qui ajoute que les compagnies se tournent vers les étrangers parce qu’ils sont disponibles et rigoureux. Dans le même temps, la main-d’œuvre locale disponible manque de formation. 

Autre facteur motivant le recours aux travailleurs étrangers : le faible taux de participation féminine à l’économie mauricienne. Alors que les femmes étaient les principales ouvrières de la zone franche en 1985, aujourd’hui, elles semblent avoir délaissé le textile. À l’échelle de l’économie nationale, là encore, on constate que les femmes sont sous-représentées, ne constituait qu’environ 40 % de la main-d’œuvre ouvrière. Selon Pierre Dinan, la solution résiderait dans une politique officielle sur le télétravail.  

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Des compétences spécifiques 

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Quand on parle de travailleurs étrangers, il faut aussi faire justice à ces étrangers qui occupent des postes à responsabilités dans les entreprises. L’on se tourne vers eux car leur expertise est indispensable. «Ces cadres étrangers évoluant dans le secteur financier, l’hôtellerie et d’autres secteurs détiennent des compétences spécifiques. Ils apportent leur expertise et leurs compétences et partagent leur savoirfaire avec notre main-d’œuvre locale», fait remarquer Pradeep Dursun. 

Jocelyn Kwok, CEO de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim), abonde dans le même sens. «Toutes les compétences ne sont pas disponibles à Maurice. L’hôtellerie est très évolutive, engendrant l’émergence de nouveaux métiers, alors que les métiers traditionnels demandent des remises à niveau régulièrement. Ces quelques décisions parmi d’autres amènent une certaine délocalisation des hiérarchies et Maurice accueille donc aussi en tant qu’expatriés, des représentants d’actionnaires dans ses hôtels», précise-t-il.

Selon le Board of Investment, au 30 septembre 2017, c’est le secteur des Tic et les médias qui recensaient le plus d’expatriés, soit 1 191. Dans le segment des services professionnels, on dénombrait 1 080 expatriés. Les deux autres secteurs qui comptent le plus d’étrangers sont : l’hospitalité (760) et les services financiers (738). Le secteur manufacturier, l’import et l’export, l’industrie du savoir, l’immobilier ou encore le domaine médical recrutent également en grand nombre des professionnels de haut calibre de l’étranger. 

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De l’avis de Jocelyn Kwok, plusieurs industries doivent leur succès à la compétence étrangère. «Maurice figure parmi les meilleurs au monde dans plusieurs domaines : le textile et l’habillement, les banques et services financiers, l’immobilier et l’hôtellerie de luxe sont des exemples très parlants. Dans chacun des cas, l’apport de l’expertise étrangère ne peut être contesté. L’administration fiscale du pays est-elle devenue une référence ? Il y a eu d’autres tentatives de certaines administrations afin de recruter des cadres étrangers», soutient-il. Et d’insister que nous aurons besoin de ces compétences aussi longtemps que la formation des Mauriciens à des postes à responsabilités ne deviendra pas une priorité nationale.

Dans ce monde globalisé où la compétitivité reste le maîtremot, plus que jamais, dans les années à venir, l’on aura besoin de la main-d’œuvre étrangère.

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