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Branding : Les PME s’y mettent aussi

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Branding : Les PME s’y mettent aussi | business-magazine.mu

Quand ils envisagent un branding, les sociétés et groupes locaux préfèrent confier cet exercice à des agences internationales, au détriment des têtes pensantes et talents locaux. Par ailleurs, appelées à devenir un des piliers de l’économie mauricienne, les PME sont de plus en plus nombreuses à y recourir pour se bâtir une notoriété et se distinguer de la concurrence.

Selon les derniers chiffres de Statistics Mauritius, la croissance économique de Maurice tournera autour de 3,5 % en 2015, contre 3,2 % en 2014. Bien que la croissance soit toujours au rendez-vous, un grand nombre d’entreprises peinent à maintenir la profitabilité. Ainsi, en période de crise, il est recommandé à l’entreprise de se réinventer ; un exercice qui peut se faire à travers un outil efficace : le branding. «C’est particulièrement en période de crise qu’il faut se réinventer. Un exercice de bran-ding correctement exécuté permet de placer les priorités sur les éléments clés qui changeront la donne et rendront la marque ou l’entreprise plus forte en période de crise, et après», soutient Valérie Burrenchobay, Managing Director de Brand In One.

Mais l’absence de rentabilité ne décourage-t-elle pas les entreprises à avoir recours au branding ? «Est-ce que le branding est coûteux ? Cela dépend du prix et du retour, s’il est bien fait, etc. Ça dépend de la nécessité. Le branding n’est pas coûteux, au même titre que la publicité, les ressources humaines, la productivité, la R&D ou tout autre outil dont dispose une entreprise pour augmenter ses ventes», répond Stéphane Chasteau de Balyon, Managing Director de Capgraph.

Pour Ashraf Oozeerally, directeur et fondateur de One Essence mais également ‘Brand Specialist’, il est impératif de comprendre que le branding, comme tout service de conseil, coûte relativement cher comparé aux autres disciplines opérationnelles, car il s’agit avant tout d’une démarche intellectuelle et stratégique. «Comme une marque ne peut se construire que dans le temps, il est impératif que l’entreprise insère cette démarche dans la durée. Nous parlons ici d’un réel projet impliquant toute une organisation et une équipe rodée.» L’expert en branding explique ainsi que même si l’économie stagne, il est recommandé de faire en sorte que la marque, l’entreprise existent et vivent, «car leur cycle de vie n’est pas de courte durée.»

Même si l’environnement des affaires est actuellement en mauvaise posture à Maurice, les entreprises et les marques continuent d’investir dans le branding. Rakesh Gaju, directeur de Hubway Advertising & Brand Communication, est d’avis que les entreprises et les marques ont cerné tout le potentiel du branding, et reconnaissent que c’est un outil de séduction efficace, qui permet à leurs vraies valeurs d’être connues.

Les PME soucieuses de leur image

C’est le cas des petites et moyennes entreprises. Si quelques années de cela que les grandes sociétés ou grands groupes à l’île Maurice avaient recours au branding, la donne semble avoir quelque peu changé de nos jours. Stéphane Chasteau de Balyon martèle que le branding n’est pas réservé aux grandes entreprises. «Si les PME démarrent sur de bonnes bases, elles auront moins de mal plus tard à faire évoluer leurs marques. Le plus tôt on en prend soin, le recours à un ‘major rebranding’ sera moindre par la suite. Ce ne seront que des ajustements et des mises à jour mais comportant moins de changements drastiques.»

Alors que le gouvernement a pour ambition de faire des PME l’épine dorsale de l’économie nationale, les petites sociétés désirent améliorer leur image. «Les PME sont de plus en plus nombreuses à avoir recours au branding. Elles veulent aujourd’hui hausser leur niveau, parfaire leurs produits, leur image afin de s’internationaliser», observe Cyril Palan, Managing Director de Logos Publicity. Le branding leur permet de repenser leurs services mais aussi de se différencier de la concurrence. Avis que partage Rakesh Gaju : «Les PME ont raison de s’intéresser au branding car c’est l’outil qui leur permettra de se démarquer et de communiquer sur leur valeur ajoutée.» Pour preuve, Hubway Adverti-sing & Brand Communication accompagne et conseille de nombreuses PME et startups. C’est aussi le cas de Brand In One, qui vient de compléter le rebranding d’une PME, Océane Cruises Mauritius.

Le branding d’une PME est-il différent que pour une grande entreprise ? Les spécialistes abondent tous dans le même sens : qu’il agisse d’une PME ou d’un conglomérat, l’approche de l’exercice de branding demeure la même. «Cependant, les moyens, la mise en place, la taille du public ciblé, le nombre de supports, entre autres, seront différents. Ce sont des aspects proportionnels à la taille de l’entreprise mais l’exercice reste le même.»

Rakesh Gaju explique que l’approche du branding pour une PME est différente que celle appliquée à une grande entreprise, précisant qu’il est plus ‘challenging’ pour une PME «car il s’agit de partir de zéro. La PME a l’attrait de la nouveauté. Les consommateurs sont intéressés à découvrir les nouveaux produits locaux ; l’innovation à la mauricienne. Cela nous incite à être plus créatifs, à renforcer les points de différenciation. Cela passe par le choix de la charte graphique, des supports de communication, des couleurs. Nous nous penchons plus sur la touche mauricienne tandis que les grandes entreprises mettent l’accent sur les valeurs».

La menace vient de l’étranger

Si le branding ‘Made in Mauritius’ a la cote auprès des petites et moyennes entreprises, ce n’est pas le cas auprès des grandes entreprises et marques. Aujourd’hui, pour le branding de leur business ou de leur marque, elles sont plusieurs à se tourner vers les agences internationales. «Je pense qu’il y a une contradiction entre : «Nous devons faire tourner l’économie mauricienne, utiliser la créativité et les connaissances locales» et tout juste après : «Nous prenons des agences internationales car elles sont plus qualifiées», commente Stéphane Chasteau de Balyon.

Valérie Burrenchobay de Brand In One laisse comprendre que cette situation a été créée par des agences locales, devenues trop «gourmandes et finissent par demander des budgets déraisonnables, parfois aussi élevés que les agences internationales.  Ces agences n’ont pourtant pas l’‘exposure’ et les talents de ces dernières, notamment pour travailler sur des marques vendues à l’international ou qui ont besoin d’attirer des investisseurs et partenaires étrangers. Il est parfois important de prendre du recul et d’avoir un ‘regard frais’ extérieur afin de développer une identité différente.» Elle poursuit que les agences locales ont quelquefois tendance à utiliser le même ‘pool’ de talents, de directeurs artistiques, entre autres, qui semble occasionnellement avoir du mal à se renouveler. «Ce qui peut entraîner des développements d’identités très similaires, surtout lorsqu’il s’agit du même secteur

Pour d’autres, ce choix pour les agences internationales est simple : le métier est relativement nouveau à Maurice. C’est l’opinion de l’expert en branding Ashraf Oozeerally, qui trouve qu’il n’existe pas beaucoup d’agences de conseil se spécialisant uniquement dans le branding à Maurice. « Elles ne sont pas plus d’une dizaine.»

Par ailleurs, c’est la question d’approche qui encourage les grandes entreprises et les grands groupes à se tourner vers les agences internatio-nales. «Ces grandes entreprises ont été séduites par l’approche holistique de ces grosses pointures de ‘brand consultancy’.» Même son de cloche pour Rakesh Gaju, qui estime que les agences internationales «apportent un regard neuf» dans l’utilisation de cet outil.

Stéphane Chasteau de Ba-lyon de Capgraph et Cyril Palan de Logos Publicity sont, eux, plus critiques envers ces concurrents internationaux. Ils avancent que les agences étrangères ne connaissent pas la réalité mauricienne pour concevoir un branding destiné à une entreprise locale. «Cela me fait rire quand de grands ‘gurus du branding’ viennent montrer aux entreprises mauriciennes comment toucher leur cœur de cible alors qu’ils n’ont jamais lu, ni vu et encore moins compris un mot en créole. Ils n’ont jamais fait l’expérience du trafic de Port-Louis, n’ont jamais mangé un dholl puri acheté sur le bord d’un chemin. Qui mieux qu’un Mauricien peut connaître le marché mauricien ? Les entreprises mauriciennes doivent faire confiance aux agences mauriciennes», se laisse emporter Stéphane Chasteau de Balyon.

Plébiscitées en Afrique

Pour Cyril Palan, c’est à l’État de donner l’exemple. «Le gouvernement doit commencer par confier le branding de ses institutions aux agences locales. C’est à l’État de faire le premier pas.» Il rejoint l’avis du Managing Director de Capgraph. «Les agences internationales ne comprennent pas le contexte mauricien. Alors, elles vont essayer d’adapter leur expertise au contexte mauricien. Mais il ne faut pas oublier que le branding est un travail continu. Il suit l’évolution de l’entreprise et aide à développer des campagnes tout au lont de cette évolution.»

Les compétences et l’expertise mauricien dans ce domaine sont bel et bien réelles. En effet, la dernière campagne de branding menée par Logos Publicity pour Total Mauritius a été reprise dans des pays afri-cains. Un autre exemple : voilà quelques années déjà que Circus Advertising Group réalise les campagnes d’Air Austral. «Il y a même des directeurs d’agence qui sont des consultants pour des sociétés africaines», fait ressortir Cyril Palan. Capgraph a créé des identités pour des agences de voyages, un show télévisé et une marque de mode en Australie.

Si à Maurice, les grandes sociétés préfèrent les agences internationales, l’expertise mauricienne dans le domaine du branding est plébiscitée sur le continent africain. Pour preuve, Circus Advertising Group a récemment été élue cinquième agence plus créative devant de grosses pointures sud-afri-caines à l’African Cristal Festival et a remporté, au début de ce mois, le trophée de la meilleure agence de l’année au Cristal Océan Indien. «C’est un fait que les agences mauriciennes ont une créativité et un talent fous», note Valérie Burrenchobay. Cyril Palan de renchérir qu’aujourd’hui, pour le branding, les agences locales n’ont rien à envier aux agences internationales. «Le branding est une affaire de matière grise et de vision et nous sommes tout aussi créatifs que les agences étrangères.»

Rakesh Gaju, qui travaille avec des entreprises ayant des activités à l’étranger, à l’instar de l’ACCA, du British Council et des Laboratoires Roche, déplore le fait que quand les décideurs locaux parlent d’exportation des services mauriciens, ils ne pensent qu’aux services financiers, au textile, entre autres, et «non pas à l’expertise en publicité, en communication et en branding. Prenons l’exemple de la Grande Ile ou encore des Comores, où il n’existe qu’une poignée d’agences de communication et de publicité. Ces marchés représentent des opportunités pour les agences mauriciennes. Nous sommes bilingues, nous possédons la faculté d’adaptation et notre mixité culturelle nous permet d’exporter nos services et de comprendre les spécificités des autres pays. Notre sens de l’ouverture est un atout important», explique Rakesh Gaju.

One Essence, tout comme Capgraph, vise plus loin que cet eldorado, l’Afrique, puisque l’agence collabore actuellement avec une société singapourienne sur des projets précis et un autre projet de rebranding pour une société en Grande-Bretagne. Si l’expertise mauricienne dans le domaine du branding peine à être reconnue à Maurice, il est un fait qu’elle commence, timidement il est vrai, à avoir de la notoriété en terre étrangère.

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