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Construction : remettre à flot une industrie en récession

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Construction : remettre à flot une industrie en récession | business-magazine.mu

Avant la crise, la construction était le fleuron de l’économie mauricienne. Aujourd’hui, ce secteur en pleine récession est le maillon faible de l’économie. Il tirera la croissance vers le bas en 2013, selon Statistics Mauritius. Face à cette situation, les opérateurs revoient leur stratégie pour mieux résister à la crise et chercher de nouvelles avenues de croissance.

Le secteur de la construction est en pleine récession. Avec l’achèvement des projets d’envergure comme l’extension de l’aéroport, d’un complexe commercial et de la prison mais aussi le retard de la mise en œuvre des chantiers routiers, l’industrie a plombé la croissance économique nationale. Sa contribution au PIB a ainsi chuté à 3,3% contre des prévisions initiales de 3,5 %.

Statistics Mauritius révise d’ailleurs la croissance nationale à la baisse pour l’année en cours, tablant sur une progression de 3,5 % pour 2013 au lieu des 3,7 % prévus en décembre 2012. Car selon ses prévisions, une contraction de 6,9 % – soit supérieure de 4,9 points aux estimations – plombera le secteur au cours de l’année 2013 en raison des retards dans la mise en œuvre des projets de décongestion routière.

Wakarr Mautbur, le directeur de Home Builders, une firme spécialisée dans les travaux de construction et de finition, explique ce ralentissement par d’autres facteurs également : « La régression actuelle de l’industrie du bâtiment est imputable à la précarité économique et à la hausse constante des prix des matériaux de construction et de la main-d’œuvre.»

Pour sa part, Yassin Doolaur, un des jeunes directeurs de la firme T.K. Construction Ltd, estime que la situation s’est dégradée avec l’arrivée des entrepreneurs chinois à Maurice.

Un ralentissement prévisible

Tous font le même constat : la contraction du marché perdure. Et avec elle les difficultés qu’éprouvent les entreprises engagées dans le secteur de la construction. Qu’elles soient en première ligne ou dépendantes de l’évolution de ce secteur d’activité, les entreprises locales tentent tant bien que mal de maintenir la tête hors de l’eau.

« Ce ralentissement était prévisible du fait que l’Europe se porte mal depuis quelques années. Les effets de tout ralentissement économique se font généralement rapidement sentir : soit sur le chiffre d’affaires de l’entreprise soit sur sa profitabilité et dans les deux, à moyen et long termes. Les forces de notre marché, influencé par le ralentissement du moment, mettent toute entreprise sous ‘tension’. Nous restons cependant optimistes que l’activité va reprendre, mais il ne faudrait pas que la reprise tarde à venir ! », souligne Didier Hardy, General Manager de Profilage. Comme lui, d’autres chefs d’entreprises disent subir depuis plusieurs mois les effets d’un contexte économique morose.

Vikramsing Bhujun, le Managing Director de Prodesign, s’aligne sur les sombres prévisions de Statistics Mauritius. Selon lui, 2013 sera une année difficile. La période critique devrait se situer aux mois de mai et juin avec des licenciements à prévoir. Il met en garde contre les apparences. « Au vu des développements à travers l’île, nous avons l’impression que tout va bien dans le bâtiment. Certes, quatre ou cinq ans de cela, les commandes affluaient. Trois types de constructions étaient en forte demande : les bureaux, les espaces commerciaux et les loisirs, c’est-à-dire les IRS et RES. Mais la crise de l’euro est passée par là. La clientèle, principalement étrangère pour les IRS/RES, a déserté. Idem pour les bureaux orientés vers l’externalisation, qui visaient une clientèle étrangère. Quant aux centres commerciaux, ils ne peuvent logiquement se multiplier indéfiniment à cette vitesse sur une si petite île», observe-t-il.

Si l’appréhension quant à l’avenir à court terme du secteur est d’actualité, certains operateurs affichent un optimisme sans équivoque. Certaines grandes entreprises continuent même d’investir dans de nouveaux projets d’envergure. « Certes, le secteur traverse en ce moment une période de morosité ; il s’agit d’une conséquence directe du ralentissement économique mondial. Toutefois, avec la reprise économique de certains pays d’Europe, on commence à entrevoir des signes encourageants au sein du secteur du bâtiment et de l’immobilier », concède Billy Wong, le directeur de Super Construction.

« La période creuse est arrivée à terme et on doit gérer le ‘rebouncing time’ », ajoute-t-il.

Pour le président de la Building and Civil Engineering Construction Association(BACECA), Anwar Ramdin, cet optimisme n’est pas simpliste car une reprise est concevable en 2014. Les entreprises de taille moyenne sont toutefois moins optimistes.

Se tourner vers la région

La diversification vers les marchés régionaux constitue une option intéressante pour les opérateurs. Mais ces derniers ont besoin d’un coup de pouce des autorités, insiste Vikramsing Bhujun, Managing Director de Prodesign. «Le gouvernement pourrait organiser des campagnes en Afrique et dans la région pour promouvoir les entreprises mauriciennes qui y offriraient leurs services. Certes, le Board of Investment et Enterprise Mauritius organisent déjà ce type d’événements mais ils sont surtout destinés à l’industrie», suggère-t-il. Et de noter que la vente de services en Afrique est plus attrayante que l’implantation d’entreprises. «Il serait intéressant, par exemple, que les cabinets-conseil de quelque secteur qu’ils soient (comptabilité, finances, entre autres) puissent aller offrir leurs services en Afrique avec l’aide du gouvernement.» Une stratégie également adoptée par le management de Manser Saxon, qui mise sur une exportation de ses compétences vers l’étranger – particulièrement dans la région et en Afrique. «Une branche de Manser Saxon opère à Dubaï depuis 2004 et nous sommes fermement implantés dans cette région. Au fil des années, nous avons aussi travaillé sur de nombreux projets dans la région. Nous allons maintenant intensifier nos efforts sur ces marchés, car nous pensons que c’est la meilleure option pour soutenir dans la durée notre activité localement», annonce Eric Hardy.

Tout importer : matériaux et employés

Si les principaux opérateurs imputent leurs difficultés à la crise économique, ils pointent également du doigt les sociétés chinoises de construction, qu’ils accusent de faire de la concurrence déloyale. « Cela fausse complètement la compétition et rend impossible la participation des entreprises locales. De plus, très peu de ces sociétés chinoises veulent travailler avec des entreprises mauriciennes ; pour la majorité, elles préfèrent tout importer, matériaux comme employés», déplorent-ils.

Quoi qu’il en soit, les différents éléments de cette industrie sont appelés à revoir leurs stratégies à court / moyen terme, du moins pour tenir bon jusqu’à la reprise du secteur. Si certains, pour endiguer cette contraction des affaires, investissent dans la diversification des opérations voire dans d’autres champs d’activité ou entrevoient la pénétration de nouveaux marchés régionaux, d’autres n’hésitent pas à se focaliser sur la réduction des frais, résultant en des licenciements dans le secteur. De nombreux chefs d’entreprise ont ainsi dû faire preuve de réactivité pour tenter de préserver leurs entreprises.

« Plusieurs stratégies ont été mises en place, dont le renforcement de l’efficacité des équipes, une vigilance accrue des dépenses, l’adoption de nouvelles techniques de production plus rentables... Il a fallu faire preuve de plus d’ingéniosité et d’un esprit entrepreneurial. Mais le secteur ne se porte pas bien, et il n’y a aucun signe d’amélioration. Je rejoins la MEF, dans son analyse publiée en février, sur le fait que nous notons depuis 2012 un gros ralentissement au niveau des projets d’envergure, aussi bien qu’une courbe très faible pour les investissements dans des projets de construction», note Eric Hardy, General Manager de Manser Saxon Contracting, société du Groupe IBL.

La diversification est la stratégie la plus prisée pour faire face à la morosité ambiante. Plusieurs entreprises ont déjà emprunté cette voie. Par exemple, Home Builders Ltd procède à une diversification des offres. « Nous nous tournons plus vers les travaux de paysagisme, l’installation de piscines et l’aménagement de plages de piscine. Les piscines suscitent un véritable engouement en ce moment. Toutefois, la diversification dans d’autres lignes n’est pas à l’agenda. Il faut comprendre qu’une diversification dans d’autres lignes nécessite des investissements conséquents», déclare Wakarr Mautbur.

Améliorer la qualité pour émerger

Avec les difficultés qui s’invitent dans l’industrie du bâtiment, les entreprises déploient une autre stratégie pour accroître leur compétitivité, si ce n’est pour survivre : améliorer la qualité du produit et du service. « L’entreprise se serre les coudes pour optimiser les overhead costset booster la productivité. Nous personnalisons nos services pour devenir avant tout un partenaire et un ‘solution provider’. On mise sur l’excellence des services et la qualité du produit pour fidéliser les clients et attirer d’autres », confie explique Billy Wong, le directeur de Super Construction.

«Une chose est sûre : business will never be like before ! Les défis sont importants et sont d’ordre économique. Pour rester compétitif, il faudra être ingénieux. Le mot ‘productivité’ a encore une plus grande signification pour chaque entreprise. La qualité des produits et du service sera un facteur déterminant ; cela reste la priorité de Profilage », insiste Didier Hardy, General Manager de Profilage, déterminé à sortir plus fort de ces temps durs que vit depuis un certain temps l’industrie du bâtiment.

Même son de cloche à Prodesign, autre opérateur qui mise également sur la qualité du service. C’est dans cette optique que la firme a investi dans des logiciels informatiques avancés.

Quelques avantages de ces investissements se traduisent en des économies notables et une réduction du temps de construction.

Son directeur, Vikramsing Bhujun, précise toutefois que la qualité ne saurait être préservée ou rehaussée en sacrifiant le personnel. « Notre objectif est la satisfaction du client. Et cela implique un accompagnement à chaque étape : marketing, design des plans, implémentation, suivi du projet, etc.»

Prodesign a une équipe de professionnels pour chacune de ces étapes. «Nous n’avons aucunement l’intention de sacrifier le personnel en temps de crise au nom de l’austérité. Nous sommes convaincus que si nous diminuons la capacité humaine, nous allons sacrifier la qualité de nos services et perdre la confiance de nos clients. »

Prodesign préfère recycler le personnel en changeant, s’il y a lieu, les attributions en attendant des jours meilleurs. « Nous gardons en même temps l’investissement sur la formation », confie-t-il.

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