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Alain St. Ange : «Il y a du pétrole dans l’océan Indien»

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Alain St. Ange : «Il y a du pétrole dans l’océan Indien» | business-magazine.mu

Fervent défenseur de la coopération régionale, le ministre du Tourisme seychellois, qui était récemment de passage à Maurice, a confié à Business Magazine, sa vision d’une plus grande unité entre les États de la région. Il n’y a pas de compétition entre Maurice et les Seychelles qui, en agissant de concert, peuvent devenir la porte d’entrée en Afrique.

BUSINESSMAG. Quelles sont les retombées de votre récente visite à Maurice ?

Cette visite était la première rencontre des ministres du Tourisme de l’océan Indien en 2016. Cela nous a donné une chance de mettre les points sur les ‘i’ et de prendre connaissance des dernières nouvelles de ce groupement. Il était important pour nous d’approuver les comptes et de mettre une structure en place. Deux autres sujets importants ont été discutés. Premièrement, nous voulons consolider la zone de l’océan Indien pour en faire une destination pour les croisières. Nous avons une diversité que personne d’autre n’a, même pas dans les Caraïbes. Nous avons la côte africaine, l’Inde, Singapour de l’autre côté et une diversité inégalée avec les îles au milieu. Nous sommes obligés de jouer cette carte et montrer que nous représentons la nouvelle destination pour les croisières.

Nous avons fait le point avec le vice-président de Costa Croisières. Nous ne voulons pas être comme les Caraïbes, avec un bateau qui arrive à six heures du matin et qui repart à midi. Nous voulons plutôt avoir des bateaux qui restent au port pendant deux à trois jours. Ce succès fait que nous avons un hôtel flottant au centre de nos îles. Nous avons réussi à le faire et allons maintenant augmenter le nombre de croisières et de jours qu’elles passent dans nos ports. Nous aurons également des bateaux plus grands et neufs.

Deuxièmement, nous voulons développer une connexion aérienne inter-îles. Pour la deuxième fois, la question de transporteur à bas prix (Low-cost carrier) est revenue sur le tapis. Maurice et La Réunion ont leurs idées sur la question. Nous ne voulons pas une politique aérienne qui déstabiliserait Air Mauritius, Air Austral, Air Madagascar ou encore Air Seychelles. Nous sommes obligés d’avoir une formule qui soutienne nos compagnies aériennes respectives.

Certaines questions se posent sur la connectivité. Par exemple, est-ce qu’un Mauricien a besoin de passer par d’autres destinations pour aller aux Seychelles, alors qu’un vol direct ne dure que deux heures ? Nous avons besoin de baisser les tarifs, mais cela ne repose pas seulement sur l’aviation. Les États aussi auront à emboîter le pas en baissant les taxes. Nous nous devons de regarder le schéma en entier, et c’est cela qui est en train d’être discuté.

BUSINESSMAG. La performance de l’économie seychelloise en 2015 a été saluée par le Fonds monétaire international. À quoi attribuez-vous cela ?

L’économie du pays repose en grande partie sur le tourisme, une industrie qui a réalisé une bonne performance l’année dernière. Celle-ci a été au-delà de nos attentes.

Le taux de change joue cependant en notre défaveur. L’euro a baissé et le dollar est fort. Dans le même temps, la roupie seychelloise reste forte vis-à-vis des principales devises. Ce qui affecte nos recettes touristiques car toutes nos rentrées sont en devises.

Les investissements directs étrangers continuent de grossir. Nous voyons qu’il y a plus d’intérêt pour les investissements aux Seychelles. Nous sommes un petit groupement d’îles avec beaucoup de possibilités d’ouverture et nous donnons des garanties que peu de pays à travers le monde peuvent offrir : la stabilité, la sécurité et finalement l’assurance que les fonds et les capitaux des investisseurs étrangers seront préservés. Bien sûr, ils auront à payer les impôts, mais leurs capitaux leur appartiennent et ils peuvent les rapatrier quand ils le veulent. Il n’y a pas de contrôle sur le mouvement de capitaux. Il y a très peu de pays qui jouent vraiment le jeu.

BUSINESSMAG. Vous dirigez un ministère clef : le tourisme est le principal pilier de votre économie. Cela dit, quels sont les défis qui attendent l’industrie touristique seychelloise ?

Je dis souvent au président Michel : c’est bien d’avoir un ministère qui est un des piliers de l’économie. Mais ce qui est quelquefois un peu troublant, c’est qu’il est devenu un peu trop central à l’économie seychelloise. Au niveau du gouvernement, nous devons travailler ensemble pour aider les autres secteurs à grandir. Le secteur touristique est si important aujourd’hui que tout le monde dans le pays a un lien de parenté ou un business qui touche au tourisme. Si les pays émetteurs des marchés touristiques se retrouvent en difficulté ou ont un petit rhume, c’est tout le monde qui aura l’asthme aux Seychelles.

Nous sommes souvent cités en exemple dans les rapports internationaux. Avec très peu de moyens, comparativement à Maurice par exemple, nous parvenons tout de même à avoir une bonne visibilité. Nous poursuivons un travail de longue haleine afin d’être présents au concert des nations. La success-story des Seychelles dans le tourisme suscite beaucoup d’intérêt.

Il faut avoir cette volonté mais aussi être convaincu d’être sur la bonne voie. C’est pour cette raison que je travaille étroitement avec le secteur privé qui, soit dit en passant, est en première ligne du développement du tourisme seychellois.

BUSINESSMAG. Concrètement, quelle est la contribution du tourisme à l’économie seychelloise ?

La contribution directe et indirecte du tourisme à l’économie seychelloise est de 33 % et 66 % respectivement. La population seychelloise compte environ 93 000 personnes. L’année dernière, nous avons accueilli quelque 276 000 visiteurs. Je dois préciser que ce ne sont pas des passagers en transit.

Il faut faire grossir ces chiffres. Cette année, nous travaillons là-dessus. Notre objectif est d’augmenter le rendement par touriste. À lui seul, l’État ne pourra y arriver. Ce sont les opérateurs qui fixent les tarifs des hôtels, offrent des excursions et diverses prestations aux touristes. Nous ne sommes que des facilitateurs. S’il est impératif d’améliorer le rendement, par contre, s’agissant des arrivées, les chiffres sont bons. C’est ce Magic yield qui va continuer à consolider le tourisme seychellois.

BUSINESSMAG. Le «Magic yield» que vous évoquez est-il synonyme de tourisme haut de gamme ?

Je fais référence à la fois référence au tourisme de masse et à celui dit haut de gamme. Aujourd’hui, les Seychelles sont perçues comme la destination pour les personnalités du monde entier. Princes, princesses, rois et autres vedettes du showbiz choisissent souvent notre pays pour passer leurs vacances. Nous essayons de leur donner l’intimité nécessaire afin qu’ils passent d’excellentes vacances. Mais seul ce tourisme haut de gamme ne peut marcher. Je vous explique pourquoi.

Nous sommes petits et avons une réputation dans ce marché de niche. Mais nous avons besoin de passagers pour remplir l’arrière de l’avion. Autrement, il n’y aura plus d’avion qui viendra aux Seychelles. Tous les avions qui arrivent avec des sièges en classe première ou affaires ont un lot de sièges en économie également. Il faut continuer à remplir ces sièges pour que les classes affaires et première continuent d’exister.

Nous sommes obligés de proposer l’offre seychelloise dans toute sa gamme car il y a aussi plusieurs petits hôtels qui font tourner l’économie. Ces clients dépensent parfois plus que la clientèle d’élite car ils optent pour la location de voitures, les offres inter-îles, les restaurants et l’artisanat. C’est ce package qui font des Seychelles ce qu’elles sont aujourd’hui.

BUSINESSMAG. Comment vivez-vous votre rivalité avec Maurice dans la région dans le domaine du tourisme ?

Je ne vois pas de rivalité du tout. Sincèrement, je l’ai toujours dit : nos deux îles se complètent car nous avons une diversité. L’île Maurice est mieux placée s’agissant de la taille des hôtels et disposent de facilités pour l’accueil de grands groupes. Aux Seychelles, on ne va pas essayer de faire une conférence avec 1 000 ou 2 000 personnes. Mais nous pouvons profiter de la tenue de ces conférences pour attirer cette clientèle en mettant en avant nos très belles plages et nos hôtels de qualité. Les Seychelles et l’île Maurice sont complémentaires. Nous ne sommes pas du tout en compétition.

BUSINESSMAG. Quel regard jetez-vous sur la stratégie touristique de Maurice et la performance de l’économie mauricienne en général ?

J’ai eu l’occasion de rencontrer votre Premier ministre lors de ma visite. Il est clair que votre économie a repris et que vous êtes stable. Vous pouvez certainement faire mieux ; on peut toujours mieux faire. Le peuple veut plus, le peuple voudra toujours plus. C’est normal. Mais comme on le dit, nous sommes là pour servir le peuple. Celui-ci a besoin de se retrouver dans toutes les décisions prises par l’État.

C’est la raison pour laquelle nous parlons de connectivité entre les îles. C’est parce que le peuple le veut. Si nous ne donnons pas au peuple ce qu’il veut, quelqu’un d’autre va le faire. Si le peuple s’ennuie, il votera pour le changement quand il se rendra aux urnes.

Nous sommes obligés de rester connecté en permanence avec le peuple. C’est pour cela que dans mon ministère, je garde toujours une porte ouverte. Il faut avoir l’œil et l’oreille attentive au peuple et la communauté des affaires pour voir clairement où nous allons.

Pour répondre à votre question, je dirais que j’aime Maurice, je me sens à l’aise ici et j’ai beaucoup d’amis mauriciens, d’ailleurs. L’économie mauricienne semble être sur la bonne voie. Le tourisme marche bien. Vous avez progressé. Il y a des avions qui arrivent. Vous avez un bel aéroport et de nouvelles lignes qui renforcent la connectivité dans cette région. Tout cela vous prépare à devenir le hub de l’océan Indien.

BUSINESSMAG. Il est question du développement du secteur offshore aux Seychelles. Quelles sont vos ambitions dans les services financiers ?

La volonté politique est là pour faire grandir le secteur offshore. Mais aux yeux du monde, il faut que nous soyons respectés et vus comme étant sérieux et non pas en train de faire des magouilles, ce qui nous fera perdre notre réputation. C’est le nom des Seychelles qui sera mis à la poubelle si nous ne jouons pas bien le jeu.

C’est pour cela que l’État a introduit plus de rigidité dans ce secteur afin que nous restions sur la bonne voie. Il faut avoir en tête que les Seychelles et Maurice ont une stratégie claire. Quand nous travaillons ensemble – comme nous l’avons fait pour l’exploitation d’une zone maritime – nous nous positionnons comme une porte d’entrée en Afrique. Nous sommes deux pays considérés comme membres du bloc africain. Même si nous nous trouvons juste à l’extérieur, nous regardons vers le continent. Nous avons le devoir, que ce soit James Michel, sir Anerood Jugnauth, Xavier-Luc Duval et moi-même, d’aller vers ce positionnement et de dire : voilà le Gateway to Africa, ces deux îles de l’océan Indien. Il est temps de jouer cette carte à deux.

BUSINESSMAG. Un premier hypermarché vient de démarrer ses opérations aux Seychelles, ce qui viendra booster le secteur du commerce. Quels sont les autres projets dans le tuyau qui viendront dynamiser l’économie seychelloise ?

Nous comptons finalement un hypermarché dans l’île. Je ne crois pas qu’on aura besoin d’une vingtaine, mais il fallait commencer quelque part. Plusieurs projets sont dans le collimateur et touchent notamment à l’économie bleue, au secteur de la pêche, à l’environnement et au tourisme. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’océan car si nous ne le protégeons pas, le secteur touristique sera en danger.

Par ailleurs, il est clair qu’il y a du pétrole dans la zone de l’océan Indien. La côte africaine le fait et les Seychelles l’ont découvert également. L’exploitation prend un peu plus de temps, mais cela viendra. Ensemble, nous avons beaucoup plus à gagner en préservant notre économie. Il y a tout un travail de fond à faire en ce sens.

Il faut également continuer à améliorer la connectivité inter-îles, afin d’assurer un nombre soutenu de vols par les lignes aériennes. Nous n’aurons jamais un succès optimal dans le tourisme si les principaux pays émetteurs ne sont pas connectés avec nous en vol direct.

BUSINESSMAG. Qu’est-ce qui a changé aux Seychelles après les élections de décembre dernier, qui a vu la reconduction de la même équipe à la tête du gouvernement ?

Ces élections étaient un wake-up call aux Seychelles. Le président nous a certes reconduits à nos postes, mais nous a demandé de faire un audit total au sein de nos ministères. Cela, dans le but de constater les forces et les défaillances et voir comment nous pouvons en faire profiter à la population. Nous attendons maintenant la tenue du Carnaval des Seychelles en avril, qui sera un succès certain. Les pays continuent de confirmer leur participation et nous continuons à avoir les représentants des grands carnavals qui viennent. C’est un succès pour la région car ce carnaval représente notre diversité. Je voudrais cette fois pouvoir aligner les drapeaux de toutes les îles de la région ensemble lors de cet événement, afin de démontrer notre unité.

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