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Cyril Palan ou la faculté de rêver plus grand

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Cyril Palan ou la faculté de rêver plus grand | business-magazine.mu

Logos Publicity fêtera en novembre trente années de présence sur le marché local de la communication. Derrière ce beau parcours semé de récompenses, la détermination d’un homme à croire en ses rêves et à en faire une réalité.

Cyril Palan est de ceux qui savent rester humbles malgré la notoriété qu’ils ont acquise. Après avoir célébré ses 40 ans de métier en 2016, le publicitaire fête cette année les 30 ans de son agence, Logos, l’une des plus sollicitées du pays. Il nous reçoit dans ses bureaux de Pailles. Sourire aux lèvres, il confie, de but en blanc: «Je jette toujours un coup d’œil dans le rétroviseur pour ne pas oublier d’où je viens.» Animé d’une franchise à toute épreuve, l’homme ne renie pas, en effet, ses origines modestes et par son parcours d’autodidacte, prouve que le talent ne se résume pas qu’à une licence ou une maîtrise.

C’est à Mont-Roches, localité proche de Roches-Brunes, que grandit Cyril Palan. Son père, qui s’était engagé dans l’armée, enchaîne, une fois son devoir accompli, divers petits emplois dont coupeur de cannes et contremaître. La famille vit dans une case en paille, avec peu de moyens et le jeune Cyril ne peut se permettre d’aller plus loin dans ses études que le School Certificate et le G.C.E ‘O’ Level.

Nous sommes alors dans les années ’70 et le seul emploi qu’il arrive à trouver est celui de «gangman» pour le compte du service des forêts. Dans son for intérieur, Cyril Palan sent bien, cependant, que la vie a autre chose en réserve pour lui. Les yeux au plafond, il dit d’ailleurs être de ceux qui «rêvent beaucoup plus grand». Et alors que son père voulait le voir faire carrière dans la fonction publique, comme policier, par exemple, lui se sent attiré, irrésistiblement, vers la voie artistique.

L’art sous toutes ses formes, dont la littérature, fait l’objet d’une véritable passion chez Cyril Palan. «Je lisais beaucoup. Peut-être deux livres par semaine», relate celui qui, parallèlement, s’inscrit à des cours de dessin, de sculpture et de graphisme au Centre culturel de Roches Brunes, devenu par la suite Centre culturel Charles Baudelaire puis Institut français de Maurice. Il retrouve là d’autres amoureux d’art qui se distingueront chacun à sa manière dans les années qui suivront : Vino Sookloll, devenu Managing Director de FCB Cread et président de l’Association of Communication Agencies, Denis Ithier, directeur général de La Sentinelle, et Jean-Claude Antoine, journaliste au journal Le Mauricien…

Ces cours d’arts plastiques sont source d’épanouissement pour le jeune homme. Il se rappelle avoir été parmi les deux meilleurs élèves de sa classe et que, suite à une exposition à la galerie Max Boullé, Le Mauricien a publié la photo d’une de ses toiles. «C’était un rêve qui commençait à se dessiner.» Insatiable, il entame aussi une formation en sculpture sur bois et là encore, révèle sa dextérité. Du coup, quand son professeur de sculpture, Dyaneshwar Dausoa, reçoit une bourse de l’Inde, le département culturel du centre propose à Cyril Palan de diriger l’atelier de sculpture à sa place. À 22 ans, il suppléera donc à son enseignant jusqu’au retour de ce dernier, deux ans plus tard.

En 1975, Cyril Palan se retrouve au chômage et n’a d’autre choix que d’accepter le premier emploi qui se présente. Embauché par une usine de la zone franche, son rôle consiste à réaliser des travaux de sculpture sur des meubles de style ancien. «Nous étions en pleine récession. C’était la misère extrême à Maurice avec la dévaluation de la roupie», se remémore le publicitaire qui était payé, à ce moment-là, «Rs 5 la journée». Ne se plaisant pas à son poste, il le quittera au bout de quatre mois.

Poussé par «une volonté forte d’avancer, d’oser refuser ce que [sa] condition sociale [lui] réservait», Cyril Palan fait un premier pas vers l’univers de la publicité en envoyant une lettre de motivation à l’agence Publico. La chance lui sourit : il décroche un emploi bien qu’il n’ait pas de diplômes attestant d’études supérieures en graphisme. Dans un premier temps, le nouveau venu réalise des cartoons mais son patron, feu Michel Cervello, a un tout autre plan pour lui. En témoigne le transfert de Cyril Palan au département des ventes. Le professionnel ne cache pas sa reconnaissance envers cette personnalité du monde de la pub qui lui «a tout appris» ; l’a «initié aux rouages du métier et de la négociation» et dont il retient, entre autres qualités, la gentillesse.

Les premiers pas de Cyril Palan dans le département des ventes, chez Publico, en 1976, ne sont pas des plus aisés, notre interlocuteur mentionnant, en particulier, les préjugés qui avaient cours dans ce secteur. «Je n’avais pas de contacts du tout. Mais au fur et à mesure, j’ai pu amener de nouveaux clients à Publico». Son portefeuille clientèle prend forme peu à peu et Cyril Palan est surtout heureux d’aider les entreprises de petite taille à gagner en notoriété de même qu’en profitabilité. «Dans ma carrière de publicitaire, je me suis toujours battu avec des géants. Un peu à l’image de David contre Goliath. Je crois fermement dans les petites gens.» Il rappelle que c’est lui, par exemple, qui a lancé les marques Apollo, Cler et Savon Bleu. «Mopirove était à l’époque une petite société. Elle allait défier un géant sur le marché de la savonnerie.» Avec l’appui de notre interlocuteur, l’entreprise accomplira l’exploit de conquérir 40 % de parts de marché. Le contrat qui offre l’opportunité à Cyril Palan de prendre une longueur d’avance chez Publico est toutefois celui qu’il conclut avec JVC House – aujourd’hui Cash & Carry. Il devient dès lors un des meilleurs éléments de son agence, dont il réalise près de 50 % du chiffre d’affaires.

Au bout de onze années passées chez Publico, Cyril Palan se met à réfléchir à son avenir. Pendant cette période transitoire qui durera trois ans, il est même approché par des conglomérats mauriciens ; ils lui proposent de s’occuper de leur communication. Dans le même temps, Vino Sookloll fonde son agence publicitaire, Cread, et Cyril Palan avoue, avec le franc-parler qui le caractérise, qu’il a beaucoup d’admiration pour cet homme. La réussite de la jeune agence l’interpelle et il se rend compte que les préjugés concernant les classes sociales, à Maurice, commencent à se dissiper. Bref, il y a peut-être de la place pour lui.

Le 17 novembre 1987, avec pour seule ressource financière son dernier salaire de chez Publico, Cyril Palan se jette finalement à l’eau. «J’avais 35 ans et cette vision qu’à 40 ans, au moins, j’aurais accompli quelque chose dans ma vie.» Logos démarre timidement mais ne tardera pas à asseoir sa réputation, le bouche-à-oreille aidant. «En 30 ans d’existence, je n’ai jamais fait de marketing direct chez un client pour Logos. Je me suis rendu compte que ce sont les clients qui sont nos meilleurs agents.»

Logos brasse désormais un chiffre d’affaires de Rs 25 millions à 30 millions, mais avant tout, est composée d’une équipe passionnée, dévouée, jeune et dynamique. «Il y a un esprit de famille. Nous ne voulons pas grossir seulement pour augmenter notre chiffre d’affaires mais pour offrir un service exemplaire à nos clients.» Car une création publicitaire, insiste Cyril Palan, est une œuvre d’art que l’on admire avec fierté. «Chez Logos, nous mettons notre cœur, nos tripes et notre âme dans ce que nous faisons.»