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Interview Rencontre

Arvind Radakrishna : «Négliger le secteur manufacturier au profit des IRS/RES a été une erreur majeure»

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Arvind Radakrishna : «Négliger le secteur manufacturier au profit des IRS/RES a été une erreur majeure» | business-magazine.mu

Remettre Enterprise Mauritius (EM) sur la voie de la proactivité : tel est l’objectif du nouveau directeur de l’organisation. L’idée est de contribuer de manière significative au développement économique de l’île et donner un nouveau souffle au secteur manufacturier.

BUSINESSMAG. On n’entend plus beaucoup parler d’Enterprise Mauritius (EM). Pourquoi ce silence ?

Il n’est pas exact de dire qu’EM a été silencieuse pendant ces derniers mois. Nous avons été très présents dans les médias. Nous communiquons régulièrement avec nos stakeholders à travers nos newsletters, notre page Facebook et des sessions de travail.

Dès que je suis arrivé à EM, je savais qu’il fallait faire un «comprehensive needs assessment» de l’organisation. Après tout, j’y ai travaillé dans le passé. Cet exercice visait à identifier les manquements. Or, une de mes responsabilités principales pendant mon temps de service à la Banque mondiale était de mener ce genre d’exercice pour des organisations comme les Investment and Trade Promotion Agencies (ITPA) et même des ministères en Afrique.

À EM, j’ai dû tout revoir : le mandat, la structure et la stratégie, de même que les rôles et responsabilités. J’ai trouvé beaucoup de choses qui démontraient des manquements graves. Il fallait prendre des mesures correctives, surtout en ligne avec les objectifs très ambitieux du nouveau gouvernement concernant le développement économique.

BUSINESSMAG. Voilà bientôt un an que le gouvernement actuel a été élu. Quels changements cela implique-t-il pour EM ?

Nous avons notre mandat. Nous sommes là pour jouer un rôle clé afin d’aider le gouvernement à réaliser ses objectifs économiques. Au niveau d’EM, il y avait des faiblesses, surtout en ce qui concerne les stratégies de promotion et la structure. J’ai eu l’impression qu’on faisait les choses de manière réactive plutôt que proactive. Les actions promotionnelles elles-mêmes n’étaient pas basées sur des recherches approfondies.

Il y avait aussi une certaine démotivation et il fallait changer tout ça. En parallèle, il a fallu initier des recherches poussées sur près de 59 pays en Afrique et 28 pays en Europe afin de dresser une liste de pays où les activités promotionnelles devaient avoir lieu en priorité. C’est un gros travail qui a été abattu et qui n’a jamais été réalisé à EM avant aujourd’hui.

Il fallait de surcroît redéfinir un plan stratégique, ce qui est chose faite, et en même temps exécuter des projets promotionnels.

BUSINESSMAG. Pouvez-vous nous citer quelques-uns de ces projets ? Qu’en est-il de leurs retombées ?

Nous avons eu des retombées très positives. Notre présence à Source Africa (Ndlr : foire annuelle du textile qui a eu lieu en juin 2015 à Cape Town, en Afrique du Sud) avec 40 entreprises locales a généré des commandes fermes de Rs 120 millions alors que la participation mauricienne à l’European Seafood Expo en Allemagne a déjà donné lieu à des commandes de Rs 153 millions.

Nous avons également pris part à Première Vision, à Paris (Ndlr : salon réunissant quelque 62 000 professionnels autour des six grandes filières du textile : fils, tissus, dessins, cuirs, accessoires et confections), avec 13 entreprises mauriciennes, ce qui a permis à celles-ci d’obtenir Rs 14 millions de commandes. Dubaï, l’Espagne - un marché très négligé -, le Kenya, le Zimbabwe et les États-Unis ont aussi fait partie de nos destinations.

J’aimerais ajouter que nous partirons en mission en Afrique du Sud et à Istanbul, début 2016. En sus de cela, nous avons lancé des projets de renforcement des capacités pour les petites et moyennes entreprises (PME).

BUSINESSMAG. Le rôle d’EM se résume-t-il donc principalement à emmener les entreprises mauriciennes à des foires internationales ?

Oui, c’est un de nos rôles primordiaux : organiser la participation des entreprises mauriciennes à des foires ciblées. Il y a tout un processus autour de cela. Mais nous faisons beaucoup d’autres choses par rapport au «capacity building» des PME. Moi, j’y crois fermement. Le gouvernement l’a d’ailleurs dit : dans le futur, les PME seront l’épine dorsale de l’économie. Nous travaillons en collaboration avec plusieurs organisations comme la Small and Medium Enterprises Development Authority et le Board of Investment (BoI) en ce sens.

BUSINESSMAG. Il était question à un certain moment de fusionner toutes les agences de promotion de l’île. Quel est votre avis à ce sujet ?

Je trouve qu’il est très important pour une organisation comme EM de collaborer avec d’autres institutions. Il faut établir une solide collaboration avec la Mauritius Tourism Promotion Authority et le BoI, entre autres. Nous allons d’ailleurs bientôt signer un memorandum of understanding avec le BoI et le National Productivity and Competitiveness Council. C’est à partir de là que nous pourrons organiser des programmes de promotion communs afin de vendre la destination Maurice de manière intégrée pour le business, l’investissement et le plaisir.

BUSINESSMAG. Le secteur manufacturier est depuis longtemps considéré comme le parent pauvre des Investment and Trade Promotion Agencies. Comment expliquez-vous cette tendance ?

Pour répondre à cette question, il convient de faire un retour dans le passé, plus précisément dans les années quatre-vingt-dix. À l’époque, il y avait une seule organisation responsable de la promotion de l’investissement et du commerce extérieur, soit la Mauritius Export Development and Investment Authority (MEDIA). J’y ai travaillé pendant 18 ans. La MEDIA avait pu amener des résultats concrets. Comment ? Le focus était sur le développement de la base industrielle mauricienne.

L’on sait que le secteur manufacturier a traditionnellement été un pilier de l’économie mauricienne, employant quelque 55 000 personnes et exportant environ Rs 55 milliards sur 150 pays. Malheureusement, au fil des années, le focus est passé du secteur manufacturier au secteur immobilier dans le but d’attirer les investissements directs étrangers (IDE) vers les projets Integrated Resort Scheme (IRS)/Real Estate Scheme (RES). Selon moi, cela a été une erreur majeure.

Ces six dernières années, les IDE destinés au secteur manufacturier ont baissé drastiquement pour tourner autour de3 % en 2013. Il ne fallait pas le négliger, mais au contraire faire plus d’efforts pour attirer des investissements, surtout vers les «high value-added industries», en vue d’élargir cette base industrielle. Néanmoins, tel n’a pas été le cas et nous sommes là où nous savons.

BUSINESSMAG. Le contexte est tout de même différent à présent…

Le contexte est très différent. Notre base industrielle repose sur le textile. Le danger est que nous avons des marchés traditionnels comme les États-Unis et l’Europe pour ce secteur, ce qui le rend fragile. Il faut absolument diversifier et amener des investisseurs ici pour créer des «high value-added industries» dans les domaines de l’ingénierie légère, de l’électronique et de la confection de produits en cuir, entre autres. Il y a aussi un problème au niveau des compagnies qui ferment leurs portes alors que d’autres relocalisent leurs activités dans d’autres pays. Il demeure donc très important de faire un effort pour attirer les investisseurs étrangers afin de développer le secteur manufacturier.

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